La ministre des Sports par intérim a beau multiplier les efforts pour améliorer les conditions de vie et de compétition pour l'élite tunisienne (l'embellissement du centre d'hébergement de l'élite par exemple est un effort à saluer), le problème est en revanche beaucoup plus complexe. L'élite en sport tunisien est un dossier miné, complexe et où les responsabilités sont mal définies, pour nous donner en fin de compte une image terne et pas très glamour. Nos athlètes de l'élite souffrent et sont livrés à eux-mêmes, faute de soutien fédéral et ministériel conséquent. Ceux qui ont des présidents de fédérations «influents» et «choyés» auprès du ministère peuvent s'en sortir plus ou moins, ceux qui ont des parents aisés, et qui sont à leur côté, peuvent tenir un peu, mais pour arriver au top mondial ou olympique, il faut une autre approche. Deux niveaux de la question sont à traiter : d'abord, l'obligation de la part des décideurs du sport tunisien de définir une politique et une (des) stratégie(s) claires et échelonnées en matière d'élite : qui est l'athlète de l'élite? Comment les répartir en niveaux selon la performance et le potentiel de consécration? Quelle structure de détection, d'accompagnement et de suivi technique (y compris le médical, le mental) ? Quels objectifs répartis sur le temps et révisés au gré des performances réalisées ? Bref, un ensemble de règles de conduite qui permettent de situer et de mettre, une fois pour toute, un label athlète d'élite. Car, en fait, et au vu de cette concurrence arabe, africaine et mondiale accrue, tout le monde n'est pas censé être athlète de haut niveau. Elargir le champ de critères et cibler la crème de la crème sont essentiels, vu que les moyens sont limités. Vient ensuite ce deuxième et capital niveau dans l'approche élite : le niveau (le volet) financier et économique qui se base sur l'art de négocier des contrats avec les athlètes de haut niveau. Si un athlète désire arriver au top mondial et rivaliser avec les grands du monde, il lui faut beaucoup de moyens. Vraiment beaucoup de moyens. Vraiment beaucoup pour financer des besoins énormes en staff de qualité, en déplacements, en nutrition, en matériel, en hébergement, en communication, et si les moyens sont modestes, il est quasi impossible de réussir sur le plan des olympiades et des championnats du monde, ni même au niveau africain. Dans ce volet, il y a toujours des susceptibilités, des coulisses et des cas criards d'injustice. Quelques athlètes ont le financement public (le budget pas énorme au niveau de la direction d'élite et affecté aux Fédérations suivant des critères pas du tout clairs), d'autres non, et d'autres rêvent d'un petit contrat qui permet au moins de faire les premiers pas. Les athlètes qui ont des parents aisés (dans la limite du possible) se voient dépendants de leurs parents qui mettent la main dans leur poche et payent. C'est un calvaire ce volet économique avec les sponsors qui ne communiquent plus comme avant à travers le sport et qui, covid oblige, compressent leurs budgets. Alors, des solutions ? Il en existe, mais cela doit émaner des fédérations elles-mêmes qui doivent réfléchir plus à leur élite, et à les aider à aborder le haut niveau, ça doit venir surtout du ministère des Sports et du Cnot, qui ont l'autorité et les moyens pour financer l'élite et pour négocier des contrats-objectifs réalisables et crédibles. Le plus important, c'est de respecter notre élite, de venir en aide aux vrais champions, de donner l'espoir de rêver aux jeunes qui montent. Nous n'avons pas les dotations des grandes nations du sport, mais on peut faire beaucoup mieux que ce qui se fait maintenant. De l'injustice, de la mauvaise négociation, de l'oubli, des «mensonges», c'est ce qui fait le plus mal à notre élite qui doit faire contre mauvaise fortune bon cœur. En réalité, pas si évident.