Le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes) a présenté hier, lors d'une conférence de presse, le rapport de l'Observatoire social tunisien (OST) sur les mouvements sociaux observés en octobre 2015 Le présent rapport met en exergue l'accroissement inquiétant des mouvements de protestation en comparaison notamment de ceux enregistrés en septembre. Une évolution de taille qui revient, essentiellement, à la persistance des problèmes sociaux, économiques, structurels, institutionnels, sécuritaires et environnementaux. Les mouvements de protestation ont, en effet, quasi triplé au bout d'un mois, passant de 398 actions à 910. «Cette évolution était prévisible. Nous l'avons anticipé d'ailleurs, et nous estimons que l'accroissement se poursuivra durant la seconde quinzaine du mois de novembre et en décembre. Moins la politique de gestion des conflits et des problèmes récalcitrants sera efficiente, plus les mouvements sociaux seront considérables. Les dossiers du bassin minier et des ouvriers restent, encore, irrésolus, ce qui ne tardera pas à déclencher d'autres mouvements de protestation», indique M. Abderrahmen Hedhili. Collectives et spontanées Il est à souligner que les mouvements de protestation collectifs ont enregistré une hausse notable, passant de 81% de l'ensemble des mouvements de protestation observés en septembre à 95% en octobre. Ces actions ont porté sur les lacunes persistantes du système éducatif, celui universitaire, ainsi que sur la reprise de l'activité sociale et institutionnelle dont la rentrée sportive, la rentrée politique ainsi que celle juridique. Le gouvernorat de Tunis chapeaute la liste des régions les plus marquées par les mouvements sociaux collectifs avec un taux de 9%. Il est suivi de Gafsa avec 8% et de Médenine 7%. En examinant la typologie des mouvements de protestation collectifs, l'on constate une augmentation sans précédent du nombre des mouvements collectifs spontanés. Ces derniers se limitaient à 134 mouvements observés en septembre. Ils ont atteint le chiffre de 712 un mois après. Par ailleurs, le rapport dévoile une évolution alarmante des mouvements de protestation violents, qui ont atteint 84 mouvements contre 55 en septembre. Pas d'accompagnement des proches des suicidés S'agissant des mouvements de protestation individuels, dont les suicides et les tentatives de suicide, le rapport montre une sensible régression passant de 92% à 84% ; une évolution négative qui n'atténue aucunement la gravité et l'ampleur de la vague suicidaire post-révolutionnaire. Au total, 42 cas de suicide et de tentative de suicide ont été notés en octobre. La gent masculine semble être plus concernée par les protestations individuelles puisque l'on dénombre 31 hommes et 11 femmes. Pour ce qui est des tranches d'âge des suicidés, l'on constate que les jeunes âgés de 26 à 35 ans succombent plus au suicide, soit 13 hommes et 4 femmes. L'on compte aussi sept suicidés âgés entre 16 et 25 ans et un enfant âgé de 11 ans est décédé en tentant de reproduire une scène tragique vue sur une chaîne télévisée. Le désespoir des seniors est décelable à travers le suicide de quatre hommes âgés de plus de 60 ans et d'une femme âgée de 79 ans. «Si les institutions concernées avaient garanti à l'entourage des suicidés l'accompagnement psychologique et l'encadrement dont il avait besoin, certains cas de suicide auraient été évités», fait remarquer M. Abdessattar Sahbani. Il cite, à titre indicatif, le cas d'une jeune femme qui a mis fin à ses jours peu de temps après le suicide de son futur mari, qui est survenu le jour de leurs noces. Il évoque, en outre, le cas d'une mère qui n'a pas résisté au suicide de sa fille et qui s'est donné la mort; deux cas observés à Kairouan. Encore faut-il préciser que parmi les 42 cas de suicide enregistrés, 17 ont été accomplis par pendaison et 16 autres par immolation. Le Président français sollicité ! Autres formes de protestation individuelle relevées durant le mois d'octobre : l'appel de détresse d'une femme âgée rapatriée de Syrie, veuve, sans abri et sans revenu aucun. D'un autre côté, un jeune diplômé a sollicité l'intervention du Président français pour qu'il soit embauché à la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG). On note aussi trois grèves de la faim : celle opérée par une promotrice qui n'a pas bénéficié d'une autorisation pour son projet; celle effectuée par un étudiant en guise de protestation contre la décision défavorable à son inscription en mastère et celle menée par un homme à qui on a refusé l'autorisation d'exploiter un kiosque. Traiter le dossier du bassin minier : une extrême urgence Prenant la parole, M. Adnène Hajji a évoqué la question relative à la CPG. Il a montré du doigt le laxisme des autorités et du gouvernement à se pencher sérieusement sur la résolution d'un problème de taille dont les répercussions sur l'économie nationale sont fâcheuses. Il a rappelé que lors d'un Conseil ministériel, les professionnels et les syndicalistes ont été rassurés quant à la résolution radicale des problèmes relatifs à la CPG dans un délai ultime fixé au 15 août 2015. «Jusqu'à nos jours, aucune décision salvatrice n'a été prise. Ce qui envenime le climat socioéconomique dans les régions de Redaïef et d'Om Laârayès. Les habitants de ces régions, poursuit M. Hajji, vivent dans la précarité. Ils sont dépourvus des facteurs élémentaires d'une vie digne. Marginaliser la CPG et le secteur du phosphate, c'est se vouer à une impasse économique. Si le taux de développement se situe à 0,5%. Il risque de dégringoler davantage». L'orateur souligne l'injustice vécue par les jeunes originaires de Gafsa. Il a évoqué la privation de six jeunes promoteurs de droit aux crédits pour monter six projets à même de garantir 550 postes d'emploi...