L'Association des anciens officiers célèbre, à sa façon, le 59e anniversaire de l'armée nationale. Ils appellent à une refonte totale de la stratégie de lutte contre le terrorisme L'armée nationale fête aujourd'hui le 59e anniversaire de sa fondation. Une commémoration qui intervient en période de crise sociale et de guerre antiterroriste. La politique d'antan, sous le règne de Bourguiba ou de Ben Ali, a relégué l'armée nationale au second plan, au point qu'elle a failli toucher le fond. Le manque de moyens et de vision, avec un déficit en potentiel humain épuisé sous l'emprise de fausses notes et d'instructions venant d'en haut, l'a conduite à être surexploitée dans des fonctions superflues. Ce fut un constat d'oubli dont les séquelles demeurent, ainsi, visiblement reconnues. Témoins d'un passé professionnel, injustement bourré de méfiance et de paranoïa, d'anciens hauts cadres militaires en ont bien livré les quatre vérités. Leur but étant de servir l'intérêt de l'armée, en signe de salut et de reconnaissance. Retraités, mais encore actifs loin du feu des projecteurs, ces derniers ont réussi à fonder, en 2011, l'association des anciens officiers de l'armée nationale dont ils ont tant rêvé. Et c'est bien grâce à la révolution que ce rêve a été réalisé. Auparavant, il ne leur était pas possible d'y penser. Ni le caractère autoritaire des régimes en place, ni l'engagement militaire assez rigide ne leur avaient permis d'agir au sein de la société civile. Et à chaque fois que l'idée leur revenait à l'esprit, le projet fut étouffé dans l'œuf. Il fallait, donc, s'attendre à ce le bon moment survienne, comme celui du 14 janvier. Un think tank à l'américaine En fait, l'initiative semble salutaire. Ladite association s'apparente à un think tank à l'américaine, animé par des têtes bien faites. Il s'agit bien d'anciens colonels-majors et commandants aux carrières avérées, sortis de la « grande muette », il y a une dizaine d'années. Ils passent, d'une manière plus informelle, en stratèges-penseurs du devenir de l'armée nationale. Ils ne ratent aucune occasion pour manifester, volontiers, leur souci de mettre à profit leurs compétences. Récemment, le présent de l'armée et son avenir ont été aussi l'objet d'une table ronde organisée au siège de l'association, don du ministère de tutelle, basé dans les anciens locaux de l'Hôpital militaire à El Omrane à Tunis. Ainsi, les réflexions y ont été menées à la lumière des grands défis de l'heure dont particulièrement la guerre antiterroriste et la place qu'occupent nos forces armées dans la politique de défense. Pour eux, la situation ne devrait plus être ce qu'elle était. Quoi qu'il en soit, l'armée doit faire sa propre révolution, dans la mesure où elle épouse son temps. Son anniversaire, célébré le 24 juin de chaque année, n'aurait plus de valeur s'il ne lui redonne pas davantage d'éclat et de vigueur. Mais, une chose est sûre : nos soldats sont parvenus, avec brio, à gérer l'après-révolution, étant mieux positionnés aux côtés du peuple et dans la cité. Cela est visiblement ressenti dans nos rues, dans nos villes et sur nos frontières. Toutefois, est-il légitime de les voir agir ainsi au four et au moulin ? Sont-ils capables de tenir bon ?, s'interrogent-ils, laissant entendre qu'une profonde restructuration institutionnelle et législative est impérative. Points d'interrogation ! Ils recommandent une nouvelle vision militaire sur tous les fronts. Surtout que le contrepoids de la guerre antiterroriste n'est pas, jusque-là, assuré. Nombre d'anciens officiers de l'armée sont unanimes sur le fait de revoir la répartition des troupes, parfois concentrées là où il ne faut pas. Quitte à devenir cible aisée pour un ennemi invisible et redoutable. Pourquoi vit-on au rythme d'un état d'alerte permanent qui semble perdurer de manière arbitraire ? Aussi, le mont Châambi, tel que décrété par les autorités officielles, remplit-il légalement les critères d'une zone militaire fermée ? De même, juridiquement parlant, la zone tampon du sud tunisien semble n'avoir pas de sens. Des questionnements qui ont été ainsi livrés par le colonel-major Habib Ayachi, un des membres de l'association. Au gré des jours, l'appareil militaire fonctionne en manque de vision lucide et de prospection d'avenir. Et pour cause, l'association travaille en tant que laboratoire d'idées et de stratégies susceptibles de promouvoir l'image de l'armée nationale. Un réflexe d'élite qui a trouvé un écho positif auprès du ministre de la Défense, M. Farhat Horchani. D'ailleurs, le seul à l'avoir entendu de cette oreille. Un soutien que ces anciens officiers ont beaucoup apprécié. Etudes stratégiques d'appoint Le président de l'association, le colonel major, Mahmoud Mzoughi, a relevé qu'il lui a déjà remis des rapports d'études stratégiques portant sur « défense et sécurité en Tunisie, quelle restructuration pour la IIe République ?», « l'organisation territoriale de la défense » et « commandement, formation et moyens humains et matériels ». Deux autres études sont en cours dont l'une s'intitule « système de renseignement », l'autre a pour thème « système de la santé militaire ». Les trois précitées ont été également envoyées à la présidence de la République et à l'ARP. Pour l'histoire, il y avait eu des scandales qui donnaient du fil à retordre au sein de l'institution militaire. Souvenons-nous de l'affaire de Barraket Sahel survenue au début des années 90 qui a été fatale pour des dizaines de hauts militaires. Cette affaire qui refait surface est jugée, 20 ans après, comme une affaire montée de toutes pièces. Le colonel major, membre de ladite association, Moussa Khalfi, l'a qualifiée de procès monté. L'homme sait bien de quoi il parle, puisqu'il était chargé, à l'époque, de la sécurité militaire. Autre vérité surprenante : la chute de l'avion militaire sur Medjez El Bab, il y a près de 15 ans. On avait parlé à l'époque mais rien n'a été prouvé et on a retenu la thèse de la panne technique d'une main coupable. C'est ce qu'a affirmé le président de l'association lors de la table ronde. Les anciens officiers ont manifesté leur détermination à agir, à leur manière, au service de l'armée et pour l'intérêt du pays. Car, vaincre le terrorisme exige une volonté d'acier, mais aussi un certain recul pour mieux sauter.