Une première à la TAP : un forum lancé sur sa propre initiative qui sera, désormais, un point médiatique sur l'actualité nationale. L'édition d'hier est venue l'inaugurer, en se focalisant sur le terrorisme, dans une approche sécuritaire et géostratégique. Cette initiative émane du desk international de la TAP, dans le souci de suivre le cours des événements et de revenir sur leurs retombées. Mme Hamida El Bour, PDG de l'agence Tunis-Afrique Presse (TAP), a, dans son brève allocution d'ouverture, relevé que ce forum se veut un espace de débat et de réflexion sur des questions de société qui nous préoccupent et influencent notre quotidien et notre avenir, de par leur ampleur et leur complexité. Et le phénomène terroriste en est une. Il ne cesse de frapper fort, sous nos cieux, dont le récent coup meurtrier est survenu, à deux reprises, dans les dernières quarante-huit heures, à Sidi Bouzid et à Jendouba. Et Mme El Bour de réagir face à ces actes criminels, soulignant qu'il est temps d'y penser profondément et de l'aborder dans ses moindres détails. Bien qu'il soit universel, ce phénomène mérite d'être mis sous la loupe, afin d'en comprendre les causes et les conséquences. Toutefois, s'étonne-t-elle, l'absence d'une stratégie de lutte antiterrorisme globale et prospective évoque autant de points d'interrogation qui prêtent à moult interprétations. Syndrome de «somalisation» ! M. Mehdi Taje, expert en géopolitique, a traité la question d'une approche analytique à trois échelles, locale, régionale et internationale. Etant donné que le terrorisme n'est plus l'affaire d'un seul pays, l'anticipation de ses risques exige une lecture géostratégique qui doit tenir compte des nouvelles donnes aussi compliquées que complexes. Penser local et agir à l'international, pour ainsi dire. Sur le plan national, il y a tant de facteurs endogènes influents qui sont de nature à alimenter l'extrémisme et façonner, de la sorte, un bon profil terroriste. Il en a cité l‘extrême pauvreté, le chômage en hausse, la jeunesse désœuvrée, la récession socioéconomique, l'appareil sécuritaire affaibli, l'ambiguïté politique, la corruption, la contrebande aux frontières. Tous s'imbriquent pour favoriser un terreau, où poussent comme des champignons les figures intégristes, vrais trafiquants de la mort. Et les promesses non tenues du gouvernement n'ont fait que jeter de l'huile sur le feu. Tout cela, poursuit-t-il, permet à l'araignée de tisser sa toile au-delà des frontières locales. L'on parle, en second lieu, des pesanteurs régionales. L'environnement de voisinage, en d'autres termes. Et l'expert de rebondir, faisant savoir que les facteurs régionaux amplifient, de manière différente, la menace locale, surtout que la situation dans le pays demeure de plus en plus vulnérable. Derrière nos frontières, la Libye, où le syndrome de «somalisation» apparaît comme une réalité tangible : situation explosive, armes à portée de main, conflits tribaux et guerre avec des milices islamistes. «A en croire les Italiens, le scénario d'une implosion de la Libye est envisageable...», témoigne-t-il. L'international entre dans l'enjeu L'Algérie est une autre paire de manche dont il faut tenir compte dans cette approche géopolitique antiterrorisme. Car, ce pays du Maghreb est en train d'évoluer à la chinoise. Mais, explique-t-il, il est coincé dans l'espace méditerranéen, souffrant de l'enfermement géopolitique. D'après lui, les Algériens se sentent des citadins assiégés, souvent habités par le spectre du terrorisme. Pour eux, le nord du Mali est le véritable cauchemar du sud algérien, estime-t-il. D'un autre côté, les pays du Golfe sont, de son avis, hostiles à toute évolution démocratique dans la région. Mais, les autorités tunisiennes ne semblent pas prendre cette menace à sa juste mesure, déplore-t-il. Et les ingérences étrangères? Un autre pavé dans la mare. L'internationale stratégie géopolitique entre dans cet enjeu. Et là, la grande puissance américaine joue ainsi son va-tout, afin que la région arabe ne se stabilise pas. «En prospective, il faut oser penser l'impensable...», conclut-il. Cette démarche a été aussi appuyée par M. Ali Zaremdine, expert en affaires sécuritaires, qui a porté son regard sur trois fronts de lutte antiterroriste. Il a commencé par décrire l'état des lieux et le chaos qui y règne depuis la révolution. D'autant que les terroristes sont dans nos murs, venant de nos frontières devenues poreuses. La situation anarchique que vivent nos voisins libyens n'est pas, elle aussi, enviable. Dans ce contexte, il a relevé, selon des rapports, qu'il n'y a plus aucun signe d'Etat. L'on parle, plutôt, d'une nouvelle Somalie. L'Algérie, bien qu'elle se montre stable, ne manque pas de subir des influences d'ici et là. D'autres facteurs, aussi internes soient-ils, l'exposent à des risques terroristes majeurs. Quant au Maroc, enchaîne-t-il, il s'agit d'un pays qui vit sur un volcan, mais, quand même, stable à la faveur d'un certain soutien des paysans à obédience religieuse et d'une armée royale puissante et dévouée. De même, le Sahel africain est trop lié par le vécu libyen et algérien. Le groupe terroriste Boko Haram gagne encore du terrain, dans une tendance de s'implanter dans le bassin méditerranéen. Tous ces facteurs aussi endogènes qu'exogène pèsent assez lourd sur la réalité tunisienne. Reste que l'examen du projet de loi antiterroriste et du blanchiment d'argent devrait passer à la vitesse supérieure. Son adoption pourrait avoir un caractère à la fois dissuasif et répressif.