La Tunisie célèbre la Journée du Savoir depuis 1971 ; cérémonie au cours de laquelle le pays honore les plus méritants de ses élèves et étudiants. Un rituel immuable qui, chaque année, se déroule au Palais de Carthage, à l'exception de 2011 où l'hommage rendus aux lauréats s'est déroulé au Collège Sadiki, le plus prestigieux lycée du pays. Cette année, l'événement a révélé un fait inédit, exceptionnel. Sur les 7 lauréats des différentes sections du bac, 6 sont des filles. Même la première place de la section « Sports » du baccalauréat n'a pas échappé à une fille, Manel Gharbi. Au niveau des filières de formation professionnelle, c'est pareil. Les meilleurs candidats aux BTS (Brevet de technicien supérieur) et BTP (Brevet de technicien professionnel) sont des … candidates, Amani Ben Amar et Oumaïma Azizi. La première place de la promotion 2018 du cycle supérieur de l'ENA (Ecole nationale d'administration) est revenue à Sahla Naccache. Il en est de même de l'Institut supérieur de la magistrature avec Sirine Bouzaïane, ainsi que du CAPA (Certificat d'aptitude à la profession d'avocat). Dix des 12 lauréats de l'Enseignement supérieur sont des filles. Même le Prix national de l'enseignement pour adultes a été décerné cette année à une femme.
Notre société se féminise. Cela on le présentait déjà depuis le recensement général de la population de 2004 qui a constaté une égalité parfaite à 2 personnes près sur une population totale de 9.910.872 habitants. Le recensement de 2014 confirmera cette tendance, ainsi que les différentes projections de la population tunisienne effectuées par l'Institut national de la statistique (INS). Notre élite se féminise aussi. De plus en plus. N'est-ce d'ailleurs pas par ce prisme qu'il conviendrait de lire le Rapport de la Colibe (Commission des libertés individuelles et l'égalité). L'égalité n'est pas un souhait, c'est une exigence éthique. Au regard de la tendance constatée, elle se réalisera inexorablement. Le Rapport de la Colibe ne fait qu'anticiper le mouvement en recommandant d'accorder dès aujourd'hui des droits qui seront inévitablement acquis – arrachés ou imposés ? - demain.
Il serait judicieux et nécessaire d'adopter une telle démarche car elle est fondamentale pour le progrès et le bien-être futur du pays. Il ne faut surtout pas s'en cacher, le plus important défi qui se posera au pays au cours des prochaines années reviendra à répondre à la question de la place de la Tunisienne dans la société et de sa contribution au développement socioéconomique du pays. Aujourd'hui, alors que plusieurs activités se féminisent de plus en plus, le journalisme en est une éclatante illustration mais pas seulement, la présence de femmes à des postes de responsabilités ou de décisions dans les hautes sphères de la politique, des affaires ou de la culture demeure anormalement faible alors que plus que jamais auparavant elles affichent des niveaux de qualifications aussi prodigieux. Le taux d'activité des femmes dépasse à peine 26% alors que celui des hommes atteint allégrement les 70%. Le taux de chômage des femmes diplômées de l'enseignement supérieur demeure toujours le double de celui des hommes. Même si le taux de chômage des diplômés diminue, cela profite plus aux hommes qu'aux femmes.
A l'approche du 13 août qui célèbre la Journée nationale de la femme, assistera-t-on à des initiatives spectaculaires, historiques, qui consacrent réellement le rôle de la femme dans l'émancipation de la société tunisienne vers plus de progrès et de modernité? A cet égard, la problématique de l'héritage mérite d'être globalement revisitée, du père au conjoint et aux enfants et inversement, mais aussi de la mère au conjoint et enfants et également d'un défunt marié à son ascendance et sa descendance.