Retard considérable dans l'adoption de la loi relative aux élections municipales et locales. Démission du président de l'ISIE et de certains membres et toute la polémique qui en a suivi. Désaccord au parlement sur les noms des nouveaux membres. Situation de blocage. Report du vote sur les postes vacants : l'ISIE restera jusqu'à une date indéfinie sans président et sans les trois autres membres nécessaires à son bon fonctionnement. Les élections municipales auront-elles lieu comme prévu? Le doute est de mise. D'un blocage à l'autre, il semble que la délivrance n'est pas pour demain la veille ! Après de multiples obstacles, surmontés avec peine, la date des échéances municipales est fixée au 17 décembre 2017. C'est 7 ans après la révolution que les premières élections municipales devront enfin se tenir. Très attendues, il s'agit en effet de conforter le processus démocratique entamé par la Tunisie postrévolutionnaire et surtout d'améliorer le quotidien des Tunisiens. Il faut dire que durant ces 7 années, ce sont des délégations spéciales qui ont eu la mission de se charger des affaires courantes. Une situation qui a engendré une détérioration, justement, du quotidien des citoyens. Situation qui dure depuis bien trop longtemps, lorsqu'on constate l'état des infrastructures dans les quartiers ou les problèmes liés à la gestion des ordures et autres déchets. Rien que pour cela, il fallait accélérer le processus et en finir avec ce « suspens ». Mais cela était sans compter sur les tergiversations et les tractations politiques qui ont carrément saboté la tenue des élections. Aujourd'hui, l'affaire n'est toujours pas dans la poche avec un énième épisode qui a pour théâtre l'Assemblée des représentants du peuple et un bras de fer ouvert entre les députés.
Déjà, le retard considérable pris dans l'adoption de la loi relative à ces élections, avait entrainé à plusieurs reprises la révision du calendrier électoral établi par l'Instance supérieur indépendante pour les élections (ISIE). L'instance s'est retrouvée contrainte de repousser tout le calendrier et la date des échéances qui pour un certain temps étaient prévues pour le 26 mars 2017. A ce stade les discussions au parlement avaient trébuché en raison de différends entre les groupes parlementaires, notamment autour de la question de la parité horizontale ou l'octroi du droit de vote aux forces armées (sécuritaires et militaires). Finalement, ce n'est qu'au mois de janvier 2017 que cette loi est adoptée. Trop tard pour garder la date du 26 mars, on reporte au 17 décembre.
Nouveau coup de théâtre au mois de mai : la démission du président de l'ISIE, Chafik Sarsar, du vice-président et d'un troisième membre. Pourquoi une telle décision qui intervient à quelques mois des élections ? Les démissionnaires indiquaient alors que c'est à cause des tensions internes au sein du conseil de l'instance qui « touchent aux principes et aux valeurs démocratiques ». Grosse polémique, chacun y allait de son scénario et on évoquait des pressions subies par l'ISIE pour faire pencher les élections en faveur d'un camp au détriment d'un autre. Face au tollé provoqué et à cette démission surprise, certains partis ce sont saisis de l'occasion pour demander le report des municipales, d'autres ont appelé au maintien de la date initiale. C'est que les enjeux politiques sont de taille. Selon la loi régissant l'ISIE, les membres du conseil ont porté à l'Assemblée des représentants du peuple une demande pour combler la vacance de ces 3 membres. Une commission spéciale est donc créée à l'ARP pour l'examen des dossiers de candidatures. Après les délibérations sur chaque dossier, les membres de la commission a voté pour quatre candidats pour chacune des catégories vacantes (représentant des universitaires, représentant des juges judiciaires et représentant des juges administratifs). Après avoir retenu les noms, la liste a été présentée pour le vote en plénière.
Et c'est là qu'a débuté le nouveau feuilleton. Le vote a été, tout d'abord entravé à cause d'un désaccord sur les noms des candidats. D'aucuns dénonçaient le fait que la seule femme candidate n'ait pas été retenue, d'autres contestaient le fait que certains candidats soient soutenus par un parti politique et non pas retenus pour leurs compétences. La guerre est ouverte entre les élus du peuple qui prêts à défendre becs et ongles leur poulain, ne lâchent rien, bloquant ainsi le vote. L'élection du juge administratif a été reportée au deuxième tour puisque le premier n'a pas donné de majorité à aucun candidat. Sauf qu'avant le démarrage du second tour les députés de Nidaa Tounes se sont retirés de la plénière sans pour autant donner leur raison. D'autres élus, dont Sabrine Ghoubantini ont dénoncé le non-respect notoire des Nidaistes du consensus obtenu la veille. Pourquoi se sont-ils retirés, c'est parce qu'ils veulent que leur candidat soit retenu coûte que cela coûte, quitte à ce que le vote ne se déroule pas et que des postes restent vacants à l'ISIE. Certains observateurs ont même imputé ce comportement au fait que Nidaa Tounes chercherait à retarder la tenue des élections municipales, le parti n'étant pas prêt et traversant une énième crise… Rupture du consensus donc, ce qui a amené au report du vote. Un troisième tour est prévu mais sa date n'a pas été fixée. Un communiqué laconique de l'ARP précise que cela se fera à une date ultérieure.
Les enjeux politiques autour de ces élections sont de la plus haute importance lorsqu'on prend conscience que les municipales viennent à mi-mandat des dernières législatives et présidentielle (2014) et celles qui se préparent (2019). Les résultats de ces échéances donneront le tempo et livreront une idée sur le véritable poids électoral des différents partis politiques qui se disputent si âprement le pouvoir. Certains sont prêts, d'autres le sont moins et tenteront par tous les moyens de placer leurs pions pour se garder une place à la lumière. En bloquant l'Instance supérieure indépendante pour les élections, le risque d'empêcher les municipales de se tenir à la date prévue est réel. Entre temps, les Tunisiens semblent ne pas porter un grand intérêt à ces élections qui s'annoncent avec un taux d'abstention record.