Dans un contexte marqué par les grandes menaces qui planent sur le pays, une ambiance délétère à l'ARP sur fond de motion de censure qui pèse sur son président et les différends issus de calculs politiciens étriqués, le Président de la République fait aujourd'hui face à l'Etat profond et ses institutions parallèles qui sont une réelle menace pour la démocratie. Quelques heures avant le lever du jour, dans le quartier général du ministère de l'Intérieur à Tunis, le président de la République a tenu à se réunir avec le ministre Hichem Mechichi en présence des directeurs généraux des départements sécuritaires clés, dont la direction générale des services spécialisés. Une réunion qui survient quelques jours après les nouvelles nominations au sein de ce ministère et la désignation d'un nouveau directeur général à la tête des services techniques. N'allant pas par quatre chemins, le locataire de Carthage, sans prononcer le mot, fait allusion à l'Etat profond qui tente de déstabiliser le pays par le biais des contestations sociales et d'autres manœuvres. « Celui qui complote contre l'Etat n'a pas de place en Tunisie », a-t-il martelé devant les cadres dudit ministère. Deux visites nocturnes Le Président de la République a mis en garde contre les tentatives de faire du pays un «terreau pour les terroristes» ou visant à abriter «des collaborateurs qui complotent avec l'étranger pour dévier de la légalité» et a souligné qu'il n'hésitera pas à «recourir aux moyens juridiques stipulés par la Constitution pour préserver l'Etat ». Quelques heures avant cette réunion au QG du ministère de l'Intérieur, Kaïs Saïed avait effectué une visite au siège du commandement du régiment des forces spéciales de l'Armée nationale à Menzel Jemil dans le gouvernorat de Bizerte. Dans un communiqué publié par la présidence de la République, le but de ces deux visites est de «prendre connaissance du degré de promptitude des formations militaires et sécuritaires et suivre le développement de la situation sécuritaire dans le pays». Mais dans le contexte actuel, marqué surtout par les grandes menaces qui planent sur le pays, une ambiance délétère à l'ARP sur fond de motion de censure qui pèse sur son président, accusé de mauvaise gestion des affaires du Parlement, et les différends issus de calculs politiciens étriqués, point n'est besoin de dire que le Président de la République fait aujourd'hui face à l'Etat profond, ses institutions parallèles qui sont une réelle menace pour la démocratie et qui font que le pays est sous le commandement de deux présidents, l'un à Carthage et le second au Bardo. Kaïs Saïed avait riposté en confirmant en mai dernier que l'Etat tunisien est indivisible, représenté par un seul président aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Une réponse cinglante à la diplomatie parlementaire qui laisse la porte ouverte aux ingérences étrangères. Mystère autour d'un procès-verbal et de graves accusations Se consacrant à l'un des chapitres des mécanismes complexes de l'Etat profond, Kaïs Saïed a rencontré mercredi 22 juillet le ministre des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières, Ghazi Chaouachi. Au menu des discussions, les dossiers des propriétés de l'Etat récupérés dernièrement grâce aux efforts et travail méticuleux élaborés par le ministère en question. Très à cheval sur cette question, le Président de la République rappelle et souligne à cette occasion la nécessité de la stricte application de la loi. En d'autres termes, pas de justice à double vitesse qui épargnerait, pour des calculs partisans, les personnes bien placées. Il touche ainsi l'Etat profond et se souvient de l'affaire se rapportant à un accident de la route impliquant un véhicule de l'Etat. « Pourquoi le PV a été détourné ?», s'interroge-t-il selon un communiqué rendu public par la Présidence de la République. La riposte ne s'est pas fait attendre, des précisions sont rapportées dans un communiqué publié par le substitut du procureur de la République, Mohsen Daly, ce mercredi 22 juillet en rapport avec cette affaire. Dans ce communiqué rapporté par l'agence TAP, le Parquet réfute les accusations avancées par la Présidence de la République et explique qu'elles sont «infondées» , appelant les autorités à «enquêter avant de divulguer de telles informations et de s'informer auprès des institutions officielles». Le substitut du procureur indique que le Parquet s'est chargé des PV durant le mois d'avril 2020 et a décidé en date du 3 juin 2020, après examen, de retenir des chefs d'accusation contre la fille d'Anouar Maârouf, son chauffeur et deux autres personnes qui étaient à bord de la voiture lors de l'accident. L'affaire a été déférée devant la chambre correctionnelle près le Tribunal de première instance de Tunis. Le tribunal a enfin décidé le report de l'audience au 21 novembre 2020 afin de convoquer les accusés et prononcer un jugement. Tout semble être clarifié dans les règles de l'art, mais voilà que la Présidence de la République revient à la charge quelques heures après pour signifier dans un autre communiqué que «le dossier évoqué par le Président de la République, lors de sa rencontre avec le ministre Ghazi Chaouachi, n'était pas jusqu'à la mi-journée de mercredi parmi les dossiers soumis au tribunal». Une accusation encore plus grave en dépit des tentatives de la Présidence visant à décrisper les tensions en affirmant dans le même communiqué qu'elle ne porte pas un doigt accusateur envers une quelconque partie, mais «c'est une réalité que personne ne nie», précise la même source. Le «syndicat national des agents et cadres» de la justice a très vite rejeté les accusations du Président de la République selon lesquelles le dossier de l'accident a disparu du tribunal de première instance de Tunis. Mais on n'est pas au bout de nos surprises, puisque l'Union générale tunisienne du travail vient de publier hier un statut sur sa page officielle Facebook dans lequel elle explique qu'il n'existe pas d'organisme syndical de ce nom relevant de l'Ugtt. Encore un démenti qui met vraisemblablement en exergue la présence de structures fantoches prêtes à défendre certains partis et parties en cas de crise. Assassinats politiques et organisations secrètes, l'omerta ? Il est des assassinats politiques comme ceux des deux martyrs Belaïd et Brahmi, et bien d'autres à l'exemple de l'organisation secrète impliquant l'un des partis politiques en place, qui ne laissent pas indifférent de par la complexité des enquêtes judiciaires ouvertes à cet effet et la sensibilité de certaines données se rapportant le plus souvent au secret de l'enquête. Les assassinats des deux martyrs perpétrés par des éléments appartenant au groupe terroriste Ansar el-Chariaa sont toujours entourés de mystère, puisqu'on a évité d'élargir le champ des responsabilités, selon les milieux proches de Belaïd et Brahmi. Les exécutants poursuivis et identifiés mais non les instigateurs qui courent toujours dans la nature. La controverse autour de l'organisation secrète rattachée à l'un des partis politiques a atteint son apogée suite à la décision du défunt président de la République feu Béji Caïd Essebsi de porter l'affaire de cette organisation devant le Conseil de sécurité nationale (CSN) tellement elle a traîné en longueur. Dans sa réponse à une question relative aux résultats de l'enquête menée à cet effet, l'ancien premier conseiller principal à la Présidence de la République, Kamel Akrout, a répondu dans un entretien publié dans notre journal le 23 février 2020 que le CSN a été saisi du dossier en question et l'a déféré au ministre de tutelle afin d'accélérer les démarches nécessaires. «On ne peut pas imposer quoi que ce soit à la justice qui doit demeurer indépendante», nous-a-t-il expliqué. Peu d'informations autour des assassinats politiques et de l'organisation secrète. Il y a comme un climat d'omerta concernant ces affaires qui n'ont pas livré leurs secrets. Ce samedi, 25 juillet qui coïncide avec la fête de la République, certains se souviendront de l'assassinat de Haj Mohamed Brahmi devant sa demeure et se poseront toujours la même question, comme c'est le cas pour le martyr Belaïd. L'Etat profond tentera d'étouffer les deux affaires, ainsi que celle de l'organisation secrète par les manœuvres dilatoires. «Nous savons où ils tiennent leurs réunions et ce qu'ils mijotent, nous sommes déterminés à riposter à toute agression quelle que soit son origine», a martelé en substance le Président de la République et chef suprême des forces armées, Kaïs Saïed. Mais certains partis politiques font la sourde oreille et persévèrent dans le complotisme, comptant beaucoup plus sur les mécanismes dissimulés de l'Etat profond, se souciant comme d'une guigne de la stabilité du pays .Quand on arbore le signe de Rabaa au parlement, que d'autres partis laissent faire, tout s'explique.