Les civilisations de l'Antiquité classique grecque et romaine.se sont développées autour de la Mer Méditerranée. Ce qui avait amené Platon à sortir sa célèbre métaphore comparant les hommes de cette région et sa mer à « des fourmis ou des grenouilles autour d'un étang ». En effet, dès le 3ème et le 2ème millénaire, les habitants originaires de la Phénicie et du monde égéen balisèrent le chemin. Et avec l'avènement du premier millénaire avant notre ère, la Méditerranée devint l'axe incontournable du monde antique, grâce notamment aux Phéniciens et aux Carthaginois, puis aux Grecs. Cet héritage a été légué à Rome qui a fini par placer toutes les rives de la mer intérieure sous son autorité. C'est dire que la Mer Méditerranée a représenté, de tout temps, non pas une barrière mais plutôt un pont qui sert, souvent, à rapprocher les pays qui en sont touchés, à travers les échanges commerciaux et culturels. Ceci n'empêche que des rivalités y ont vu le jour, de temps à autre et qui sont provoquées, comme le devine, par des considérations de domination et d'hégémonie. A ce propos, on peut avancer l'analyse de l'historien français, Braudel. Pour lui, «la Méditerranée est un carrefour des plus anciens. Depuis des milliers d'années, tout y conflue, en compliquant et enrichissant son histoire : bêtes de somme, voitures, marchandises, navires, idées, religions, style de vie, etc». D'ailleurs, à travers toute l'histoire, la Méditerranée a été un espace d'échanges de choix, voire unique au monde. Berceau des trois grandes religions monothéistes, le bassin méditerranéen a été, toujours, considéré comme étant un marché vital et une voie essentielle du commerce international. Seulement et comme déjà mentionné, les conflits et autres rivalités ayant marqué son histoire ont constitué, à plusieurs reprises, un obstacle à l'épanouissement et à la prospérité de ses peuples. Une grande lueur d'espoir est née, toutefois, avec la signature, en 1993 à Oslo, des accords entre Palestiniens et Israéliens devant mettre fin à l'un des conflits les plus complexes envenimant les relations internationales. Dans l'euphorie de cet événement, l'Union européenne, sous la houlette de l'Espagne et la France, n'a pas perdu du temps pour conclure un accord dit Partenariat Euro-Méditerranéen, et ce les 27 et 28 novembre 1995, à Barcelone, entre les 15 Etats membres de l'Union européenne de l'époque et 12 Etats partenaires. Selon cet accord et dans son volet touchant au partenariat économique et financier, l'objectif consistait en l'établissement d'une "zone de prospérité partagée" en Méditerranée. Il repose sur trois piliers complémentaires, à savoir l'établissement d'une zone de libre-échange euro-méditerranéenne à l'horizon 2010; l'approfondissement de la coopération technique et juridique, micro- et macro-économique, entre l'Union européenne et ses partenaires et l'accroissement de la coopération financière et des programmes d'assistance de l'Union vers ses partenaires. Toutes ces évolutions ont fini par donner lieu à ce qu'on appelle, aujourd'hui, les Autoroutes de la Mer qui constituent une alternative viable et avantageuse tout en étant une solution complémentaire au transport routier. Ces autoroutes sont destinées à faire voyager camions, conteneurs, véhicules sur des navires, valorisant ainsi le transport maritime. Ceci est de nature, également, à désengorger les routes et de réaliser des bénéfices concrets dont notamment la prévention des accidents et la réduction de la pollution. Ainsi, après avoir évolué, des siècles durant, dans un espace quasiment vide, utilisé uniquement par des navires, avec peu de zones interdites, le transport maritime a fait de grands progrès après que la Méditerranée soit devenue un espace d'interaction nécessitant des régulations spatiales, temporelles et environnementales. Les routes maritimes actuelles sont définies essentiellement par les industriels du transport maritime sur la base de choix liés à la faisabilité, à la sécurité et à la durée des traversées, c'est à dire des choix à caractères techniques et économiques. Et c'est aux Etats côtiers que revient l'obligation de surveiller le trafic maritime, de disposer de moyens de secours et de les déployer au voisinage des zones de risque maximal, d'assurer la protection du trafic contre les menaces diverses et de prendre les mesures pour minimiser les conséquences d'éventuels accidents maritimes par le développement de plans d'urgence. Force est de reconnaître, qu'étant une mer semi fermée, dont le renouvellement des eaux est très lent et dont les menaces sont multiples à cause de l'urbanisation et du développement du tourisme, la Méditerranée devient vulnérable et nécessite l'adoption de mesures spéciales de protection de ses espaces et de ses ressources naturelles, qui doivent être prises au niveau national tout en étant synchronisées. Dans ce contexte, il est légitime pour les divers Etats de prendre des mesures leur permettant d'intervenir de manière plus efficace dans la régulation du trafic maritime, dans son organisation spatiale en vue de réduire les risques et les maîtriser. Au vu de toutes ces métamorphoses, les prévisions sont des plus optimistes. Ainsi les flux des marchandises concernant les échanges internationaux devraient atteindre 1,7 milliard de tonnes à un taux de croissance de 5,5% par an en 2020. Quant aux flux des marchandises à travers l'Etroit de Sicile excepté les navires pétroliers, ils devraient passer de 81 millions de tonnes en 2000 à 170 millions de tonnes en 2020. Bon à savoir que l'objectif de la mise en place de ces autoroutes est, principalement, de réaliser un couloir cartographié et surveillé électroniquement allant de Gibraltar jusqu'à l'entrée du Canal de Suez, avec deux voies séparées par un espace « buffer », et placées à une distance de sécurité de zones côtières. La largeur du couloir sera assumée de 20 à 25 miles, à fin de couvrir le plus grand nombre possible de routes de pétroliers et répondre aussi à la progressive croissance du trafic maritime. Or, pour réussir, le projet exige une action concertée entre les pays concernés, à propos de la cartographie électronique, les connexions portuaires, la mise à niveau des technologies telles que la navigation électronique, une formation professionnelle continue et l'amélioration de la surveillance du trafic maritime dans les zones congestionnées En plus clair, ce projet a pour but d'améliorer sensiblement les liaisons de transport entre les pays de l'Union Européenne et leurs voisins méditerranéens et d'accroître l'efficacité et la fiabilité des liaisons de transport maritime entre le Nord et le Sud de la Méditerranée grâce à l'amélioration et à l'intégration des services intermodaux au niveau des transports et des ports. Et la Tunisie dans tout cela ? En matière de transport maritime et de logistique, et avant le coup de frein causé par l'avènement de la Révolution et les perturbations compréhensibles qu'elle a entraînées, la Tunisie se présentait, déjà en 2010, comme étant le pays le plus avancé de la rive Sud de la Méditerranée devançant le Maroc, l'Egypte et l'Algérie. Une étude du Réseau Anima sur les ports et la logistique dans le bassin méditerranéen à partir d'"un échantillon de 13 pays a permis de confirmer les résultats d'un enquête réalisée, auparavant, par la Banque Mondiale sur la facilitation des affaires dans le monde (Doing Business). La Tunisie se positionnait à la 60ème place sur 150, loin devant le Maroc (94ème) et l'Egypte (97ème), alors que l'Algérie occupe la 140ème place. L'étude du réseau Anima reconnaît que les services maritimes sont développés mais déplore, toutefois, la subsistance de problèmes au niveau des services logistiques et de la connectivité avec les autres modes de transport (routier et ferroviaire). Il n'en demeure pas moins que le processus de transformation enregistrés dans les ports de la rive est suffisamment significatif pour leur permettre à terme, d'être compétitifs avec les ports asiatiques. Force est de reconnaître que cette pole position occupée par la Tunisie, il y a trois ans, était boostée par le projet de construction du port en eaux profondes d'Enfidha, "destiné à devenir la principale infrastructure portuaire du pays et à intégrer un vaste projet de zone économique et logistique". En est-il toujours ainsi ? Toujours est-il que l'espoir est permis de voir la Tunisie reprendre son leadership dans les meilleurs délais, sachant que la même étude fait ressortir que le port de Radès, avec ses dix services réguliers vers la rive Nord est le mieux doté de la rive Sud. Pour ce qui des échanges avec l'UE, la Tunisie apparaît comme un pays exportateur de produits essentiellement manufacturiers (61% des produits exportés) contre 51% pour le Maroc. Quant aux importations, ce sont les biens d'équipements et les produits alimentaires qui en constituent l'essentiel pour tous les pays de la rive du Sud.