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Tunisie : les traditions ne sont plus ce qu'elles étaient
Publié dans Investir En Tunisie le 25 - 10 - 2012

Si Mohsen répand depuis une dizaine de jours, auprès de toute la famille, sa résolution de ne pas se plier au rite du sacrifice. Expliquant que c'est par pure conviction : « Autrefois, je ne dis pas, la foi éclairait notre conduite, mais aujourd'hui, ce n'est qu'une occasion nouvelle de consommation excessive. Citez-moi une seule personne obéissant, de nos jours, aux préceptes de don du tiers de l'offrande. »
Si Mohsen ne manque pas de faire grincer des dents et de soulever dans le cercle de ses amis des propos polémiques. Lella Zohra connaît cependant son mari et est habituée à ses litanies. Elle le laisse parler et semble prêter à ses propos quelque compréhension avant de lui rappeler que le marché au bétail risquerait la saturation et que les meilleures bêtes pourraient disparaître et qu'il ferait mieux de se dépêcher s'il ne veut pas rater une aubaine : « N'oublie pas d'emmener les enfants, çà les amusera ! ». Ses petits enfants. Ils sont déjà là, les vacances scolaires ayant coïncidé pour le grand bonheur de tous avec les fêtes de l'Aïd El Idh'ha. « Deux fêtes en une ! » se réjouissent-ils. Mettant fin à ses jérémiades, Si Mohsen appelle son ami et voisin Béchir pour l'accompagner au marché. Si Mohsen se targue de s'y connaître en mouton et déclare qu'il n'est pas né celui qui le roulera ! Si Béchir préfère le laisser à ses idées et évite de lui rappeler l'épisode de la brebis qu'on a réussi à lui fourguer.
En voiture, les deux amis arrivent au nouveau terrain vague affecté à la vente. Si Mohsen était pour un achat au kilo, son ami pour un choix plus conformiste. « Laisse-moi faire et contente toi de préparer ton argent ! » Si Mohsen rappelle les préférences de Lella Zohra. « Il faut qu'il soit bien beau, la laine propre, avec des cornes. Et attention aux tares cachées ! » Si Béchir, doctement, palpe, soupèse, retrousse les babines de la bête. Si Mohsen, en lui-même, voue quelque admiration à tous ces gens qui semblent porter une profonde connaissance sur la race ovine. Une demi-journée plus tard, l'acquisition est faite, « A l'insu de mon plein gré ! déclare Si Mohsen, parce que l'on ne sait plus à quel prix l'on achètera, l'an prochain ! » Son voisin et ami lui reproche constamment son refus d'en « retenir un chez un éleveur » comme lui le fait chaque année. « Cela revient beaucoup moins cher avec la garantie d'un mouton de l'année ». Si Mohsen considère l'opération en elle-même une perte de temps et un détail dans la vie d'un être.
Les enfants sont contents de l'achat et c'est pour Si Mohsen l'essentiel. La bête est embarquée puis débarquée, elle est vite prise en charge par les tout petits : la laine cardée peignée puis enrubannée. Déjà, la rue grouille de bestioles bêlantes, rivalisant d'envergure, de propreté et parfois de virilité et d'agressivité. Certains marmots n'hésitent pas à exciter leur bête contre les autres animaux plus pacifistes. Et la scène dégénère en une impressionnante joute qui fait tirer des larmes et des cris aux filles sensibles. Si Mohsen a vite fait d'intervenir pour fustiger ce nouvel aspect associé à la tradition et d'emmener dare-dare son mouton dans sa cave. Où l'attend une bonne dose de paille « achetée à prix d'or, comme de juste ! » maugrée Si Mohsen. Trois jours durant, il devra faire attention à son animal. Il a encore en mémoire, la disparition du mouton de son voisin, la veille du jour de la fête et ne voudrait pas que cela lui arrive, maintenant qu'il y a investi son argent.
Mais, sans anicroche, il est parvenu au jour fatidique. Et sur instructions de Lella Zohra, Si Mohsen a tout préparé, du couteau, au fusil ou affiloir servant à aiguiser les couteaux, en passant par les différentes épices, sans oublier les bettes et autres légumes. Et, très évidemment du charbon de bois. Lella Zohra, depuis quelques années a pris l'habitude de préparer de la citronnade en quantité ainsi que de la salade méchouia. Le jour de l'Aïd, elle fera elle-même son pain « Diari ». Le Jour de l'Aïd, Si Mohsen se lève bien tôt pour la prière de l'Aïd. Lella Zohra ne tarde pas au lit et, le petit déjeuner, expédié, elle s'emploie à tout préparer. De retour de la mosquée, Si Mohsen appelle Si Béchir. C'est ce dernier est, depuis de longues années, le préposé habituel au rite du sacrifice. Il se fait un honneur d'égorger les moutons de toute la rue et bien au-delà. Mais, l'âge a réduit ses forces et il s'est fait un point d'honneur « de former, dans chaque maison, un égorgeur attitré ».
Lella Zohra a préparé l'endroit du sacrifice. Elle l'a nettoyé à grande eau, l'a dégagé et a même installé une corde destinée à accrocher la dépouille mortelle du mouton. Son canoun est là, rempli de braises bien rouges et avant même que le couteau du boucher ne tranche la carotide de l'animal Lella Zohra accourt pour encenser la scène. L'opération n'a duré qu'une vingtaine de minutes. Lella Zohra veille elle-même sur le dépeçage. Elle tient à ce qu'aucune entaille ne soit faite à la peau. Non pas qu'elle a l'intention d'en faire une descente de lit, mais la tradition a toujours voulu que la peau soit intacte. D'ailleurs, Lella Zohra recueille la laine en usant d'une méthode à elle : laisser la laine se détacher par putréfaction et la recueillir pour en remplir ses oreillers. Ses voisines, elles, continuent à la saler, à la clouer au mur et à la sécher pour en faire une peau de mouton décorative. Lella Zohra réclame les entrailles. Elle cherche toujours à établir un record de nettoyage de la « Dawara ». Elle n'a pas son pareil pour ce faire et elle a toujours ressenti quelque fierté de s'entendre dire que sa « dawara est la mieux nettoyée de toutes. Et c'est pendant que Si Mohsen et Si Béchir coupent les morceaux de choix pour le méchoui qu'elle débite les bas morceaux pour une Klaïa de circonstance, destinée à faire patienter son monde. Cependant, toute la famille s'affaire à faire honneur au méchoui et au dessus du brasero, rouge de braises, viandes rouges, rognons, foie, cœur, commencent à exhaler leur fumet. La table est mise et la fête peut commencer. Sauf pour Lella Zohra qui ne s'attablera que lorsque sa «Daouara est farcie et prête à l'emploi»
Dans son village natal, l'on prépare un couscous comme premier repas. Ici, à Bizerte, l'on préfère les « nouacer » et c'est pour faire plaisir à son mari et ses enfants qu'elle a accepté de se plier à cette tradition. Dans d'autres maisons, de Bizerte notamment, l'on prépare de la « Njara », sorte de fins coupeaux de pâtes fraîches, patiemment confectionnés à la maison ou encore achetés au marché, quoique la qualité s'en ressente. D'autres familles, de pure souche bizertine, ne renoncent pour aucune raison à leurs pâtes « Smara », sorte de buccatini confectionnés à l'aide d'un brin d'osier et que l'on fait sécher au soleil. Mais la tradition devra le céder à la modernité et dans quelques jours, le four électrique accueillera le gigot ou l'épaule aux herbes, thym et romarin que, quelques semaines auparavant l'on est allé cueillir dans les montagnes du Nadhor dominant la ville de bizerte. A l'air, la carcasse finit de sécher, Si Mohsen, malgré ses multiples réticences a fini par s'acheter tout l'attirail pour débiter son mouton. Il a même acquis un chalumeau pour griller les pattes et la tête du mouton et avant de prendre une ultime douche, il remplira son devoir de couper le mouton en morceaux et de les confier au congélateur dans des sachets bien hermétiques. Le mouton durera bien un bon mois. Ailleurs, la viande rouge du mouton est totalement prélevée. Elle est mélangée avec une certaine quantité de viande de bœuf, découpée en petits morceaux, épicée et envoyée chez les bouchers qui n'ont lamais autant travaillé que pendant ces jour de l'Aïd. Il en fera des saucisses qui finiront par sécher sur les cordes de la terrasse.
En voyant cela, Si Mohsen ne manque pas d'avoir un certain haut le cœur, sachant qu'il aura à consommer toute cette viande, les jeunes ayant une plus grande préférence pour les pizza, panini et autre chawarma.
Mais le temps est très vite passé et il est urgent de se préparer pour aller rendre visite aux parents et alliés.


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