La valeureuse Assemblée des représentants du peuple s'est saisie, courageusement, du dossier des fameux « Panama Papers ». Si jamais dossier il y a, on peut être sûr qu'il sera définitivement enterré. Pourquoi ? Parce que l'assemblée va créer une commission d'enquête. Cette affaire viendra rejoindre toutes les autres pour lesquelles des commissions d'enquête avaient été créées. Il y a des dossiers « vides » pour lesquels la création d'une commission obéit à une exigence populiste plutôt qu'à une réelle volonté de faire la lumière sur certains événements.
Nos confrères du journal « Acharaa Al Magharibi » ont établi une infographie édifiante récapitulant tous les dossiers pour lesquels des commissions d'enquête avaient été créées, aussi bien au sein de l'ancienne ANC que de l'actuelle ARP. Alors dans ce joyeux florilège de dossiers en tous genres, il y a des choses graves. Par exemple, la commission d'enquête parlementaire créée concernant la disparition des journalistes Nadhir Guetari et Sofiène Chourabi. On peut également citer la commission qui devait enquêter sur les événements du 9 avril 2012, celle qui devait faire la lumière sur l'utilisation de la chevrotine à Siliana ou encore, plus récemment, celle qui devait enquêter sur l'affaire du conteneur belge.
Et puis il y a d'autres commissions qui servaient juste à faire joli, à tenter de donner l'impression que les élus prennent leurs fonctions au sérieux. Parmi celles-ci, une commission d'enquête sur les propos du très crédible Bahri Jelassi. Au temps de l'ANC, il avait déclaré qu'il s'était acheté les services de certains élus. On peut aussi citer la commission d'enquête parlementaire sur la coupure de courant en Tunisie. Si ni le pénal, ni l'administratif n'est intéressé par l'ouverture d'une enquête, ce n'est sûrement pas le parlementaire qui va y déceler quoi que ce soit.
Par contre, toutes les commissions parlementaires ont un point commun important : elles n'ont servi à rien du tout. Aucune mesure n'a été prise à la suite du rapport de l'une de ces commissions, aucun changement n'a eu lieu suite à l'ouverture de telles enquêtes. Pire encore, la création d'une commission parlementaire fait doucement rire tout le monde. On serait tenté de dire aux élus de commencer par arriver à l'heure à l'assemblée pour ensuite « enquêter » sur les Panama Papers, sur les journalistes disparus ou sur les inondations de Jendouba.
Cette question des commissions d'enquête participe à détériorer la crédibilité de cette institution à l'heure où on commence à peine à s'habituer à un pseudo-exercice démocratique. Quand en plus, il y a des élus impliqués d'une manière ou d'une autre dans des événements tels que celui de Ben Guerdène, quand un autre élu s'insurge du fait qu'on envisagerait de procéder à des retenues en cas d'absence non justifiée en disant que les élus « ne sont pas de simples ouvriers », il est logique de se poser des questions.
Quand le président de la République, reproche à l'assemblée sa lenteur, quand des dizaines et des dizaines de projets de loi sont entassés dans les tiroirs, que les ministères jouent des coudes pour pouvoir faire passer leurs projets de loi, on est en droit de se poser des questions.
Mais ne nous enflammons pas. L'ARP, comme l'ANC avant elle, n'a de comptes à rendre à personne. L'ARP est une institution souveraine et « maîtresse d'elle-même » selon l'expression consacrée. Par conséquent, on n'aura d'autre choix que de se remettre à la probité individuelle de chaque élu en espérant qu'il fasse son travail convenablement. Il faudrait peut-être créer une commission d'enquête parlementaire pour enquêter sur le travail parlementaire…