Parce que leurs inventions et leurs travaux de recherche ne sont pas suffisamment valorisés en Tunisie, les inventeurs et les chercheurs tunisiens préfèrent s'installer à l'étranger. Alors que Habib Bounouh en est à sa dixième invention, l'inventeur qui est également technicien supérieur à l'Agence Nationale pour la Maîtrise de l'Energie n'a toujours pas trouvé de bailleurs de fonds pour financer ses projets. Ce dernier, sensible à la question de l'environnement, a conçu des technologies et des dispositifs moins polluants. Le dernier en date est le carburant «full fire». Ce combustible composé d'eau ionisée, d'un additif et d'essence permet à un carburateur classique, après combustion, de dégager 70% de dioxyde de carbone de moins qu'un carburateur fonctionnant avec de l'essence classique. Ce n'est pas la seule invention du chercheur, qui a également conçu un joint destiné à être intégré dans les machines industrielles pour qu'elles consomment moins d'énergie combustible et polluent moins l'atmosphère. «Toutes mes inventions ont un objectif précis, à savoir contribuer à réduire les émissions de gaz carbonique dans l'atmosphère. Alors que des sociétés étrangères ont montré de l'intérêt pour mes travaux, aucune entreprise ni société tunisienne n'a accepté d'acheter mes prototypes», a souligné l'inventeur, déçu du manque d'intérêt des hommes d'affaires pour ses inventions ainsi que pour ses travaux de recherche. Un autre chercheur tunisien, Abdelkader Ben Brahim, travaillant dans un des laboratoires de l'Institut National des Sciences Appliquées et Technologiques (Insat), avait élaboré en 2007 un moyen d'éliminer le soufre et les émanations toxiques provenant des stations d'assainissement. Cet ingénieur âgé de 54 ans et originaire de Kebili ne s'est pas arrêté là. Les travaux qu'il a par la suite effectués ont abouti à l'élaboration d'un dispositif permettant de transformer et reconvertir ces gaz et émissions toxiques en énergie exploitable par les stations d'assainissement. C'est en Europe qu'il a finalement pu obtenir un brevet pour son invention ainsi qu'une aide de 600.000 euros pour développer son projet. La majorité des inventeurs et des chercheurs tunisiens n'ont pas eu cette chance. En effet, plusieurs inventions tombent dans l'oubli en raison du manque de soutien financier et de l'absence d'un système national qui valorise les recherches et les inventions tunisiennes. Alors que dans les pays européens, les industriels sont à l'affût de la moindre invention, en plus du rôle majeur que jouent les structures de recherche et de développement dans les sociétés et les entreprises, les structures nationales, à l'instar du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, l'Institut national de la normalisation et de la propriété industrielle et l'Agence pour la promotion des nouvelles technologies, ne sont pas en train de valoriser ni les travaux de recherche ni les inventions des chercheurs et des inventeurs qui, pourtant, pullulent d'idées sur la conception de nouveaux dispositifs et technologies destinés à réduire les émissions de produits toxiques et polluants... Même le concours des inventeurs, organisée, chaque année, en Tunisie et qui représente une occasion pour les inventeurs afin de présenter leurs dernières inventions à un large public, a été abandonné depuis cinq ans. «En France, il y a le fameux concours Lépine qui récompense les meilleurs inventeurs. En Tunisie, nous n'avons aucun concours similaire. Même la tenue de la foire des inventeurs a été abandonnée. Aucune structure nationale n'encourage les chercheurs et les inventeurs qui se débrouillent tant bien que mal pour financer leurs projets. C'est pour cette raison qu'il y a une fuite des cerveaux. J'aurais préféré que mes inventions profitent à mon pays. Je vais moi aussi devoir me tourner vers l'aide financière étrangère. Des négociations sont en cours avec deux entreprises européennes pour qu'elles achètent mon combustible. C'est une perte pour l'économie et le marché de l'emploi tunisien», conclut l'inventeur Habib Bounouh.