Le terrorisme prolifère sur un terreau social et économique fertile. Il bénéficie également de soutiens politiques et associatifs. Y aurait-il des gens au-dessus des investigations et des lois ? Alors que le pays est entré en guerre ouverte contre le terrorisme et que la mobilisation générale est décrétée et après l'adoption de la nouvelle loi relative à la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent, deux informations d'une gravité certaine ont sonné comme un tocsin, mais qui, malheureusement n'ont pas eu un écho semblable. Il s'agit, d'abord, de la déclaration de la députée de Nida Tounès Ons Hattab, rapportée dans l'article de Abdelkrim Dermech publié dans notre journal du dimanche 26 juillet sous le titre « Et s'ils passaient sur le billard » ? L'élue de la nation avait accusé certains de ses collègues d'être « au service du terrorisme ». Pire, elle a parlé de « députés du terrorisme », appelant dans l'hémicycle à la levée de leur immunité parlementaire pour permettre à la justice de les poursuivre. Pour elle, « il n'est plus question que des députés qui incitent à la haine et soutiennent les terroristes puissent continuer à siéger au sein du Parlement et à tenir un discours double qui ne peut plus tromper personne ». La deuxième information est celle relayée par le journal électronique algérien « Achourouk » qui a révélé que « les autorités algériennes ont remis aux autorités tunisiennes une liste comprenant les noms de 13 hommes d'affaires qui financent directement ou indirectement le terrorisme », précisant que cette liste « aurait été fournie par des éléments terroristes interrogés par la brigade spéciale de lutte contre le terrorisme, et qui ont avoué que des hommes d'affaires étaient en train de fournir d'importantes sommes d'argent à des groupes ijhadistes ». Il ajouté que ces hommes d'affaires ont réussi à « transférer d'importantes sommes d'argent vers l'Europe via une banque tunisienne ». Terreau fertile En l'absence de réactions officielles ou encore de précisions ou d'explications de la part des autorités concernées, ces deux informations sont semé le doute dans les esprits et dévoile ce qui est, pour la plupart, un secret de Polichinelle, préférant le taire que de le divulguer pour sauver les apparences et ne pas perdre la face. Le terrorisme n'aurait pas pu se propager s'il n'avait pas trouvé un terreau fertile. C'est un phénomène récurrent qui s'est développé à la faveur de la complaisance des uns, de la complicité et de la connivence d'autres et en raison d'un soutien politique, logistique et financier de groupes ou d'hommes puissants. Et bien entendu du laxisme des gouvernements post-14 janvier et notamment celui de la Troïka. Les organisations terroristes ont réussi à créer des réseaux occultes grâce à la compromission d'hommes influents dans les mondes des affaires, de la politique et des médias. Elles comptent énormément sur leurs riches protecteurs, étatiques et privés et sur leurs relais dans les formations politiques et dans la société civile. Comme elles réussissent, assez souvent, à infiltrer certains corps de métiers comme l'armée, la police, la justice et les médias, elles arrivent également à avoir la sympathie d'hommes politiques qui, d'une manière souvent drapée de valeurs humanistes, présentent les auteurs de crimes terroristes beaucoup plus en victimes qu'en bourreaux. Inutile de rappeler cette levée de boucliers de la part de certaines associations dissimulées sous des appellations faisant référence à la liberté, l'équité et aux droits de l'Homme, suite à l'arrestation qualifiée de musclée d'éléments impliqués dans des attentats ou planifiant d'autres. Alerte de la Cour des comptes Dans son rapport sur les dernières élections législatives d'octobre 2014, la Cour des comptes a fait état de financements occultes et de virements suspects de la part de parties étrangères en faveur d'associations tunisiennes à caractère caritatif et qui ont des objectifs sociaux comme la construction d'écoles coraniques, de mosquées... Lesquelles associations auraient fourni une source primordiale de recettes à ces organisations. Quid des hommes d'affaires qui seraient impliqués directement ou indirectement dans un quelconque soutien à des groupes terroristes? Et s'il est souvent difficile de pouvoir trouver des liens, néanmoins, il est impératif de prévoir des mécanismes de contrôle sévères sur l'entrée et la sortie de l'argent pour juguler les transferts suspects. Assécher les sources de financement du terrorisme comme « les dons à certaines organisations ou associations, la fraude fiscale, les fraudes massives aux aides sociales et fonds issus de sources apparentées au crime organisé », comme spécifié dans la stratégie européenne de lutte contre le terrorisme, demeure une véritable gageure. La lutte contre le financement du terrorisme doit, à cet effet, s'inscrire comme le premier pilier de la stratégie prévue dans la loi contre le terrorisme et le blanchiment d'argent. Il fut un temps où parler d'assèchement des sources du terrorisme était considéré comme une apologie de la dictature. Depuis, les sources ont commencé à couler à flots et il serait peut-être difficile de parvenir à les assécher complètement.