Par Pr Jamel TRABELSI (université Louis-Pasteur - Strasbourg) Malgré les multiples acquis consentis dans tous les domaines et attestées par les institutions internationales de ranking, les stratégies politiques de la Tunisie sont d'ores et déjà orientées vers l'avenir. Les exigences de la globalisation et la rude concurrence internationale nécessitent le maintien d'une cadence soutenue de développement au moyen de la consolidation des acquis et la création de nouveaux projets avant-gardistes conditionnés par les mutations futures de l'économie mondiale. Le cadre institutionnel Nous vivons, en effet, dans un monde en mutation continue. Depuis deux décennies, on assiste à un phénomène de raccourcissement de la durée de vie des modèles économiques et sociaux; la nécessité de maintenir une dynamique de modernisation et d'adaptation du processus de développement est devenue par conséquent incontournable. Cette modernisation passe incontestablement par une implication sans faille de la jeunesse dans le combat vers le bien-être et la prospérité. La forte adhésion de la jeunesse aux projets de développement est une constante de la politique tunisienne. Cette stratégie fortement ancrée dans notre paysage politique a considérablement contribué à l'essor de notre pays. Elle est le fruit d'une stratégie basée sur l'écoute et la mise en place des modalités visant à concrétiser les attentes de la jeunesse. La dynamique du dialogue instaurée en 2008 et qui a abouti à l'adoption d'un pacte national de la jeunesse a permis de générer chez les jeunes une nouvelle culture et surtout un nouvel état d'esprit de responsabilité et de patriotisme. Le point huit du programme présidentiel 2009-2014 vient consolider l'important rôle attribué à la jeunesse dans le processus de développement de notre pays. Cependant, tous les programmes en faveur de la jeunesse ne se limitent pas aux Tunisiens de l'intérieur. Dans son programme électoral «la Tunisie de demain 2004-2009», notre Président a précisé que «les Tunisiens de l'étranger sont le prolongement “civilisationnel de la Tunisie, en même temps qu'un soutien pour son développement»; le point 18 du même programme postule que «les Tunisiens à l'étranger : communion et soutien au développement». Ces propos ont été concrétisés par la mise en place de structures politiques, économiques et sociales qui ont généré un retour sur l'investissement illustré par l'implication directe et indirecte de nos concitoyens à l'étranger dans le processus de développement de notre pays. Cette extraordinaire dynamique d'interaction est incontestablement le fruit d'une politique sage et intelligente visant à établir une solide passerelle avec les Tunisiens à l'étranger et surtout instaurer des structures et des canaux leur permettant d'agir suivant des stratégies structurées et transparentes. La contribution des jeunes compétences tunisiennes à l'étranger Les jeunes compétences tunisiennes à l'étranger sont soit issues de l'immigration, soit installés dans les pays d'accueil suivant un statut particulier. L'orientation politique de notre pays a permis de fédérer cette force vive dans un seul vivier et suivant le même objectif : la stabilité, le développement et la prospérité de la Tunisie. Leur principale tâche est incontestablement dans le domaine de la communication. Par leurs fonctions, ils ont, en effet instauré une dynamique de communication visant à éclairer les pays d'accueil des mutations politiques, économiques et sociales que connaît notre pays. Cet éclairage en profondeur constitue le catalyseur de la stratégie de nos jeunes compétences à l'étranger visant à lever l'a priori colonialiste et à promouvoir les projets d'investissements étrangers dans notre pays. Nos jeunes compétences opèrent souvent dans un cadre associatif stimulé par des processus de réseautage et d'interaction avec les institutions politiques, économiques et sociales nationales. Suivant les sources de l'Office des Tunisiens en France (OTE), plus de neuf mille compétences tunisiennes de haut niveau sont résidents dans le monde entier dont 24% dans la recherche, 23% dans l'ingénierie, 11% dans le domaine médical. Même si la présence féminine et des hommes d'affaires parmi les compétences tunisienne est encore faible (10,8% et 14% de l'ensemble des compétences), elle se confirme d'une année à l'autre. Les compétences tunisiennes à l'étranger, fortement représentées par les jeunes, ont de surcroît intégré la scène politique; elles sont de plus en plus présentes dans les conseils municipaux et régionaux. Cette présence dans le noyau politique est cruciale dans l'orientation des projets d'investissements à l'échelle régionale ou nationale vers notre pays. Les jeunes compétences tunisiennes à l'étranger ont réussi à se doter d'un label de qualité leur permettant de devenir une valeur sûre en matière de qualification professionnelle. L'Association des hommes d'affaires et d'autres installées dans le monde ont réussi à faire de la Tunisie la destination privilégiée des investisseurs internationaux et surtout à générer une dynamique de transfert technologique et de la connaissance. En effet, l'Association des chercheurs et enseignants tunisiens à l'étranger (Acetef), l'Association des Tunisiens des grandes écoles (l'Atuge) installées en France se sont investies dans l'élaboration des projets de collaboration entre les universités et les laboratoires de recherche de la Tunisie et des pays d'accueil afin de permettre à nos jeunes chercheurs et potentiels jeunes compétences tunisiennes à l'étranger de bénéficier de l'expérience des chercheurs de haut niveau. Cette dynamique d'échange a permis d'enrichir notre vivier de jeunes compétences à l'étranger et consolider le processus le retour sur l'investissement. Même si ces deux associations sont les plus importantes par la forte concentration de nos jeunes compétences en Europe (54% de l'ensemble des compétences), il existe d'autres associations actives comme la British Tunisian, Scientific Society (TSS) et la TAG: TWC respectivement installées en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et en Allemagne. Depuis quelques années, nous assistons à l'émergence des compétences tunisiennes en Amérique (23,8% de l'ensemble des compétences), une nouvelle dynamique qui va sûrement enrichir et consolider celle déjà présente en Europe. La contribution de nos jeunes compétences tunisiennes à l'étranger ne se limite pas au domaine économique; il existe une stratégie d'actions sociales visant essentiellement à éclairer, soutenir et informer nos concitoyens à l'étranger, particulièrement les moins éduqués. Les actions sociales sont cruciales pour assurer la cohésion sociale au sein de notre communauté à l'étranger. La Tunisie a besoin de toutes ses forces vives, donc accompagner et soutenir, suivant des actions structurées et ciblées ceux qui sont en difficulté sociale ou/et économique est une démarche noble et essentielle pour contenir des potentiels dérapages visant l'intégrité de notre pays. Les analystes mettent plus en exergue les retombées économiques et marginalisent les actions sociales de nos jeunes compétences, alors que l'accompagnement de nos concitoyens en difficultés nécessite un travail de fourmi souvent suivant des structures de bénévolat. Si la réputation de la communauté tunisienne à l'étranger est irréprochable, c'est grâce à l'intelligence de notre politique sociale à l'étranger consolidée par l'extraordinaire mobilisation des structures associatives. Les perspectives La contribution des jeunes compétences tunisiennes à l'étranger est indéniable; elle constitue un déterminant essentiel de notre processus de développement par la création de réseaux d'investissements, de transfert de technologie et de la connaissance et la création des modalités permettant à nos cadres tunisiens d'intégrer les marchés de l'empoi des pays de l'Organisation de coopération et de développement économique (Ocde). Le solide attachement de nos jeunes compétences est un facteur générateur d'externalités positives de l'absorption des marchés de l'Ocde de cette main-d'œuvre qualifiée. La majorité de nos compétences préserve le cordon les liant à la patrie et répercute les retombées de leurs avantages sur l'économie tunisienne suivant des processus d'investissements directs et indirects dans notre pays. La contribution des jeunes compétences à l'étranger pour le développement et le rayonnement de notre pays gagnerait en efficacité et surtout en pérennité si elles connaissent davantage de structuration, particulièrement au niveau des formations et du développement régional. L'adaptation des formations fondamentales et professionnelles aux exigences du marché du travail international, la généralisation et la multiplication de l'enseignement des langues étrangères et surtout l'adoption d'une stratégie prospective d'employabilité constituent les principaux facteurs en vue de consolider la position de la Tunisie dans la compétition internationale sur le marché de l'emploi de la main-d'œuvre qualifiée et hautement qualifiée. Nul ne peut contester l'extraordinaire énergie consentie par les institutions politiques compétentes afin de fournir toutes les conditions de réussite des projets entrepris par nos jeunes compétences à l'étranger. Cependant, il sera crucial de définir des modalités permettant de polariser ces jeunes compétences et consolider leur participation au processus de développement national. Une des solutions consiste à élaborer une carte économique des régions permettant d'identifier leurs besoins et leurs caractéristiques économiques et sociales. Cette identification permettra aux jeunes compétences à l'étranger de cibler leurs projets de développement et surtout avoir, à travers ces structures régionales, des vis-à vis directs en Tunisie.