L'ancien président de la République, Zine El Abidine Ben Ali, a quitté le pays le 14 janvier 2011, laissant à la Tunisie un héritage des plus complexes à gérer. En plus des écarts sociétaux, d'une économie vacillante et d'un profond sentiment d'injustice, provoqué par la marginalisation de toute une frange de la population qui s'est poursuivie des décennies durant, l'ancien président et son clan ont laissé derrière eux des biens, que l'Etat peine encore, 5 ans plus tard, à liquider. Le ministre des Finances, Slim Chaker, a donné dans cette matinée du mercredi 10 février 2016, une conférence de presse adressée aux médias et aux représentants de la société civile afin de dresser un bilan des biens confisqués et de donner de plus amples informations quant à leur gestion par le son département.
Slim Chaker a tenu à clarifier certains points avant d'entamer sa présentation des réalisations de son ministère concernant les biens confisqués et de son projet pour 2016 en la matière. Il a ainsi précisé que le ministère des Finances n'intervient que lorsque le bien confisqué devient propriété de l'Etat. Il a ajouté que l'unique objectif du ministère des Finances est de vendre ces biens et que cette vente n'est pas chose facile et comporte plusieurs difficultés. Ainsi quand les biens sont sous la tutelle du ministère des Finances, un secrétariat permanent se charge d'établir le dossier de chaque bien et de le transmettre aux trois structures qui se chargeront de la vente. Ces structures sont Al Karama Holding, qui se charge de vendre les sociétés, Gammarth immobilière, qui se charge de la vente des biens immobiliers, et Cruise Tours, pour la vente des biens « transportables ».
Slim Chaker a souligné que les décisions relatives aux biens confisqués sont prises par une commission constituée par le ministre de la Justice, le ministre des Domaines de l'Etat, le ministre des Finances et un représentant du chef du gouvernement qui décide quoi vendre et à quel prix et qui dresse un plan d'action précis concernant ce dossier. Il a tenu à préciser, par ailleurs, que le chef du gouvernement doit donner son aval signé pour qu'une vente se fasse.
Le ministre des Finances a relevé que les biens confisqués sont classés en six catégories : les voitures, les biens immobiliers, les sociétés, les biens transportables, les titres et les liquidités. Ainsi, 148 voitures ont été saisies en plus de 480 biens immobiliers, 544 sociétés, 65.000 biens transportables, dont la plupart se trouve au palais de Sidi Dhrif, 169.224.246 titres et 123.823.854 Dinars.
Les sociétés saisies, explique Slim Chaker, ne sont pas toutes faciles à vendre et ce, pour des raisons de cession d'activité, car 153 d'entre elles n'existent pas, ou alors que l'Etat est un actionnaire très minoritaire qui ne détient même pas la minorité de blocage et ceci concerne 136 sociétés. Sur les 544 sociétés, près de 300 sont donc invendables, 64 sont prises en charge par El Karama Holding, 184 sont en cours de traitement de dossiers et 7 ont été cédées. Ces entreprises ont été vendues pour un total de 1375.443 millions de dinars dont 558.230 millions de dinars, qui constituent le montant de la vente des parts d'Ooredoo, ont été directement repris par les banques. Ces 7 entreprises sont : La Banque de Tunisie, Ooredoo, Ennakl, Stafim, Kia, TunisieSucre et Evi. Le ministre a déclaré que 7 appels d'offre vont être lancés en 2016, concernant notamment les sociétés Adwya, Zitouna et Carpro. Il a précisé que le ministère a pour objectif la mise en vente de 16 sociétés en 2016.
Pour ce qui est des biens immobiliers, Slim Chaker a précisé que 320 biens seulement sont inscrits comme domaines de l'Etat, et que sur ces 320 biens 154 sont mis à la vente selon l'accord de gestion avec Gammarth Immobilières. Ces biens ne pourront être vendus qu'une fois l'administration judiciaire levée. Ainsi, cette levée a été demandée pour 132 biens, dont 70 ont bénéficié du jugement de levée de l'administration judiciaire. Sur les 70 biens 44 ont été récupérés par le ministère des Finances et 35 ont pu être expertisés et ont fait l'objet d'appels d'offre. La décision de vente a concerné 19 biens, pour un montant de 117.5 millions de dinars, car les offres pour les autres ont été en deçà du montant établi par l'expertise.
En ce qui concerne les voitures confisquées, le ministre a indiqué qu'elles sont au nombre de 146, dont 11 toujours recherchées. Il a précisé que 66 voitures ont été vendues, 19 ont été gardées au bénéfice de l'Etat et ont servi à remplacer les voitures endommagées notamment de la police. Ainsi en 2014, 34 voitures ont été vendues pour un montant de 1. 029. 450 million de dinars et en 2015, 32 voitures ont été vendues, pour un montant total de 1.278.425 million de dinars. Slim Chaker a affirmé que 17 voitures n'ont pas pu être vendues sur le marché local, car trop chères. Celles-ci vont être soumises à un commissaire priseur et vendues à l'étranger. Des appels d'offre vont être renouvelés pour 15 voitures alors que 18 voitures sont en cours d'expertise. L'exposition des biens confisqués, a permis, selon le ministre de récolter 1.272.443 million de dinars, avec la vente de 1614 articles et que 918 461 dinars ont du être dépensés notamment pour l'organisation de cette exposition.
Les actions confisquées sont, elles, réparties entre 1 145 000 actions relevant des Sociétés d'investissement à Capital Variable (SICAV) et 14 500 000 actions dans 27 sociétés, dont 25 sociétés cotées sur la Bourse de Tunis. Sur les 15 millions d'actions confisquées, 4 millions d'actions ont été vendues pour un total avoisinant les 170 millions de dinars. Les autres 12 millions d'actions ne généreront pas de ressources importantes au budget de l'Etat, a déclaré le ministre des Finances, Slim Chaker. L'Etat a également confisqué 123,823 MD de liquidités dont 105,663 MD ont été transférés, soit 85% du total des sommes confisquées.
Pour conclure le ministre a indiqué que depuis 2011, la totalité des recettes de la caisse de l'Etat s'est élevée à 998 millions de dinars et que les dépenses ont été estimées à 986 millions de dinars, soit un solde de 11 millions de dinars.
Le dossier des biens confisqués est néanmoins un boulet que semble trainer le ministère des Finances. A plusieurs reprises, le ministre a répété que ce dossier apporte plus de désagréments qu'il ne génère des bénéfices. Il a souligné que le rôle d'un ministre des Finances est de gérer le budget de l'Etat, de travailler sur la réforme fiscale et non de vendre des biens et des animaux. Slim Chaker a, par ailleurs, fait savoir que le ministère est souvent accusé de laisser trainer les choses et de vouloir s'accaparer les recettes, or, indique t-il, il n'en est rien. « Nous agissons en toute transparence et nous soumettons chaque vente à la commission » a martelé le ministre, « il nous arrive de choisir de ne pas vendre quand le prix est en deçà du montant déterminé par l'expert, et de recommencer le travail encore et encore, non parce que nous n'avons pas légalement le droit mais parce que nous cherchons à éviter tout problème » a-t-il souligné.