Le Premier ministre pressé d'agir contre les responsables accusés de corruption ou de négligence BAGDAD — Le chef du Parlement irakien, Salim Al-Joubouri, a appelé, hier, au limogeage des ministres coupables de négligence et de corruption, à la veille de l'examen par les députés de réformes destinées à apaiser la colère des Irakiens, excédés par la mauvaise gestion du pays. Après l'approbation, dimanche, par le gouvernement d'un ambitieux plan de réformes proposé, sous la pression de la rue, par le Premier ministre Haider al-Abadi, le Parlement est appelé à en débattre, aujourd'hui, avant de le voter à une date non précisée. Visant à réformer en profondeur le fonctionnement de l'Etat, le plan prévoit la suppression de postes importants, la réduction du train de vie des fonctionnaires et l'amélioration des services publics dans un pays miné, par ailleurs, par les dissensions confessionnelles et les violences jihadistes. «Nous appelons le Premier ministre à démettre de leur fonction les ministres qui sont clairement coupables de manquements, de négligence et de corruption», a indiqué M. Joubouri à la télévision, lors d'une réunion avec les partis politiques à Bagdad. Il n'a pas cité de noms, mais un responsable parlementaire a indiqué que ceux des ministres en charge de l'Electricité et des Ressources hydrauliques avaient été mentionnés pendant la réunion, alors que les coupures d'électricité sont fréquentes dans un pays où les températures dépassent les 50° Celsius l'été. Réformes nécessaires M. Joubouri a demandé aux blocs parlementaires d'adopter les réformes approuvées par le gouvernement, en soulignant que des mesures complémentaires au plan Abadi étaient nécessaires et seraient aussi discutées mardi. Ces réformes sont destinées à répondre au mécontentement de la population qui manifeste, depuis plusieurs semaines dans Bagdad et le sud du pays, pour protester contre la corruption généralisée de la classe politique et la mauvaise gouvernance. Outre la pression populaire, l'ayatollah Ali al-Sistani, la plus haute autorité chiite d'Irak, a, lui aussi, poussé le Premier ministre à «être plus courageux et plus audacieux» dans la lutte contre la corruption qui gangrène le système politique depuis des années. La plus drastique des réformes de M. Abadi est la suppression «immédiate» des postes des trois vice-Premiers ministres et trois vice-présidents, dont Nouri Al-Maliki, prédécesseur de M. Abadi et son principal rival. M. Maliki, dont les huit années au pouvoir ont été entachées d'accusations de corruption, d'autoritarisme et d'aliénation de la minorité sunnite, a toutefois apporté son soutien «à ces réformes qui sont nécessaires». Le plan prévoit aussi l'abolition «des quotas confessionnels» et propose que les responsables soient choisis selon leurs compétences et non leur appartenance confessionnelle ou ethnique. Les candidats aux postes à haute responsabilité doivent être sélectionnés selon «leurs compétences, honnêteté et expérience» par un comité désigné par le Premier ministre, en vertu du plan. En Irak, où la communauté chiite est majoritaire, le chef de l'Etat est un Kurde, le Premier ministre est un chiite et le chef du Parlement un sunnite, conformément à un accord tacite. L'EI profite Pendant le règne du sunnite Saddam Hussein, chiites et Kurdes ont été opprimés. Neuf ans après la mort du dictateur, c'est la communauté sunnite qui s'estime aujourd'hui marginalisée. Ces rancœurs ont été mises à profit par le groupe jihadiste sunnite Etat islamique (EI) qui a pris de larges pans de territoire en juin 2014, avec dans certaines régions la complaisance des tribus sunnites. Le plan de réformes, dont certaines doivent faire l'objet d'un amendement constitutionnel, propose également la «réduction immédiate et globale» du nombre très important de gardes du corps des officiels et la suppression des «provisions spéciales» allouées aux hauts responsables, en poste ou à la retraite. Les salaires élevés, les voitures de fonction et les très généreuses retraites des hauts fonctionnaires provoquent l'ire de la population, alors que les finances du pays sont sévèrement touchées par la chute des prix du pétrole et les dépenses militaires. Plusieurs dossiers de corruption, anciens ou récents, seront en outre rouverts sous la supervision d'une commission dédiée. Dès dimanche, le bureau du procureur général a annoncé l'ouverture d'une enquête sur les allégations contre le vice-Premier ministre en charge de l'Energie, Bahaa Al-Araji, très impopulaire et dont le poste doit être supprimé par les réformes. M. Araji a annoncé sa démission et s'est dit prêt à se défendre devant la justice.