A quelques jours de l'Aïd Al Idha, une grande partie des foyers tunisiens a vécu au rythme des débats concernant le prix des moutons. Un sujet qui revient chaque année suscitant la grogne du citoyen quant à la flambée des prix. Des prix exorbitants, hors de la portée du simple citoyen, voilà le constat général d'un large pan de la société. La fourchette des prix se situant entre 500 DT et 700 DT, acquérir un mouton devient presque impossible pour plusieurs familles qui s'apprêtent à accueillir la rentrée scolaire avec toutes les dépenses qu'elle engendre.
Cela ne semble pas être la réalité exprimée par le ministère de l'Agriculture. En effet, le ministre, Samir Taïeb, affirme qu'on peut avoir son mouton à partir de 250 DT uniquement ! Une déclaration qui a suscité aussi bien l'indignation que les moqueries des citoyens, considérant que le ministre est complètement déconnecté de la réalité du marché. A vrai dire, M. Taïeb parlait des points de vente créés par l'Etat à l'occasion de l'Aïd Al Idha où le prix du Kg est fixé. D'ailleurs, il a indiqué que près de 136 points de ventes autorisés existent à travers tout le territoire tunisien. Un dispositif garantissant pour les acheteurs un prix acceptable, des moutons contrôlés par des vétérinaires et évitant tout risque d'arnaque. Il a précisé, en outre, que 1.390.000 têtes de mouton étaient disponibles cette année alors que les besoins ne dépassent pas les 900.000 têtes, tout en soulignant que le gouvernement n'a pas importé de moutons cette année.
Or, les acquéreurs ne semblent pas être encouragés par toutes ces mesures et ces garanties préférant se rendre dans les points de ventes anarchiques (Rahba), où ils peuvent choisir leurs moutons à vue d'œil malgré les prix élevés appliqués par les intermédiaires. Leur prétexte, ils ont peur de se faire duper dans les points de vente autorisés, certains indiquent même qu'on fait avaler de l'eau salée aux moutons pour augmenter leur poids, et par conséquent, leur prix.
Les intermédiaires, quant à eux, expliquent la flambée des prix par les coûts d'achat auprès des agriculteurs. Un argument qui peut être valable, mais difficilement vérifiable. D'autant plus que les agricultures se plaignent de la hausse des prix du fourrage et d'un manque au niveau des pâturages dû, principalement, à la rareté des pluies au cours de cette saison.
Toujours est-il, le prix n'est pas la seule préoccupation du Tunisien. La donnée environnementale est devenue un facteur primordial, dans la mesure où les saletés et les ordures accumulées les jours de l'Aïd constituent une gêne incontestable pour les habitants des villes et des quartiers. Dans ce contexte, une grande partie de la pollution durant les jours de l'Aïd est causée par les tas de peaux entassés dans chaque coin de rue. Insectes, odeurs nauséabondes sont le résultat imminent de ces déchets. Du coup, la Tunisie a envisagé un plan pour s'en débarrasser à travers le lancement d'un programme de collecte et de transformation de ces peaux en vue de les exporter. Ainsi, une campagne de collecte de peaux de moutons sera organisée dans les gouvernorats du Grand Tunis durant les deux jours de l'Aïd, à savoir les 21 et 22 août. Les municipalités concernées ont annoncé la mise à disposition de 83 points de collecte, outre l'ouverture des abattoirs pour la sélection des peaux de moutons. Une campagne de sensibilisation sera, donc, lancée à ce sujet. D'ailleurs, le directeur général du Centre du cuir et de la chaussure, Nabil Ben Béchir a indiqué dans une déclaration aux médias : « Estimées à 1,2 million de pièces et dont la valeur pourrait atteindre les 15 millions de dinars après valorisation, les peaux constituent une richesse nationale, alors que seulement 10% sont exploitées jusqu'à présent. La peau d'un seul mouton, de qualité moyenne, permet de fabriquer deux sacs ou deux chaussures ». Quant au ministre de l'Industrie et des PME, Slim Feriani, il a souligné la nécessité de collecter et de valoriser les peaux de moutons jetées dans la nature pendant la période de l'Aïd en vue de les transformer, puis de les exporter.
En tout état de cause, l'Aïd Al Idha demeure une des fêtes religieuses les plus célébrées en Tunisie. Célébrée, à la fois dans la ferveur et le recueillement, puisqu'elle coïncide avec l'accomplissement du cinquième pilier de l'Islam, en l'occurrence le pèlerinage de la Mecque, et la bonne humeur au vu de l'ambiance des mechouis et des festins. Mais il n'en demeure pas moins que cet Aïd constitue une aubaine pour certains qui font des affaires et ramassent quelques dizaines de milliers de dinars. Il s'agit aussi d'une occasion de plus pour grever le budget des citoyens après les dépenses estivales et avant celles à prévoir pour la rentrée scolaire et son lot de fournitures qui nécessitent quelques centaines de dinars supplémentaires par enfant scolarisé.