Nous fêtons le 8 mars de chaque année, la journée mondiale de la femme. Si l'on procédait d'une manière classique, on aurait dédié pour l'occasion un long article pour faire l'éloge des femmes qui ont fait preuve de courage, d'engagement, d'altruisme, de militantisme … Mais une fois n'est pas coutume, nous avons préféré braquer la lumière sur des femmes qui sont, soit très, trop ordinaires, soit à la limite du ridicule, et qui font pourtant partie de l'institution la plus prestigieuse, la plus "légitime" du pays, en l'occurrence l'Assemblée nationale constituante (ANC). Les femmes de l'ANC, qui ont été élues donc choisies par le peuple lors des premières vraies élections de l'histoire du pays, pour élaborer la nouvelle Constitution, devaient théoriquement être toutes ou presque, de grande envergure, distinguées, charismatiques, bref "faire honneur" à leur mission et aux Tunisiennes, qu'elles représentent. Détrompez-vous, exception faite de quelques vraies femmes politiques militantes, qui n'hésitent pas à s'exposer aux feux de la rampe, notamment ceux des médias, et à défrayer la chronique, des femmes qui se battent pour leurs principes ou partis, qui luttent becs et ongles pour faire valoir leurs droits, à l'exception de ces femmes là, un grand nombre des élues de l'ANC sont tout simplement anonymes, complètement effacées et méconnues par l'opinion publique, ou bien encore qui incarnent une mentalité archaïque, ultraconservatrice, voire même misogyne, ce qui est le comble pour des femmes! Rappelons au départ que les statistiques de l'ISIE, rendues publiques en octobre 2011, révélaient déjà que sur les 1517 listes candidates à la constituante, 110 seulement avaient pour têtes de listes des femmes, ce qui représentait à peine un taux de 7%. Ce faible taux constaté, en dépit de l'imposition de la condition de parité entre hommes et femmes pour toutes les listes candidates aux élections, a été confirmé par les résultats des élections propulsant un nombre total de 64 femmes uniquement sur les 217 membres de l'ANC, toutes appartenances confondues. Cette minorité n'a donc pas toujours été à la hauteur de sa mission. Certaines élues ont brillé par leur absence et leur mutisme, une absence non pas physique pour la plupart, puisqu'en termes d'assiduité, les femmes sont plus disciplinées que les hommes à l'ANC. Il s'agit donc d'une absence au niveau de prises de positions, et même de prises de paroles. Sinon comment expliquer que certaines élues, plus de 16 mois après le démarrage des travaux de l'ANC, sont complètement inconnues. Qui a déjà entendu parler de Dalila Bouïne, Ferdaoues Oueslati, Nabiha Torjmene, Dalila El Bebba, Imen Ben Mohamed, Amira Marzouk, Fatma El Gharbi, Zohra Smida, Noura Ben Hassene… Et la liste est encore longue. Des noms inconnus, des visages inconnus, appartenant à des personnes qui ne sont utiles que quand il s'agit d'appuyer sur les touches du clavier de vote, pour atteindre le quorum ou encore pour meubler la salle. De la discrétion, nous dit-on ? Non mesdames, vous n'avez pas le droit d'être discrètes puisque vous êtes élues à l'ANC, vous vous êtes portées volontaires pour représenter votre région et assumer la responsabilité lourde d'élaborer une Constitution qui régira les vies de générations à venir. Vous n'avez n'a pas le droit d'être discrètes, alors que vous percevez plein les poches grâce aux contribuables. Vous n'aves pas le droit de vous recroqueviller dans votre petit coin, telles des élèves trop timides ou n'ayant pas fait leurs devoirs, parce qu'elles ne veulent pas attirer l'attention. Il ne s'agit pas d'assumer des responsabilités professionnelles et familiales et se renfermer dans son petit monde. Il s'agit d'une scène publique, des personnages publics et quand on y accède, on a bel et bien accepté les règles du jeu de cette scène. Bon à savoir que la majorité des élues effacées se trouvent dans les rangs du parti islamiste dans la mesure où sur les 42 représentantes d'Ennahdha, seules deux ou trois se distinguent par des interventions pertinentes et utiles, alors que chez le camp des démocrates, plus de la moitié des 23 élues participent activement aux travaux et aux débats tout en enrichissant les discussions par des propositions et des idées concrètes. Par ailleurs d'autres élues ont plus que déçu avec des soi-disant prises de positions. Rappelons par exemple qu'en août 2012, Férida Laâbidi, présidente de la commission des droits et libertés à l'ANC Elle avait déclaré : «On ne peut pas parler d'égalité entre l'homme et la femme dans l'absolu, sinon on risque de rompre l'équilibre familial et de défigurer le modèle social dans lequel nous vivons ... Si la femme est l'égale de l'homme, alors il va falloir qu'elle soit contrainte de payer la pension alimentaire des enfants, au même titre que l'homme !». Autre brillante performance, celle présentée en janvier 2013, lors du débat sur le chapitre "droits et libertés" quand la députée, Néjiba Berioul, a appelé à inclure la criminalisation de l'avortement dans la nouvelle Constitution. Ensuite, en février 2013, Mounira Amri, autre députée à l'ANC a affirmé lors de son intervention à la séance plénière "qu'il n'y a pas d'échec du gouvernement, mais plutôt un échec à le faire échouer"! Elle avait même ajouté: "Non, il n'y a pas de crise dans le pays, seuls les esprits de certains, qui ne croient pas en la légitimité sont en crise!". Une approche assez "philosophique" qui frôle l'absurde. Le meilleur reste pour la fin avec le passionnant feuilleton comique dont la protagoniste n'est autre que la fameuse élue Sonia Toumia. Ainsi, après son indignation parce que "des citoyens ayant prévu des mariages ont souffert terriblement du manque d'eau, de la vaisselle sale… et les gosses glissent par terre! (sic)", le lapsus du "club des martyrs", le grand speech francophone à l'attention du ministre français de l'Intérieur, la revendication de faire payer les usagers de Facebook, et la découverte de son "passé politique", cette élue, n'a pas fini de nous étonner et de nous faire rire. Mais, l'ANC ce n'est pas une rigolade, ni un club où l'on peut s'amuser à échanger des anecdotes. L'ANC, c'est du sérieux, c'est même très sérieux et nécessite qu'on la prenne très au sérieux. Le pire comportement qu'on puisse adopter est certes quand une élue, à partir de son micro à l'ANC, ose prononcer des grossièretés à l'encontre de journalistes, à l'instar de ce qui s'est passé jeudi 7 mars 2013 avec l'intervention d'Amel Ghouil qui s'est tout bonnement déchaînée à la séance plénière réagissant aux propos de notre confrère Sofiène Ben Farhat, à propos d'une éventuelle dispute entre des élues d'Ennahdha occasionnant des dégâts matériels sur des caméras appartenant à la chaîne nationale de télé. Mme Ghouil, toute retournée, estomaquée, n'a pas hésité à traiter notre collègue de toutes les injures en public tout en menaçant de le poursuivre en justice. Notre élue à l'ANC est allée trop loin, et quel qu'en soient les motifs ou les provocations qu'elle a dû subir, elle devait s'armer de patience, de diplomatie et non pas tomber dans un discours grossier et insultant, non seulement envers la personne ciblée mais également envers toute l'ANC et par conséquent, tout le peuple. Chapeau-bas Madame, vous incarnez-bien l'exemple de la femme tunisienne, émancipée, libre et, surtout, digne! A ces élues, de grâce, élevez le niveau et secouez-vous, car c'est de l'avenir de nos enfants, dont il s'agit! Et ce n'est certainement pas en se faisant tous petits dans les sièges tels des cancres, en défendant des idées rétrogrades, en faisant le clown ou encore en rabaissant le niveau du dialogue qu'on peut servir le pays, vous qui vous êtes portées volontaires d'être parmi les soldats de la patrie.