L'Instance Vérité et Dignité ne cesse d'alimenter la polémique; Usant d'une loi sur mesure mais aussi des failles juridiques, l'IVD a toujours pu se placer au-dessus des lois et des institutions de l'Etat, concrétisant son image de super-instance. A quelques semaines de l'achèvement définitif de ses travaux, voilà que l'Instance Vérité et Dignité publie un bref communiqué annonçant une rencontre avec une délégation du Congrès américain. Un simple communiqué de routine en apparence, mais le diable se cache souvent dans les détails. En effet, l'instance indique que les membres de la délégation se sont interrogés sur la possibilité de finir ses travaux dans les délais impartis et ont demandé si elle bénéficie du soutien nécessaire des institutions de l'Etat.
Voilà une manière vicieuse pour démontrer le soutien affiché par les Américains pour l'instance, et pour dire que le temps restant ne suffit pas à l'IVD pour achever ses travaux avant le 31 décembre 2018 et la nécessité de la collaboration des institutions de l'Etat avec elle. C'est dire que certains bruits de couloir indiquent que la présidente de l'IVD n'est pas prête à lâcher l'instance et voudrait se maintenir encore en place. D'ailleurs, une des questions récurrentes qui revenait dans les rares passages médiatiques de Sihem Ben Sedrine concernait l'achèvement des travaux dans les temps. Sa réponse était toujours affirmative assurant que le rapport final sera livré le 31 décembre 2018. Il faut dire que Sihem Ben Sedrine se doit de rassurer les gens sur ce point lorsqu'on se rappelle de toute la polémique ayant suivi sa demande de prolongation. Certains rejettent la responsabilité de cette prolongation sur le gouvernement qui a signé un accord avec l'instance pour qu'elle bénéficie de la période supplémentaire de six mois pour la gestion des affaires courantes et la rédaction de son rapport. D'autres parties accusent le président de l'assemblée des représentants du peuple, Mohamed Ennanceur, d'être responsable de cette prolongation. En effet, comme la demande de prolongation du mandat de l'IVD soumise au vote du Parlement a été rejetée lors de la plénière tenue le 26 mars 2018. Ce refus devait être concrétisé sous forme d'une décision mettant fin aux travaux de cette instance. Or, cette décision n'a jamais été émise par le président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), Mohamed Ennaceur pour être adressée, par la suite, à la Présidence du gouvernement. Ainsi, cette décision n'a pas été publiée au Journal officiel de la République tunisienne (Jort) comme le stipule la loi dans le cas de son approbation. La Constitution impose, également, au Parlement d'adresser une correspondance officielle à l'IVD afin de l'informer de l'achèvement de son mandat. Néanmoins, cette correspondance n'a jamais été adressée. Ainsi, à cause d'un vice de forme, l'IVD a encore le droit d'exercer en toute légalité.
S'exprimant sur ce point, le ministre des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières, Mabrouk Korchid a indiqué que la décision de refus de prolongation n'a pas être publiée dans le Journal Officiel. Le ministre et avocat affirme que la décision de refuser la prolongation n'est pas une exception pour qu'elle soit obligatoirement publiée au Jort. « Je vous donne un exemple simple : le départ à la retraite d'un fonctionnaire qui atteint l'âge légal n'est pas annoncé dans le Jort, par contre la prolongation d'un an, elle, est publiée. C'est la règle à appliquer, et bien évidemment dans ce cas », assure-t-il lors de son passage sur la chaîne Attessia.
Ainsi, la période attribuée à l'Instance Vérité et Dignité reste le sujet d'un débat interminable. Ce débat, fût rouvert notamment à la suite de la décision de rejuger certaines figures, à l'instar de Ahmed Friâa ou encore de Ahmed Smaoui. Une décision, à travers laquelle, l'instance a défié les règles élémentaires de la justice en se targuant de respecter la loi de la justice transitionnelle. Or, le texte de loi sur lequel se base la présidente de l'IVD indique que seuls les dossiers jugés avant la promulgation de la loi de la justice transitionnelle peuvent être remis en examen.
En tout état de cause, la polémique autour de cette instance ne cesseront peut-être qu'après la fin de sa mission. Cela dit, tout le monde se rappellera des dépassements commis par cette instance, qui s'est toujours placée par-dessus les lois et les décisions rendues par la justice. Une instance créée pour instaurer la justice transitionnelle et réaliser la réconciliation nationale n'a finalement fait que diviser les gens et ravitailler la haine entre les citoyens.