Par Karim Baklouti Barketallah* C'est un secret de polichinelle maintenant. Oui j'ai décidé de tourner la page d'un parti que j'ai énormément soutenu, un parti pour lequel je me suis tant donné et auquel j'ai converti beaucoup de personnes. Le projet était intéressant, le discours était juste (pas d'ennemis mais seulement des adversaires politiques), le choix était judicieux (éviter la bipolarisation en rentrant au gouvernement), mais le résultat n'était pas à la mesure des attentes. Je m'attendais à bien davantage du parti quand il est entré dans le gouvernement, je m'attendais à ce qu'il garde son identité et bien davantage, qu'il l'affirme. Hélas, cela n'a pas été le cas. Le premier projet des accords entre ce parti et ses partenaires était catastrophique et n'eût-ce été la pression des députés d'Ettakatol et de certains de ses cadres (dont j'ai fait partie), on serait rentré à l'Assemblée constituante avec des accords qui auraient pu, très fortement, faire très mal. Je rends donc ici hommage à ceux des députés du parti qui ont refusé de voter cet accord et qui ont mis la pression pour que le texte change. Bien des événements m'ont ensuite fait douter, mais lorsque j'ai vu mon parti boycotter la marche pour la liberté, un grand déclic s'est produit dans ma tête, car avant tout, moi je me bats pour les libertés et si le parti que je suis censé représenter ne défend pas les valeurs que je défends, je me pose des questions sur ma présence en son sein. On a assisté dans le pays à bien des atteintes aux libertés et mon parti ne condamnait quasiment jamais. Le parti est devenu la risée des medias avec les positions loufoques de son porte-parole. Le coup de grâce a été pour moi ce communiqué concernant la Syrie. Un suivisme aveugle des autres. Le parti n'a pas de personnalité, est incapable de se remettre en cause, incapable de changer et de donner sa chance à ceux qui sont venus après le 14 Janvier. Ils sont des milliers à attendre, à ne savoir quoi faire, qui ont peur pour leur pays et qui gardent espoir qu'un jour le parti viendra leur donner la solution miracle. Non ce parti ne peut plus rien donner aux jeunes, c'est le parti de quelques-uns qui se le garderont pour toujours, et pourtant on en a fait un fonds de commerce, on lui a drainé du monde alors qu'on savait qu'à l'intérieur il n'y avait rien. On espérait pouvoir changer de l'intérieur. Mais utopie ! Et pourtant moi je crois et défends très fortement l'idée qu'avec Ennahdha on peut travailler ensemble. Je fais partie de ceux qui disent qu'Ennahdha représente une frange très importante de la population et que nous devons apprendre à ne plus avoir peur les uns des autres et à vivre ensemble. Mais en défendant farouchement mon modèle de société et un positionnement différent. Non Ettakatol c'est définitivement terminé pour moi et je continuerai à défendre mes idées et ce en quoi je crois dans d'autres espaces. La société civile a un rôle très important à jouer et c'est elle qui nous sauvera de l'obscurantisme et fera que dans ce pays puissent vivre ensemble des gens qui ne se ressemblent pas nécessairement mais qui doivent apprendre à se respecter dans leur manière d'être, dans leur manière de vivre et dans leur façon d'aimer ce pays. Une chose doit les unir, c'est la République, la préservation des acquis et leur renforcement. La Tunisie est un pays ouvert sur toutes les civilisations et se doit de le demeurer. L'objectif ne doit pas être de renverser Ennahdha maintenant, mais de créer des forces démocratiques capables de faire l'équilibre avec Ennahdha. Ce parti a gagné les élections et si on continue à raisonner de la même manière, la prochaine fois il les gagnera avec bien davantage d'écart sur ses concurrents. Il faut un équilibre politique et cet équilibre ne pourra se faire qu'à travers une meilleure concentration des efforts, un discours différent et surtout l'acceptation que la Tunisie n'est plus ce qu'elle était. Il y a eu une révolution et cette révolution a montré que la vérité nous était cachée. Trop d'injustices, trop de persécutions, trop d'abus. Que tout cela cesse. Nous devons apprendre à vivre ensemble. *Karim Baklouti Barketallah : Chef d'entreprise, ancien cadre d'Ettakatol et membre de la Campagne du parti. A lire également : Bochra Bel Haj Hmida annonce officiellement sa démission