Aujourd'hui, le développement durable est encore trop souvent perçu comme une réelle nuisance : « Je vois bien les coûts, mais où sont les revenus en face ? » ou encore « Et mes concurrents (chinois notamment), ils sont écolos, eux ? ». Ces constats sont peut-être un peu trop hâtifs. Si nombre d'entreprises déçoivent quant à leur responsabilité sociétale, certains précurseurs ont démontré l'efficacité de leur politique. Il est indéniable que la mise en place d'une politique de développement durable présente un coût, au même titre que tout changement d'organisation ou d'outils, mais elle peut être également considérée comme une source d'opportunités à plusieurs titres. En premier lieu, une politique de développement durable aide l'entreprise à se préserver des risques liés à son impact sur nature et société, dont le coût est parfois très significatif : amendes écologiques liées aux non-conformités du rejet de produits toxiques, coûts en dommages et intérêts (Total pour le naufrage de l'Erika, par exemple) et coûts sociaux (accidents du travail, par exemple). Les impacts en termes d'image, difficiles à maîtriser, sont souvent bien plus désastreux (on pensera par exemple au boycott des chaussures Nike ou des biscuits Danone). Déclinée sur les opérations, la stratégie durable permet également de réaliser de réelles économies au travers de la réduction des consommations. N'est-ce pas Toyota qui, en luttant méthodiquement contre toute forme de gaspillage, a développé le système de production le plus performant au monde ? Une politique durable facilite ensuite l'accès aux capitaux. Le comportement éthique est en effet encouragé par l'actionnariat. Les fonds d'investissements, après avoir réalisé le « sin screening » excluant certaines entreprises (tabac, armement), opèrent désormais une discrimination positive en favorisant l'investissement socialement responsable. Certains fonds « activistes » proposent des résolutions en assemblée générale et entretiennent des relations privilégiées avec l'équipe managériale. Cet investissement ciblé ( 10% des encours aux USA, ~ 1 % en Europe) est encore trop marginal pour avoir un impact sur l'accès aux capitaux, mais sa croissance devrait peser sur les décisions d'investissement à venir. D'autres bénéfices peuvent être attendus, dans une logique de relation gagnant-gagnant entre l'entreprise et les pouvoirs publics. Le respect de l'environnement devient ainsi un critère d'attribution de marchés au moment où les administrations effectuent leur bilan carbone. Le comportement éthique facilite les procédures administratives (obtention d'autorisations, « licence to operate »). En allant plus loin, être reconnu par les pouvoirs publics comme une référence permet d'orienter la mise en place de nouvelles réglementations en faisant entendre ses contraintes, tels les membres actifs du WBCSD (World Business Council for Sustainable Development) dans le cadre de leurs travaux communs avec les Nations Unies. Une stratégie durable ouvre par ailleurs de nouvelles perspectives de business : le développement durable implique la satisfaction des besoins, notamment ceux des plus démunis (alimentation, santé, logement …). Pour certains, la fortune se situe au bas de la pyramide, telle Essilor qui propose des verres à coût accessible en Inde, ou Danone qui fabrique des yaourts bon marché au Bangladesh. La pénétration de ces nouveaux marchés au potentiel considérable permet de concilier business et responsabilité sociétale. Enfin, une politique durable a un impact très positif sur l'image de l'entreprise. Les consommateurs sont prêts à modifier leurs comportements, pour peu qu'on leur présente un produit ou un « business model » compatible avec leurs valeurs. Fiers de leurs achats, ils en font également la promotion active dans leur entourage. On observe également que cette politique a un réel effet de fierté d'appartenance dans le personnel de l'entreprise et renforce un sentiment d'«affectio societatis »…durable. Ainsi certains acteurs ont déjà une approche offensive du développement durable et se distinguent de leurs concurrents. Dans le secteur automobile, fortement mis en cause pour les émissions de CO2 générées, Toyota a développé une technologie hybride en rupture avec le moteur à explosion, vieux de plus d'un siècle, et s'est vu récompensé de ses efforts : bien que producteur des 4x4 parmi les plus polluants de la planète, l'entreprise nippone s'est forgée une image écologique et a dopé ses ventes aux USA via son offre de modèles à motorisation hybride et est devenu en même temps n°1 mondial de son secteur ! En Europe, les progrès réalisés dans le diesel ont limité l'impact de cette technologie, mais la concurrence a suivi car PSA Peugeot Citroën souhaite commercialiser un hybride diesel en 2010. Dans la chimie, la filiale Safechem du géant américain Dow Chemical Company a revu son business model de vente de solvants chlorés, très nocifs pour l'environnement. Elle propose aujourd'hui à ses clients un service de nettoyage, permettant la réutilisation du solvant sur de nombreux cycles, et réduisant considérablement les déchets générés. Dans le textile, Patagonia a développé par conviction dans les années 90 la filière du coton biologique, ainsi que l'usage du polyester recyclé. Elle vend ses produits 20 à 30% plus cher que la concurrence (Columbia, Northface). Face à des clients qui pratiquent des activités d'extérieur, fabriquer des vêtements d'extérieur sans polluer l'environnement constitue clairement un avantage concurrentiel ! Et les candidatures affluent pour travailler dans cette entreprise qui contribue à la préservation de la planète. Finalement en optant aujourd'hui pour une démarche de développement durable, l'entreprise s'inscrit dans un mode gagnant-gagnant avec son environnement et se crée des opportunités majeures de croissance et de positionnement concurrentiel. 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