Que l'islam en Indonésie puisse être un sujet non dénué d'intérêt dans une plage de faible audience, soit, mais que l'émission en question soit sous-titrée en indonésien et doublée en arabe voilà qui dénote d'un accès de bigoterie suspect de la part d'une télévision nationale dont la dépendance vis-à-vis des puissants n'est plus à démontrer. C'était jeudi dernier, juste avant le bulletin de quatorze heures, quelques heures plus tard dans la foulée du journal de dix-heures trente, un professeur de théologie épigone de maître Mourou , nous assène sur un ton docte une leçon d'histoire de l'Islam. Cette émission constitue depuis quelques temps déjà une rubrique fixe dans la grille de programmation hebdomadaire de la watanya. Des émissions religieuses, il y en a depuis toujours eu à la télévision le vendredi, par tradition beaucoup plus que par nécessité, ça n'intéressait personne les pratiquants étant à la mosquée loin de leurs télé mais ça donnait bonne conscience à ce porte-voix du pouvoir, la défunte Tunis sept. Un vent de piété souffle sur Hilton Nord, et nous n'en sommes qu'aux débuts d'une opération de travestissement dans laquelle excelle la watanya. Pour les romantiques, les naïfs qui auraient osé rêver un jour d'une émancipation des médias audiovisuels de service public, il faudra repasser et se résigner à subir des années durant une télévision « islamiquement correcte », à l'image des dirigeants que se sont choisis démocratiquement les électeurs tunisiens. Toute la question est de savoir si ces signes d'allégeance ont un quelconque impact sur le citoyen lambda, qu'il soit croyant, impie ou agnostique, probablement aucun sinon de permettre à ceux qui veillent à la programmation de s'attirer les bonnes grâces des vainqueurs un tantinet empressés d'étaler leur surpoids électoral dans la Constituante. Propos (assumés) d'un ronchon mauvais perdant, il y a de ça bien sûr. Mais aussi coup de gueule d'un citoyen s'acquittant sans rechigner de sa redevance qui aurait sincèrement aimé se réconcilier avec El watanya. Au-delà de la multiplication de marques d'allégeance, c'est d'indécence dont s'est rendue coupable, Mercredi soir la télévision nationale lors de la diffusion de la cérémonie organisée par Foued Mbazzaa en l'honneur du gouvernement sortant. Une seule caméra pour couvrir l'événement, qui plus est atteinte de tremblote, des ministres filmés de dos, avec à la gauche du cadre un drapeau national coupé par une composition improbable. Légèreté, improvisation, la télé nous y a habitués, plus grave, cette mise en images trahit une opération de liquidation symbolique d'un gouvernement auquel on doit un minimum de respect, quels que soient les griefs que l'on pourrait nourrir à son encontre. Filmés à la sauvette comme dans un rituel de fin de règne, ces hommes et ces femmes auraient mérité un peu plus de considération d'autant plus que les zélateurs des nouveaux puissants auront tout la latitude de mettre en œuvre leurs talents incontestés et leur incompétence indiscutée. Quand, dans la foulée de cette cérémonie, on passe au plateau policé animé par Lyes El Gharbi, couvert par un dispositif aux normes et que l'invité se trouve être le tout pimpant nouveau Président de l'assemblée, on se dit qu'il n'y a plus lieu de parler de hasard, mais d'un passage assumé de notre télé bienaimée de la servitude volontaire à la propagande comme dans les plus belles heures du Benalisme. Définitivement fixés sur le sort de la télé, il nous incombe désormais de scruter les retournements de veste à l'œuvre dans les autres secteurs de la société pour se rendre à l'évidence que tout compte fait, tout est rentré dans l'ordre après la parenthèse du 14 Janvier.