Pour la première fois, la fête du 13 août 1956 sera célébrée sous les auspices d'un gouvernement à majorité islamiste. Et il s'agirait probablement de la énième fête célébrée à contrecœur. Bon gré mal gré, le sens révolutionnaire de cette journée ne peut être mesuré à sa juste valeur que par celles ou ceux qui connaissent la réelle situation de la femme dans la pensée, la culture et le comportement des Tunisiens avant et après 1956. Tahar Haddad fût l'un des courageux Tunisiens qui s'est révolté à travers sa plume contre la situation dégradante de la femme. Son ouvrage « Notre femme dans la Chariâa et dans la société » est un véritable discours fondateur de la libération de la femme. La majorité des plumes de l'époque l'ont traité de tous les noms. On a même affirmé, à tort, qu'un deuil serait porté sur la femme de Haddad. Pourtant, cet esprit révolutionnaire fût traduit, un 13 août 1956, par l'équipe gouvernante sous la monarchie beylicale, en une norme juridique. La date de la promulgation de ce décret beylical, désormais dénommé « Code du statut personnel », est célébrée en Tunisie comme la journée de la « FEMME ». Mais dans quel contexte allons-nous célébrer cette date, cette année ? Si Haddad est aujourd'hui des nôtres, il aurait certainement été fier de la dose féministe injectée dans la composition de la Constituante. Celle-ci fût une exigence de la femme et de l'homme modernistes. L'absence d'une présence féminine remarquable dans la composition actuelle de l'équipe gouvernementale le prouve. Mais l'esprit dominant dans la composition de la Constituante est véritablement un esprit conservateur. Ce sont les hommes et les femmes conservateurs qui vont écrire la future Constitution. L'égalité Homme-Femme prônée par chaque esprit démocrate n'est pas pour eux une exigence constitutionnelle. Loin de là, la femme ne peut, à leur sens, que compléter l'homme. Ainsi, l'inégalité Homme-Femme, qui n'a point trouvé un fondement ni dans la Constitution de 1861 ni dans celle de 1959, serait en cours de constitutionnalisation. Au demeurant, l'esprit réformiste de Kheireddine, d'Ibn Abi Dhiaf, devenu révolutionnaire à l'époque de Mohamed-Ali Hammi, Tahar Haddad, F. Hached, H. Bourguiba et bien d'autres militants serait de nouveau rattrapé par les conservateurs. La date de la promulgation de cette nouvelle Constitution serait pour la Femme un deuil cruel. Alors qu'en pense la Femme nahdhaouie, dont on est fier de sa présence à la Constituante ; une telle présence qui reste paradoxalement redevable à l'esprit moderniste et révolutionnaire ?