Lina Hawyân al Hassan nous entraîne dans une saga qui lui sert de prétexte pour crier contre la force des choses qui impose aux femmes de manier leur beauté comme une arme pour s'imposer et pour survivre, alors qu'elles ne sont qu'autant d'exilées avec un étonnant point commun: une déception amoureuse réflexive (de soi à soi) ou antisymétrique (de soi à l'autre, mais sans vice-versa). Seule exception, deux serviteurs fuyant ensemble les mêmes asservissements. Un ouvrage sur la beauté et sur l'amour... seulement, c'est la beauté, non pas comme un attribut neutre, mais comme une arme pour s'imposer et pour survivre, et c'est l'amour comme un vecteur d'émancipation même s'il ne diffère pas de ‘'l'autre'' amour, celui qui ne frappe que par surprise, aux moments les plus improbables, hors de toutes attentes, au défi de tous les plans. Un don et un mystère à ‘'manier'' avec déférence Lina Hawyân al Hassan dépeint la femme-beauté comme une créature à la fois singulièrement difficile à ‘'manier'' et tout aussi singulièrement réceptive à des efforts très précis d'apprivoisement. Le secret n'est divulgué par l'auteur que dans l'avant-dernière page de l'ouvrage : ‘'Sois attentif, elle possède une beauté qui n'appartient qu'à elle seule, le beauté qu'elle n'a hérité de personne. Elle est tous ces détails qui se dispersent dans les traits du visage sans que nous puissions les voir.'' Un don et un mystère que l'on ne peut ‘'manier'' qu'en affichant la plus grande déférence, en adoptant une attitude de méditation et de quasi prière, en reconnaissant son voisinage, même pour un moment, comme un privilège. Seul l'exceptionnel pouvait faire face à l'esprit du temps ; celui de la domination des hommes en tout ! Dans l'ouvrage, les parents donnent à leurs enfants l'exil en héritage, des exilés pour toutes sortes de raisons, mais avec un étonnant point commun : une déception amoureuse réflexive (de soi à soi) ou antisymétrique (de soi à l'autre, mais sans vice-versa). Car l'ouvrage ne porte aucune relation purement symétrique (un égal amour de part et d'autre), sauf dans le cas de deux serviteurs fuyant ensemble les mêmes asservissements. Un femme et un homme à peau sombre considérés comme des quasi-esclaves avec tous les sens du terme, incluant le corps, le for intérieur, les rêves... Mais tous deux, du plus bas où ils ont été mis par la force des choses, finissent par prouver qu'ils ont une conscience personnelle, des rêves, l'ambition de vivre par eux-mêmes, et qu'ils sont capables de ‘'se sauver'' corps et âmes. C'est peut-être la leçon la plus magistrale, l'antithèse de l'ouvrage qui met la haute lignée, la haute éducation et la perfection des traits au-devant de toute ‘'réussite''. Ce couple de noirs a simplement démontré le théorème que n'importe qui a le pouvoir de changer de vie, pour le meilleur. Pour être la moins malheureuse possible ! Mais tel n'est pas le destin des personnages principaux de l'ouvrage ; ceux qui ont tout ! Almaz (diamant en arabe), premier personnage principal, a gardé sa logique de bout en bout jusqu'au moment fatidique où elle perd les commandes. Femme-objet dans la lignée des nantis et des privilégiés, femme-beauté adulée par l'esprit du temps, elle semblait faite pour le bonheur, mais elle dépensa sa vie à se démener pour être la moins malheureuse possible ! Berlanté (diamant en turc), second premier personnage (car l'ouvrage est en deux parties qui ont chacune son héroïne) nous met devant l'incohérence d'un femme-beauté qui se comporte en quasi illettrée qui ne s'attache à rien de son époque, mais qui réfléchit étonnamment par des itérations ‘'philosophiques'' très personnelles. A son actif, une profonde réflexion sur la tulipe des montagnes et la tulipe des vallées, qui vire à une méditation sur le sensitif et le maturatif ! C'est Berlanté qui est la plus proche des caractères modernes que nous côtoyons aujourd'hui, car elle en porte le mélange détonant du vouloir et du pouvoir. Pour elle, le moment fatidique n'est pas le passage du statut de principal enfant choyé, adoré, posé sur un piédestal au statut de seconde zone (loin de la chambre des parents adoptifs qui ont fini par avoir leur propre bébé, au plus près de la cuisine), ni l'abandon d'un amour totalement hors de portée (raflé aussi par sa nouvelle ‘sœur'), ni son enfoncement dans le statut d'odalisque volontaire... C'est le moment où elle s'est mise à s'aimer elle-même, après des années et des années de rancune envers soi, devant le miroir qui lui renvoyait sa propre image en pansant ‘'Berlanté, un éden pour les yeux !'' L'ouvrage ‘'Diamants et dames'', 239p., mouture arabe, par Lina Hawyân al Hassan - Editions Dar al Adab, 2014 - Disponible à la Librairie al Kitab, Tunis.