Une dose de lucidité est nécessaire au lieu des verdicts à la hâte Ramener les problèmes du football à la seule question des joueurs étrangers évoluant dans notre compétition, c'est faire preuve d'une affligeante étroitesse de vue. C'est ignorer les vraies questions qu'on se doit de poser sur les raisons de la baisse du niveau et du déficit en talents. Depuis au moins deux décennies, on n'a cessé de parler de cet état pour en fin de compte ne rien décider de tangible. On n'est jamais parvenu à sortir de l'auberge parce qu'on refuse de regarder la réalité en face. A chaque déboire de l'une de nos sélections, notamment la première, on remue terre et ciel, on fustige et on remet tout en question. On sait détruire, mais on est loin de pouvoir reconstruire. On n'a pas ce sens de la mesure qui vous donne les moyens d'agir sereinement. Cela nous a fait rater et manquer tant de rendez-vous qui auraient changé le cours des événements. On a sans doute des idées, mais on accuse un grand déficit de patience pour donner à ces idées leur pleine signification. Ainsi, et depuis belle lurette, le mal de notre football a été identifié. Il est d'ordre structurel et non point conjoncturel. Il a trait tout d'abord à une infrastructure loin de favoriser la performance et une formation quasiment inexistante. Infrastructure et formation Au début des années 1980 et pour pallier le manque d'aires de jeu pour jeunes et dans un élan populiste, on avait décidé du côté du gouvernement de créer mille terrains de quartier. Initiative on ne peut plus louable. Mais encore faut-il qu'elle soit suivie d'effet ! Quelques dizaines — moins de cent — stades ont vu le jour et puis plus rien. Faute de moyens ou de suivi?Allez savoir pourquoi un tel plan s'était arrêté à peine commencé! Par ailleurs, nos clubs, les plus nantis d'entre eux notamment, ne cessent depuis vingt ans de nous rabattre les oreilles avec leurs projets et stratégies de formation des jeunes. On parle de centres de formation mis en place. Des centres qui sont loin de répondre au minimum des normes exigées, et où les jeunes sont à peine encadrés par des techniciens qui ignorent les ABC de la formation qui est toute une science. Ces jeunes, pour la plupart, sont là parce qu'ils ont une entrée quelque part auprès d'un dirigeant ou d'un entraîneur. Tout ou presque est biaisé d'avance, et seuls quelques-uns promettent de percer pour embrasser une vraie carrière, mais ils sont souvent sacrifiés sur l'autel du manque de sollicitude, faute, dit-on, de moyens! Sait-on que le budget alloué par les clubs les plus huppés n'égale pas le salaire d'un seul joueur évoluant dans la catégorie des seniors? Et on veut avoir des talents performants au bout du compte! C'est vraiment du n'importe quoi, qui nous a fait perdre trente bonnes années, c'est-à-dire trois générations de joueurs. Voilà le vrai problème de notre football et qu'il faudrait creuser, au lieu de chercher à incriminer les étrangers. C'est vraiment faire fausse route et escamoter les vrais problèmes. L'étranger ne doit pas être ce souffre-douleur sur lequel on se rabat pour justifier notre échec. Car c'en est un! Cela procède d'un esprit sectaire et sclérosé qui ne mène que vers un cloître inopérant par ces temps où tout le monde s'ouvre sur tout le monde. Fermer nos frontières aux joueurs étrangers c'est persévérer dans l'erreur. Selon cette même logique, on doit interdire tout produit étranger pour soi-disant protéger le local. C'est le genre de solutions de facilité qu'on se doit d'éviter. Et si le local peine à soutenir la concurrence de ce qui est étranger, il n'a qu'à chercher les raisons de ses carences pour s'améliorer et s'imposer. Par ailleurs prendre des exemples venus d'ailleurs, ce n'est pas toujours évident d'atteindre l'objectif escompté, car chaque pays a ses spécificités et par là ne peut être calqué et pris en modèle. De tels raccourcis ne sont en fait qu'une fuite en avant qui dénote un grand déficit de créativité et de lucidité.