C'est la confusion la plus totale qui règne au lendemain de la Révolution. De l'optimisme le plus béat à l'alarmisme le plus massacrant. Chacun y va de sa version qu'il clame comme la plus défendable. La Révolution a-t-elle bon dos pour supporter toutes ces contradictions et tous ces affrontements ? Il est clair que le pays est en gestation. Tout interfère, s'entrecroise et s'emmêle. Des incompréhensions, des écarts, des revendications, de la fatigue, des signes d'essoufflement, de l'angoisse, de l'incertitude, un mélange de crainte et d'espoir, de l'optimisme, de l'engagement citoyen aussi. La maladresse vient semble-t-il des détenteurs de discours usés, tel cet Imam qui, les hauts parleurs inondant la place Bab Al Khadhra, lors de son discours du vendredi ; vilipendait les jeunes, ceux-là mêmes qui lui avaient offert la liberté d'expression, comme des personnes inconscientes qui avaient tourné le dos aux valeurs arabo-musulmanes… Le foisonnement d'idées et d'actions traduit, selon les cheminements des uns et des autres, soit une tendance vers le chaos, soit un signe de bonne santé. Il est normal que l'explosion de revendications, l'excès de sit-in et la cascade de critiques suivent une situation d'étouffement, de terrorisme, de pouvoir absolu et de comportement mafieux. Il est certes vrai que tout Tunisien, qui se respecte, rougit de honte à la vue des immondices nauséabonds qui jonchent la capitale et à l'écoute de personnes qui accusent la Révolution de tous les maux. Il semble que certains ont l'air de regretter la situation confortable dans laquelle ils se complaisaient avant, à l'époque où ils ne sortaient pas de leur coquille, même s'ils étaient exclus, spoliés, maltraités et muselés. Les décisions étaient alors prises par d'autres. La politique de l'autruche leur sied à merveille, comme elle sied à ces milliers d'inconscients qui ont préféré chercher refuge ailleurs. La résistance à ce défaitisme et à cette passivité émane de gens qui ont décidé de se prendre en charge, même s'ils commettent des erreurs en cette phase d'apprentissage de la démocratie. Au lieu de se lamenter sur les pertes occasionnées par la Révolution, des Tunisiens travaillent d'arrache-pied pour redresser la barre, sans attendre l'aide étrangère. Des initiatives sont prises par des personnes dévouées à la cause de la Révolution et de la Tunisie. Tel homme d'affaires engage un fonds d'un million de dinars pour la création d'un club de l'investissement. Tels citoyens décident d'assurer la propreté de leur quartier et n'hésitent pas de mettre la main à la pâte. Ils ont mérité de la Révolution et de la patrie. M. BEDDA