Bernard Debré s'est expliqué, aujourd'hui 4 janvier 2012 sur les ondes d'Express FM, sur le contenu de sa « Lettre ouverte à Monsieur Moncef Marzouki, Président de la République de Tunisie », publiée sur son site personnel et qui a fait l'objet d'une forte polémique en Tunisie. M. Debré s'est dit peiné par les propos de Moncef Marzouki à l'égard des Français, dans les vœux qui leurs ont été adressés, notamment, à l'occasion de la nouvelle année. Le fait, pour le député Français, de parler de colonialisme ou d'Islamophobie, de la part du président Tunisien, était, selon lui, déplacé et erroné. Bernard Debré considère ainsi que le fait d'avoir été accueilli en France, évoquant Moncef Marzouki, devrait empêcher ce dernier d'émettre des critiques contre son pays d'accueil. Il devrait au contraire être reconnaissant, ayant « profité de l'enseignement médical français » et ayant eu la possibilité d'exercer son métier en France. Si le président provisoire de la République, de l'avis d'une partie de nos concitoyens, fait effectivement preuve de populisme et surfe sur la vague de « l'identité », initiée par les Islamistes, en y opposant une identité occidentale « ennemie » de notre culture dite « arabo-musulmane », est-il nécessaire de rappeler que la droite française a elle aussi usé de ces méthodes, qui, avant d'être critiquées par le président, l'étaient déjà par l'opposition et une partie de la majorité en France. Bernard Debré justifie ainsi ses déclarations en avançant le fait qu'il y aurait plus de musulmans en France qu'en Tunisie. Même si cette affirmation est fausse, elle voudrait également dire que le niveau de tolérance d'un pays serait conditionné par le nombre de personnes appartenant à une religion donnée. Autrement dit, étant établi qu'il y a plus de Musulmans en France que de Juifs, la France serait moins islamophobe qu'antisémite. Son niveau de tolérance envers les chrétiens serait également relatif, car, toujours selon les explications de M. Debré, il y a plus de mosquées construites en France que d'églises. De plus, Bernard Debré a évoqué, dans sa Lettre, le sort des chrétiens dans les pays arabes, qui seraient massacrés et dont les églises seraient brûlées. Dans ses explications, le député français affirme ne pas parler de la Tunisie mais de certains pays arabes. On pourrait alors se demander ce que ferait cet « argument » dans son attaque contre le président Tunisien. Un argument qui serait également employé pour justifier « l'islamophilie » de la France… le raisonnement reste obscur. Toujours pour se défendre de l'Islamophobie grandissante en France, Bernard Debré avance son attachement aux valeurs de la laïcité, un attachement qu'il étend à l'Europe : « Nous en Europe, nous sommes pour la laïcité », affirme-t-il. Sans spécifier que le concept n'est pas le même en Suède, par exemple, ou en France, ou le débat sur la laïcité a fait l'objet de vives condamnation, accusé d'avoir été initié simplement pour stigmatiser les musulmans. Bernard Debré ajoute : « La Tunisie a besoin de la France, je ne comprends pas pourquoi on nous critique ». Ainsi, comme la Tunisie dépend économiquement de son partenaire français, il serait de très mauvais ton de critiquer certaines dérives de l'autre côté de la méditerranée, pour préserver ces « intérêts ». Il est donc déconseillé, selon M. Debré, d'évoquer le colonialisme passé ou de dénoncer des dérives Islamophobes, sous peine de favoriser le Front National. Si nous suivons l'argument, accuser les Français d'islamophobes augmenterait leurs penchants… islamophobes ! Le député de droite Bernard Debré et le président provisoire de la République s'accusent mutuellement de populisme et de dérives identitaires. Des méthodes employées et par Moncef Marzouki qui cherche à séduire l'électorat conservateur islamiste, et par la droite française qui fait les yeux doux aux électeurs de Front national. Un proverbe arabe dirait : mon défaut est plus gênant chez les autres…