Encore une fois, les filles dament le pion aux garçons ! Parmi les 65045 admis à la session principale du bac 2011, 39470 sont des filles et 25575 sont des garçons, soit 60,68% contre 39,32%. De même, on compte 4 filles lauréates et 3 garçons lauréats répartis sur les 7 sections du bac. Ces palmarès se consolideront sans doute avec les scores que les filles vont obtenir lors de la proclamation des résultats de la session de contrôle. D'une année à l'autre, le taux de réussite chez les filles ne cesse d'augmenter par rapport à celui des garçons. En 2009, on comptait 58,32 % d'admis parmi les filles contre 41,68 % parmi les garçons. En 2010, l'écart s'est élargi davantage avec les résultats du bac où l'on a enregistré six filles lauréates contre un seul garçon dans les sept sections du bac, parmi lesquelles une candidate a eu 20/20 de moyenne ! C'était un exploit historique réalisé par une fille. Serait-ce un phénomène nouveau dans notre société ou seulement l'aboutissement naturel d'un système éducatif ayant misé sur l'égalité des chances entre les deux sexes ?
Que disent les sociologues ?
A vrai dire, cette ascendant de la fille dans les études se fait de plus en plus sentir même dans plusieurs pays européens et arabes. Une étude statistique réalisée par l'UNESCO dans 19 pays arabes, portant sur l'année scolaire 1999/2000, révèle que « les filles, une fois à l'école, ont moins tendance à redoubler que les garçons, et dans la majorité des cas, elles parviennent au bout de leur cursus, dans le primaire comme dans le secondaire. Ainsi, révèle le rapport, seulement 6% des filles ont redoublé leur année contre 9% des garçons. En Algérie par exemple, dans le secondaire, 31% des garçons étaient redoublants contre 24% des filles. En Tunisie, c'était 20 % des garçons et 17% des filles, et, en Arabie saoudite, 12% des garçons et seulement 6% des filles. » C'est dire qu'en général, les filles s'intéressent plus que les garçons à leurs études, elles sont plus studieuses, plus appliquées à l'école que les garçons. Cette prédisposition des filles à se consacrer à leurs études a peut-être son explication sociologique basée sur la vision traditionnelle de la famille à l'égard des deux sexes, dans la mesure où la réussite scolaire doit être une obligation pour le garçon qui, grâce à sa réussite scolaire, il pourrait concrétiser tous ses espoirs et ceux de la famille, ainsi les études deviennent une contrainte et un lourd fardeau qu'il doit supporter. Or, pour la fille, il n'en est pas de même. L'enseignement de la fille était relégué à un second degré. Ce n'est qu'avec la généralisation de l'enseignement que les mentalités ont peu à peu changé et la mixité dans les établissements scolaires a créé une certaine concurrence entre les deux sexes qui se transforme en ambition, en défi. L'école devient donc l'aire de compétition entre garçons et filles, une opportunité à saisir par ces dernières pour s'imposer à l'école et au sein de la famille et prouver leur égalité avec les garçons. On les voit travailler d'arrache-pied telles des fourmis pour réaliser les meilleures performances et obtenir d'excellents résultats ; car elles savent qu'en échouant dans leurs études, elles devront rester à la maison. Et c'est ainsi qu'elles s'accrochent à leurs études en réalisant les meilleurs scores tout au long de leur cursus scolaire. Pour les filles, à la différence des garçons, l'école n'est pas vécue comme une contrainte, mais plutôt comme un sacerdoce, un acquis auquel elle tient beaucoup. Voilà comment les sociologues expliquent cette primauté féminine dans les études et les examens.
Et les enseignants ?
Quant aux enseignants, ils avouent que le travail des filles en classe est plus performant et plus intéressant que celui des garçons. M. Rafik, prof de collège : « J'ai toujours remarqué que les filles sont très largement supérieures aux garçons dans mes classes. Les bonnes notes et les meilleures moyennes sont obtenues par les filles que ce soit dans les devoirs de contrôle ou de synthèse. Les meilleurs résultats trimestriels sont obtenus par les filles. C'est que les filles sont plus appliquées en cours, plus intéressées et plus obéissantes. Les garçons, eux, semblent désintéressés et peu motivés. Certains me paraissent un peu distraits pendant le cours. De même, les filles viennent en classe avec leur travail de maison fait, la plupart des garçons ne font pas leurs devoirs de maison et souvent oublient d'apporter leurs livres ou leurs cahiers ! C'est normal que les filles l'emportent à la fin de l'année. Tenez, bientôt, il y aura la fête de fin d'année, plus de 80% des prix seront décernés aux filles ! » D'après Mme Sihem, prof de français, la mixité y est pour quelque chose : « L'égalité entre l'homme et la femme en Tunisie s'exerce quotidiennement dans nos écoles où filles et garçons cohabitent côte à côte depuis leur enfance et sont, de ce fait, conscients de leurs droits et de leurs devoirs et se respectent mutuellement. Ce contact permanent a fait que la fille se considère tout comme un garçon et se sent aussi responsable de son avenir, d'où cette concurrence qui s'établit entre les deux sexes en les poussant à réaliser des prouesses. Ce sentiment d'égalité entre les deux sexes a absous ainsi tous les préjugés qui classent traditionnellement les filles en « sexe faible » et les garçons en « sexe fort ». Ce classement n'a plus de raison d'être : les filles prouvent chaque année qu'elles sont capables de faire autant que les garçons et peut-être mieux en matière de résultats scolaires. »
Et à l'avenir ?
L'excellence des filles est devenue donc depuis quelques années une réalité incontestable chez nous. Ce constat n'est plus surprenant pour quiconque et ne pourrait être que la conséquence logique de la démocratisation de l'enseignement dans notre pays qui fait que les filles ont les mêmes chances de s'instruire, d'atteindre des niveaux instructifs très élevés leur permettant d'accéder à d'éminents postes tout comme les garçons sans aucune distinction. Cette nouvelle donne qui consiste à voir de plus en plus des femmes occupant des postes clés dans la société grâce à leurs diplômes supérieurs pourrait cependant ne pas plaire à certains mouvements politiques qui portent une certaine vision sur l'égalité entre les sexes, la mixité, le travail de la femme et son rôle dans la famille et la société, d'où les actes d'incivisme perpétrés souvent contre certaines femmes dans la rue et la campagne de dénigrement et de sous-estimation déchaînée sur face book dirigée contre les femmes, si bien qu'il y a lieu d'avoir peur pour l'avenir de la femme tunisienne et pour ses acquis !