Le rapport comptabilise 36 cas de suicides et de tentatives de suicide dont 11 enregistrés à Kairouan. Parmi les suicidés, l'on compte cinq enfants et quatre séniors... Contrairement aux prévisions de l'Observatoire social tunisien et qui anticipaient une recrudescence des mouvements de protestations et de revendications socioéconomiques durant la période précédant la fin de l'année administrative, le mois de novembre a été marqué par une réduction palpable des mouvements sociaux. Il a été aussi empreint d'une vague d'actes terroristes, lesquels ont nécessité l'instauration du couvre-feu et la prise, par le gouvernement et par les forces de l'ordre, de mesures sécuritaires. Lors de la présentation, hier, du rapport sur les mouvements sociaux relatifs au mois de novembre 2015, M. Abderrahmen Hedhili, membre du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes), a expliqué la régression des mouvements de protestation par les impératifs sécuritaires imposés dans le cadre de l'instauration du couvre-feu. «Ce qui ne minimise point la déception des populations de voir leurs problèmes persister et leur calvaire perdurer sans que les parties concernées ne daignent y apporter des solutions radicales », a-t-il souligné. Le présent rapport comptabilise 390 mouvements de protestation — dont 89% sont des actions de protestation collective — contre 910 actions enregistrées en octobre 2015. Les mouvements individuels, y compris les cas de suicides et de tentatives de suicide, ont diminué, passant de 50 actes à 41 dont 36 cas de suicides et de tentatives de suicide. Le gouvernorat de Tunis reste le plus touché par les mouvements de protestations. La fureur du Centre La région accapare 47 mouvements durant le mois de novembre. D'un autre côté, l'on constate une augmentation des mouvements de protestation dans les gouvernorats de Kairouan et de Sidi Bouzid. Ces derniers ont dépassé le seuil de 30 mouvements citoyens ; soit plus d'un mouvement par jour. M. Abdessattar Sahbani a souligné la persistance des mouvements de protestation dans certaines régions, notamment dans les régions du Centre comme les gouvernorats de Kairouan, Kasserine, Sidi Bouzid, Sfax, mais aussi Kébili et Médenine ; des régions où l'on enregistre plus de 40 mouvements au bout d'un mois. «Ces régions continuent à subir l'injustice sociale et institutionnelle. Des populations marginalisées, endurant les répercussions d'un déficit de développement, du chômage, des mauvaises conditions de vie, de l'absence d'une infrastructure de base, des mauvaises prestations sanitaires, etc », a-t-il expliqué. Il a saisi l'occasion pour appeler les parties concernées à prendre les précautions nécessaires pour prévenir les éventuelles inondations et éviter aux populations défavorisées et vivant dans la précarité de passer un hiver hostile. L'orateur a attiré l'attention sur l'augmentation des mouvements de protestation collectifs instantanés dont le nombre a atteint 120 contre 64 en octobre. Les actions spontanées ont chuté pour ne compter que 113 contre 712 en octobre. Alors que les mouvements de protestations violentes ont battu le record, passant de 55 en septembre à 84 en octobre et à 116 en novembre. Les motifs de ces actions sont d'ordre éducatif, économique, administratif, politique et sécuritaire. Vingt-deux formes de violence ! Il est à noter que les manifestations violentes sont, essentiellement, axées sur les secteurs sportif et éducatif. Le présent rapport mentionne 22 formes de violences, utilisées dans le cadre des manifestations de protestation violentes, « ce qui exige l'élaboration d'une approche sociétale et d'une stratégie intégrale pour y faire face et traiter le phénomène de la violence, à la base », renchérit l'orateur. S'agissant des protestations individuelles, l'Observatoire a recensé 36 cas de suicides et de tentatives de suicide ; un nombre comptabilisé à travers les faits divers annoncés sur les journaux. « Nous avons interpellé, à maintes reprises, les parties concernées pour nous communiquer les données relatives aux cas de suicides déclarés, en vain », a fait remarquer M. Hedhili. Les 36 cas ont été enregistrés dans 15 gouvernorats. Mais la région de Kairouan continue à caracoler entête des régions les plus touchées par ce phénomène. Elle a connu, à elle seule, 11 cas de suicides et de tentatives de suicide en un mois. Parmi les cas recensés figurent cinq enfants âgés de moins de 15 ans et quatre séniors. «Le suicide des enfants est un phénomène gravissime. La plupart des enfants suicidés optent pour la pendaison, ce qui est irrévocable. Ce moyen est favorable au suicide accompli et non aux tentatives de suicide. Ces enfants, surtout dans les localités de Bouhajla et Laâla, vivent mal les conditions de scolarité lamentables, la pauvreté... Le suicide des séniors, aussi, est à étudier de près et il faut y remédier en pensant aux solutions adaptées », a souligné M. Sahbani. La tranche d'âge la plus touchée par le suicide est celle située entre 26 et 35 ans ; une tranche d'âge qui laisse deviner le mal de vivre d'une jeunesse déprimée, en proie au chômage, à la marginalisation et dont l'avenir est incertain. M. Hedhili a évoqué deux cas de suicidés. Le premier cas est celui d'un pêcheur qui a mis sa barque à la disposition d'un groupe de migrants clandestins. Suite à quoi il a été arrêté et incarcéré. Epuisant sa peine, il a voulu reprendre son métier de pêcheur. Or, on lui avait retiré son autorisation de pêcheur. Désespéré, il s'est immolé au port de Téboulba. Autre cas de suicide : celui d'une jeune maîtrisarde qui, faute de travail, a préféré mettre fin à ses jours en se jetant sous un train. «La plupart des cas de suicides sont dus à des problèmes sociaux», conclut M. Hedhili.