La crise actuelle que nous traversons pose de manière de plus en plus aigue la question des solutions, propositions, recommandations, stratégies à apporter. Sur les quelques années récentes, nous avons tenté des théories politiques, des structures institutions, des compositions gouvernementales, des stratégies financières, des visions législatives, diverses et variées. Nous avons vu une multitude de gouvernements, de gouvernants, de partis politiques, d'élus. Des experts, des institutions internationales, des associations, d'anciens dirigeants politiques, des think-tanks ont présenté leurs idées sur la manière dont la Tunisie doit être gérée et dirigée.
Et pourtant…. Nous voici dans une posture des plus délicates. Rien ne semble fonctionner dans le pays. Tout va mal, au niveau politique, financier, social, institutionnel, médiatique, économique.
Et si on faisait, nous Tunisiens, une liste de ce que nous ne voulons plus, de ce dont nous n'avons pas besoin? Cela pourrait peut-être servir à nos brillantes élites dirigeantes.
Nous n'avons certainement pas besoin des guéguerres politiques qui agitent la scène partisane depuis des années. Quel parti est dirigé par qui, cela intéresse très peu les Tunisiens. Quel parti remonte plus loin dans le temps pour trouver l'origine de sa pensée politique, cela importe très peu également. Les étiquettes et labels politiques sortis tout droit du siècle passé, les débats byzantins qui s'en suivent, les références à des personnages historiques, les structures politiques alambiquées et complexes, tout cela semble passionner la scène. Avec quel résultat?
Nous n'avons pas besoin non plus d'être le laboratoire d'application de toutes les notions juridico-politico-législatives de l'univers. Notre structure institutionnelle ressemble à un cahier d'étudiant en sciences-politiques. Utopique, emmêlée, inefficiente, irréalisable et handicapante.
Nous n'avons aucun besoin de vivre par procuration les conflits régionaux et internationaux. Oui, le Tunisien a des causes qui lui tiennent à cœur. Oui, il a une conscience aigue des injustices du monde. Mais il n'a pas à prendre part à toutes les guerres, à être pour ou contre les querelles régionales, à devenir un instrument d'influence étrangère.
Nous n'avons pas besoin du déballage des fantasmes de tel ou tel patron médiatique. Les dérives sociales, les misères, les relations de couple, les familles difficiles, l'argent, tout cela fait partie de la vie. Mettre cela en scène pour la télé ou en faire des thèmes de débat, c'est salutaire. Nous faire subir la vision malade de quelques personnes, c'est sordide.
Nous avons encore moins besoin de savoir qui porte une cravate, un foulard ou un nez de clown. Nous sommes très peu concernés par qui mange pendant Ramadan ou va au Haj. Tout ceci relève du domaine personnel. Nous ne voulons pas de curiosité publique malsaine dans nos vies privées, et nous ne voulons pas non plus être mêlés aux choix personnels, vestimentaires ou autres, des personnes publiques.
Nous n'avons pas besoin de photos, de vidéos et de mises en scène pathétiques des visites, des inaugurations, des rubans coupés, des circoncisions, des bouquets de fleurs, des salons feutrés, des colloques et autres frivolités.
Dans quelle mesure tout ceci est d'intérêt pour nous aujourd'hui? Dans quelle mesure cela contribue à des lendemains meilleurs? Qu'est-ce que cela apporte au pays?
Voilà ce dont nous avons besoin. Cessez de polluer notre quotidien avec toutes ces futilités.
Nous n'avons pas besoin de solutions pour aujourd'hui. Nous avons besoin de solutions pour demain.
Cette incapacité de se projeter dans l'avenir, de concevoir un modèle nouveau, d'innover, de consommer notre rupture avec le passé, d'adopter un langage nouveau, voilà ce qui nous bloque. Et voilà ce qui empêche les jeunes de s'engager, d'imaginer leur avenir en Tunisie.