Nidaa Tounes vit une étape difficile mais qui se caractérise, désormais, par plus de clarté quant au rapport des forces et aux positions des uns et des autres au sein des deux camps. On savait la rupture latente et presque consommée, mais l'annonce par Mohsen Marzouk de la fondation d'une nouvelle structure politique le 2 mars prochain est une brique de plus dans le mur qui divise Nidaa Tounes. En effet, les préparatifs du congrès consensuel des 9 et 10 janvier 2016 vont bon train sous la houlette de la commission des 13 qui épouse les thèses du groupe conduit par Hafedh Caïd Essebsi. Pendant ce temps là, Mohsen Marzouk, secrétaire général démissionnaire de Nidaa, annonce, de son côté, la rupture définitive avec le clan opposé et le boycott dudit congrès. Plus encore, il a déclaré, aujourd'hui mercredi 6 janvier 2016 lors d'une conférence de presse tenue à Tunis, qu'il annoncera, le 2 mars 2016, le nom de son nouveau parti. Le secrétaire général démissionnaire de Nidaa Tounes a affirmé, devant une assistance fort nombreuse de journalistes, la « rupture totale » avec le camp de Hafedh Caïd Essebsi, fils du président de la République. « Je boycotterai le congrès consensuel prévu, pour la pure et simple raison qu'il n'est pas démocratique », a considéré Mohsen Marzouk qui maintient, toutefois, le suspens quant au nom de la nouvelle formation politique envisagée.
Les observateurs estiment que le choix de la date du 2 mars n'est pas fortuit dans le sens où il représente une symbolique significative coïncidant avec la fondation du parti Néo-Destour en 1934. Toutefois, M. Marzouk ne s'est pas encore décidé quant au statut de son nouveau-né politique. Il hésite entre le lancement d'un parti ou d'un Front. « L'essentiel, c'est de bâtir un projet viable et solide », a-t-il souligné. Mohsen Marzouk est revenu, par ailleurs, sur la crise au sein de Nidaa Tounes. Il a rappelé que ce parti s'est bâti dans la précipitation au vu du contexte bien particulier prévalant en 2012. « C'est pour cela qu'il manque encore de solidité », a-t-il complété.
Dans sa nouvelle formation, Mohsen Marzouk compte sur les femmes, les jeunes et les régions « Ce sont nos premiers réservoirs de soutiens », dit-il. Et d'assurer que les membres ne se considèrent pas en tant que démissionnaires de Nidaa Tounes. « C'est nous qui représentons le vrai projet de Nidaa et ce sont les autres qui ont démissionné du projet », a-t-il soutenu. Mohsen Marzouk a conclu en disant qu'il « vaut mieux avoir à ses côtés une minorité efficace qu'une majorité impuissante ». D'autre part, on apprend auprès l'entourage de M. Marzouk qu'il a hésité à rester au sein de Nidaa pour continuer le combat de l'intérieur du parti. Mais il a fini par se résoudre à prendre cette décision et à reprendre la voie choisie, dès le départ, par Nidaa.
Revenant sur les déclarations accusatrices de Taïeb Baccouche, ministre des Affaires étrangères, M. Marzouk a appelé, à ce propos, à l'ouverture d'une enquête. Taïeb Baccouche devrait préciser les noms de la ou des personnes visées par ses propos. S'agit-il de Rached Ghannouchi, de Mehdi Jomâa ou de Hafedh Caïd Essebsi ? En effet, ces trois responsables politiques se sont rendus en visite dans des pays influents, a-t-il glissé. Et d'ajouter que ces pays ne peuvent être influencés ou manipulés par une seule personne. « Ce ne sont pas des républiques bananières ».
En ces moments de crise où le clan de Hafedh Caïd Essebsi, fort du soutien de taille de la commission des 13, elle-même nommée et appuyée par le président de la République en personne, avance résolument vers la tenue de son congrès « controversé », la situation demeure floue dans l'autre camp.
En effet, la liste de 1400 participants au congrès de Nidaa Tounes, prévu à Sousse, a été finalisée, selon les dires de la députée Nidaa, Ons Hattab. L'élue a ajouté, hier mardi 5 janvier 2016, sur les ondes de Mosaïque Fm, que cette date marquait le dernier délai pour présenter les listes finales des commissions du règlement intérieur, des femmes et des jeunes, et les listes nominatives des membres des bureaux régionaux. Et pour donner plus d'aura à cette manifestation, des sources dignes de foi indiquent que le président de la République, Béji Caïd Essebsi, devrait être présent lors de l'ouverture du congrès. BCE y assistera en tant qu'invité parmi d'autres personnalités nationales et étrangères.
D'autre part, dans l'autre camp, Mondher Haj Ali, député de Nidaa Tounes et invité au plateau du 24/7 de Mariem Belkadhi sur Al Hiwar Ettounsi, a annoncé, mardi 5 janvier 2016, qu'il démissionne du parti. Mondher Belhaj Ali a indiqué que la crise au sein de Nidaa Tounes est « une guerre de principes » et que « peu importe le nombre des personnes qui vont quitter le parti, l'essentiel est de poursuivre le combat pour défendre le projet initial sur lequel il s'est bâti ».
De son côté, Bochra Bel Haj Hmida a manifesté son désarroi, lors de son passage sur les ondes de radio Shems Fm quant à son avenir politique. « Il se peut que je quitte définitivement la politique tout en restant membre de Nidaa et députée de l'Assemblée des représentants du peuple », a-t-elle précisé. Et d'ajouter que le parti lui a beaucoup donné et lui a permis d'être élue au parlement, « mais suite à la tournure qu'il est en train de suivre, Nidaa n'est plus le parti que je connaissais après avoir dévié du processus démocratique et du projet de société pour lequel il a été créé. Les changements à la tête des coordinations et autres structures régionales n'ont pas cessé jusqu'aux dernières vingt-quatre heures au profit des personnes ayant soutenu la réunion de Djerba ». Mme Bel Haj Hmida a laissé entendre, toutefois, qu'elle pourrait reprendre la vie partisane au cas où le courant représenté par Mohsen Marzouk réussisse à réunir autour de lui une bonne majorité de personnalités pour continuer l'œuvre entamée depuis 2012.
A noter, par ailleurs, que Faouzi Elloumi, sans quitter le parti, fait savoir qu'il continuera à faire de la résistance au camp de HCE et de lutter pour la correction de la ligne prise, en ce moment, par les partisans du congrès de consens qu'il boycotterait. Quant à Lazhar Akremi, il ne ferait plus partie du groupe de Mohsen Marzouk à cause de divergences sur la nature et les formes de l'opposition au clan de Hafedh Caïd Essebsi.
Le feuilleton des divergences au sein de Nidaa semble toucher à sa fin. Le week-end, durant lequel deux congrès auront lieu simultanément à Tunis et à Sousse, marquera la rupture définitive entre les protagonistes d'une feuilleton qui dure depuis des mois.