Si le Club de Bab Jedid était une entreprise «marchande» à but lucratif, ce bilan «impossible» prendrait des allures de dépôt de bilan, pour un champion sortant à la traîne dans le ventre mou du classement. Le club le plus riche du championnat en termes de masse salariale globale et budget de fonctionnement dispose du bilan le plus faible en termes de rapport prévision-réalisation des objectifs. Au-delà de ses statistiques de fumiste-fainéant, le Club Africain n'arrive même plus à coller aux basques du quatuor de tête. Un fossé le sépare du leader qui compte le double de ses points, alors que, comme la saison passée, à l'issue de l'aller, les Clubistes n'arrivent pas encore à battre leurs concurrents traditionnels. Même les néopromus et autres outsiders se montrent quasiment intraitables dans leur jardin face à un CA incapable d'imposer sa loi hors de ses bases. Huitième au classement, le club affiche un bilan décevant (cinq victoires, quatre parités et six défaites). A des années-lumière d'un groupe de tête qui ne voit plus apparaître le CA dans le rétroviseur. Volet nombre de joueurs utilisés, là encore, les chiffres sont têtus et révèlent toute l'incohérence d'un club qui dispose de plus de 35 joueurs sous contrat mais peine à dégager un noyau de 18 éléments à chaque confrontation. Ce faisant, les blessures n'expliquent pas tout. L'arrivée des recrues sur le tard, certaines résiliations de baux, l'incertitude qui a entouré le staff technique en été et les démissions successives du directeur sportif et du président de la section football ont fini par concourir à enfoncer le clou. Rappelons-nous : dès le début de saison, alors que le devoir de mobilisation se devait d'être l'apanage de l'équipe à battre, la chasse officielle au successeur de Sanchez a été ouverte. Comme si l'exécutif se devait de dénicher le coupable idéal du fiasco en Coupe de Tunisie face à l'Etoile et en compétition de l'Unaf face à nos voisins maghrébins. Sauf que Daniel Sanchez a certes commis des erreurs, sa gestion n'étant pas toujours adaptée au joueur tunisien, mais il a aussi et surtout subi le contre-coup et les aléas des lendemains de sacre, sous-estimant l'état d'esprit de nombreux compétiteurs incapables de se remettre en cause et se placer sur le terrain de la rigueur, de la grandeur et de la probité au lieu de se complaire dans une certaine candeur entremêlée d'ingénuité et d'incrédulité improductives. Oui, la responsabilité des joueurs est d'autant plus engagée dans les déboires clubistes que l'exécutif n'a rien vu venir, réagissant à l'instinct, à l'impulsion, au gré des humeurs et au fait du Prince, le tout sur fond d'arrière-pensées populistes chargées d'émotionnel au détriment du rationnel. Plus vite que la musique L'exécutif du CA, parlons-en. Les responsables étaient déjà dans l'ombre depuis la double éviction Unaf-Coupe de Tunisie. L'autre fait d'arme marquant aura été l'éviction de Montassar Louhichi, un temps, homme fort du patron du CA. Pour amortir le choc et le traumatisme chez les pro-Louhichi, des transferts plus spectaculaires qu'étudiés sont venus garnir les rangs du CA, ou plutôt grossir la masse salariale du club de Bab Jedid. L'équipe a fini par en payer le prix fort, végétant au milieu du classement après une phase aller tumultueuse. Guerre ouverte entre l'entraîneur et ses détracteurs à l'intérieur même de la bulle clubiste. Arbitrage permanent d'un président indécis quant au maintien de son coach, et ce, par le biais de cette batterie de techniciens sondés lors du mandat de Sanchez. En clair, si l'exécutif était assis sur une poudrière, le staff technique se trouvait en permanence sur un siège éjectable. Indépendamment du changement de main annoncé du renouvellement de confiance en débat, il aurait été judicieux de prôner le rassemblement, dissiper les doutes, monter au créneau, rassurer les supporters au lieu de menacer de démissionner. C'est toute l'incertitude qui entoure un club en mal de cohésion et de sérénité. Car, quelques années auparavant, un CA même «low cost» avait réussi le pari de se hisser au sommet grâce à un regain de valeurs, une optimisation et une valorisation des atouts. Dépassons ce spleen de circonstances et replongeons dans l'actualité de cette mi-saison. Entame décevante oblige, Daniel Sanchez et Zouheir Dhaouadi, les deux têtes de Turc, désignés sont éloignés et Nabil Kouki est intronisé. Ce qui permettra de faire oublier, temporairement, le triste bilan clubiste. Malgré tout, sous Kouki, les joueurs adhèrent à ses exigences et proposent un jeu un tantinet plus flamboyant. Mais la machine va vite se gripper. Les absences ainsi qu'une sérieuse baisse d'investissement de l'effectif vont de nouveau pourrir l'ambiance. Le CA finit par exploser à Sousse face au champion d'Afrique, signant la fin des illusions concernant le titre. Le club n'a aujourd'hui plus les cartes en main pour finir sur le podium. Kouki est limogé, un fusible de plus, et son adjoint Mehrez Ben Ali prend le relais. Voilà en clair le cheminement de la faillite d'une politique sportive menée depuis le début de l'été. Est-ce dû au manque de lisibilité dans les ambitions ? Nous ne dirons pas cela. Mais il reste à savoir où l'on place le curseur. Car, si on regarde l'attractivité d'un point de vue global, le CA est bien évidemment attractif. Il a un projet réalisable. Il possède des supporters nombreux et fidèles. Mais ça s'arrête là. Le chantier pour reconstruire doit débuter sans délai. Volet effectif, l'arrivée d'un taulier par ligne ne serait pas du luxe. Quant au timonier recherché, qu'il soit autochtone ou étranger, le profil doit forcément cadrer avec un tout cohérent, un ensemble de variables endogènes et exogènes qui ne laissent plus de place à l'incertitude et au rétropédalage dès les premiers revers concédés. La patience est une vertu. Vouloir aller plus vite que la musique vous expose plus qu'autre chose.