La société civile semble décidée à aller plus loin. Plus de 300 millions d'euros alloués pour mieux gérer les flux migratoires d'ici 2020. Sur la route des Balkans jusqu'aux portes de l'Europe, la vague des migrants a battu tous les records. Jamais, dans l'histoire moderne, un tel flux massif de réfugiés n'est arrivé à traverser ce périple de la mort, fuyant la guerre et la misère de leurs pays d'origine. Plus les jours passent, plus la situation demeure intenable. Des mois durant, cette crise migratoire, qui n'a épargné aucune frontière des deux rives de la Méditerranée, tourne à un drame humanitaire qui s'est soldé par des milliers de morts et de disparus. Depuis janvier dernier, pas moins de 750 mille personnes ont déjà migré vers la terre promise, l'Eldorado européen. Selon une source associative, plus d'un tiers ont échoué au large de la Grande bleue. Ce triste bilan des victimes recensées, au jour le jour, est dû, principalement, à des politiques migratoires mal en point. Qu'il s'agisse des pays d'origine, de transit ou d'accueil, cette question pose encore problème. A qui la faute? Qu'en est-il au juste? s'interroge-t-on. A maintes reprises, ce phénomène qui gagne en ampleur est remis sur le tapis, provoquant un débat houleux sans pouvoir s'en sortir. Pas plus tard que la semaine écoulée, une partie de la société civile tunisienne a, de nouveau, fait bouger les choses. Elle a tenu à aborder le sujet sous un angle bien précis : les partenariats pour la mobilité et les politiques de coopération sur la migration dans le bassin méditerranéen. L'insistance sur l'approche coopération d'égal à égal s'explique par le fait que la résolution du problème ne vient pas seulement d'outre-mer, soit du Vieux continent. Et pas uniquement des pays du sud, non plus. La solution est bien commune, d'autant plus que la responsabilité est, désormais, partagée. Ce qui, semble-t-il, ne fut pas le cas. Sinon, comment expliquer la réaction européenne prise à chaud face aux flux des migrants et des réfugiés venus de tous bords, du Maghreb et du Machrek. Ou aussi les mesures restrictives entreprises aux frontières, et qui sont jugées improvisées et décidées dans la précipitation, d'une manière unilatérale. C'est, d'ailleurs, ce qui a fait monter l'adrénaline de la société civile de la région. Car, selon elle, une telle position qualifiée de passive et discriminatoire ne devrait pas passer inaperçue. Contre l'exclusion Un collectif associatif regroupant le Ftdes, le réseau Euromed des droits de l'homme, la Ltdh, l'Ugtt, le Centre tunisien de la migration et d'asile, et bien d'autres organisations locales et étrangères, vient d'agir, sur fonds de mécontentement. Tous contre l'exclusion et la marginalisation, ainsi s'indigne la société civile , lors d'une conférence de presse qui avait eu lieu récemment à Tunis. Cette rencontre fut suivie d'une table ronde sur deux jours, dans la banlieue nord de la capitale. Cette mobilisation associative a fait que les questions migratoires ne sont plus l'apanage d'un pays aux dépens de l'autre. Pourquoi, alors, la société civile est-elle mise encore à l'écart, loin de tous les débats ? Cette interrogation a été posée par la société civile elle-même qui parle d'une forme d'exclusion intentionnée de la part de l'UE. « Sa politique menée, sans réelle consultation de la société civile, se révèle chaque année plus meurtrière ». Et d'alerter encore sur un constat beaucoup plus inquiétant: « plus de 2.000 personnes ont disparu en Méditerranée depuis janvier 2015 ». On a également déploré le manque constaté d'une certaine coordination bilatérale en matière de mobilité et de migration. « Aucune amélioration notable n'a été signalée à ce niveau, en dépit d'une nouvelle approche européenne annoncée à ce sujet depuis 2011», s'étonne-t-on. D'où il est urgent de s'y impliquer, afin de redéfinir les termes d'une coopération plus souvent opaque et sécuritaire. Ce qu'on pense du sommet de Malte Face à de nouvelles arrivées de migrants en masse, il y a, toujours de quoi reprocher. Telles les initiatives et mesures sécuritaires de refoulement, d'externalisation des frontières et d'encouragement au retour aux pays d'origine. Pour revoir les relations du partenariat nord-sud sur une logique concertée, la société civile, réunie sous nos cieux, avait, déjà, formulé une série de recommandations. Ce dont il s'agit, entre autres, de plaider pour son inclusion dans la préparation et la mise en œuvre des politiques migratoires dans l'UE et les pays de coopération, l'accès à la mobilité pour tous les migrants et réfugiés, toutes catégories confondues, l'aide au développement sans conditions liées à ce domaine de coopération. Toutes ces recommandations seraient, par la suite, imposées à l'ordre du jour du sommet euro-africain, attendu les 11 et 12 de ce mois à La Valette, à Malte. Ce sommet, apprend-on encore, serait l'occasion pour s'arrêter sur les enjeux et les opportunités que représentent les migrations. Il sera, également, question de reconnaître que la gestion d'un tel phénomène si délicat relève, assurément, de la responsabilité commune des pays d'origine, de transit et de destination. Cinq domaines spécifiques auront à figurer au programme des assises: faire tout pour rétablir la paix, la stabilité et le développement économique, organiser les voies de migration légale, renforcer la protection des migrants et demandeurs d'asile, faire face à l'exploitation et à la traite des migrants et se concerter davantage en matière de retour et de réadmission. Le sommet de Malte sur la migration s'inscrit, d'ailleurs, dans ce cadre, mettant les Européens et les Africains face à face. L'ultime but étant de forcer les choses pour trouver des solutions communes à des problèmes communs. Cela ne saura se réaliser sans une nouvelle coopération nord-sud plus solidaire. Pour ce faire, certains parlent d'un budget européen totalisant près de 97 milliards d'euros dont quelque 344 millions d'euros consacrés à la migration. Bonne idée qui, espérons-le, pourra faire son chemin d'ici 2020.