Le procès de l'ancien Président Zine Abidine Ben Ali et de sa femme Leila Trabelsi s'ouvre ce lundi 20 juin à Tunis. C'est le premier d'une longue liste qui attend l'ancien locataire de Carthage et ses proches; une liste composée d'environ cent dossiers, tous aussi lourds les uns que les autres. Mais étant le premier d'une longue série, ce procès a une importance particulière et sera très suivi par l'opinion nationale et internationale. Ce procès aura, effectivement, la lourde charge de rassurer les Tunisiens que la justice suit son cours et que l'ancienne mafia qui a spolié le pays n'échappera pas à la justice. Il aura aussi à rassurer les nombreux observateurs étrangers que l'ancien Président et ses proches bénéficieront, malgré tous leurs crimes et le mal qu'ils ont fait subir au pays et au peuple, d'un procès équitable et que les verdicts ne, en aucun cas, ceux d'une justice expéditive. Cela est primordial pour la suite des procédures de rapatriement des personnes impliquées et de leurs avoirs à l'étranger. C'est pour cela que le procès de Ben Ali et sa femme qui s'ouvre ce lundi doit veiller à trois choses que nous estimons primordiales pour le succès du procès lui-même et pour la suite des poursuites pénales engagées contre l'ancien président et ses proches. Sur le plan procédural, le procès devrait être sans faille. Ne dit-on pas que la justice est avant tout une question de procédures. Mais gageons que la justice tunisienne réussira ce test avec brio. Elle a l'expérience et la compétence nécessaires. D'ailleurs, ce qui semblait pour l'opinion publique des marques de lenteur de la part de la justice était en fait un souci de respecter le moindre des procédures par les professionnels de la justice. Heureusement d'ailleurs, parce que suivre l'empressement général aurait amené à succomber à la soif de vengeance et à la vindicte populaire ce qui aurait été catastrophique pour le pays, pour la transition démocratique et pour l'image de la révolution tunisienne. D'un autre côté, il est impératif de garantir aux deux prévenus un procès équitable et de leur faire bénéficier d'un système de défense efficace. A ce niveau, les choses semblent plus complexes. D'abord parce que Ben Ali a mandaté deux avocats étrangers, l'un français Me Jean-Yves Leborgne, et l'autre libanais Me Akram Azouri. Ces deux avocats ne peuvent, en aucun cas, plaider devant les tribunaux tunisiens. Ils n'ont pris aucun contact avec le conseil de l'ordre des avocats tunisiens ni avec le ministère de la justice et se sont contentés à publier des déclarations de dénigrement. Même si la polémique pourrait être déclenchée à ce propos. On se demande d'ailleurs pourquoi Ben Ali n'a pas opté pour aucun des avocats tunisiens de son clan, ceux de la cellule, la « khalia », qui ont mis main basse durant des décennies sur toutes les affaires de l'Etat et des entreprises publiques. Est-ce parce qu'il les méprise ? Est-ce qu'il doute de leur fidélité et de leur compétence ? Face à cette situation, deux avocats ont été commis d'office par le barreau tunisien, Me Messoudi et Me El Fray. Mais ce dernier, pourtant secrétaire général du conseil de l'ordre des avocats tunisiens s'est désisté pour des raisons très peu convaincantes mettant l'ensemble du barreau tunisien dans une situation embarrassante. Un autre avocat qui aurait refusé sa nomination d'office aurait été sanctionné immédiatement et Me El Fray, pourtant très respecté par ses pairs, aurait gagné à être à la mesure de sa responsabilité et à donner le bon exemple. Face à ce désistement, le conseil de l'ordre a nommé quatre autres avocats pour remplacer le secrétaire général défaillant ce qui porte le nombre total des avocats commis d'office pour la défense de Ben Ali et de sa femme, non plus à deux avocats mais à cinq. Quant au troisième point qui sera déterminant dans le succès du procès, c'est la présence de la presse et la couverture du procès par les médias tunisiens et étrangers. Cela permettra de rassurer l'opinion publique tunisienne ainsi que les observateurs locaux et étrangers sur le déroulement du procès. Le fait que le procès sera par contumace et que les deux prévenus ne risque pas de quitter leur asile saoudien pour venir défendre leur cause devant la justice de leur pays, devrait faciliter les choses. La présence des médias ne peut être que bénéfique pour tous, même pour les prévenus eux-mêmes qui pourraient suivre leur procès en direct. Quoi qu'il en soit, le procès de l'ancien président et de sa femme marquera une étape importante dans la transition démocratique que vit notre pays. Nous avons tous intérêt à ce que ce procès se déroule dans les meilleures conditions pour montrer que notre justice peut être équitable, que notre révolution garde ses valeurs nobles. Mais le plus important dans ce procès demeure sa dimension symbolique, car traduire l'ancien Président et sa femme devant la justice tunisienne signifie que le pays a tourné définitivement la page Ben Ali et a fermé la parenthèse de son régime. Crédit image : tixup.com Sofiene Ben Hamida