Faute de dotations publiques, peut-on imputer tout au ministère des Sports? Et que font ces présidents de fédérations élus pour ramener des fonds et aider leurs champions? Le modèle est à revoir pour éviter les éternelles polémiques. La dernière polémique concernant l'escrimeuse Sarra Besbès et sa sœur Azza n'est pas la première et ne sera pas la dernière entre des athlètes de haut niveau, d'une part, et le ministère des Sports, d'autre part. Ce n'est pas la première fois qu'un athlète de haut niveau, qui réside à l'étranger, dénonce sa marginalisation et le retard dans le déblocage de son budget alloué. Et à chaque fois, on a le même feuilleton : l'athlète use des médias pour défendre ses droits et dénoncer ce qu'il considère comme une injustice et on a toute une machine qui se déclenche. Le ministère réagit après coup, reçoit l'athlète et rédige le même communiqué et avec la même structure (décidément les gens du ministère des Sports ne veulent pas changer !) pour rappeler le budget alloué et pour dire que le retard est un problème résolu, que l'athlète a déjà reçu une avance et qu'il (le ministère) est sur le point de régulariser sa situation. Les deux parties posent en photo officielle et puis de nouveau des lamentations et des faits contrefaits. De deux choses l'une, ou c'est l'athlète qui détourne les faits, ou c'est le ministère des Sports qui fait du tapage médiatique et qui raconte n'importe quoi. Il n'est pas normal qu'à chaque fois, on a une vive polémique et des contradictions dans les faits qui rendent impossible et pénible de connaître la vérité. La faute à qui ? D'abord au ministère qui ne communique pas tous les chiffres exacts des budgets des athlètes de haut niveau et pourquoi les versements traînent autant. On a le droit, puisque ce sont des fonds publics, de savoir ce que les Besbès, Mellouli (qui reste le premier servi depuis de longues années !), Jabeur, Jaziri, Jaballah, Ghribi, et les autres athlètes d'élite ont coûté et si, oui ou non, ils ont reçu leurs budgets alloués. Dans cette atmosphère de «désinformation» et d'«équivoque», la vérité se perd, et les défaillances du modèle de l'élite tunisien sont visibles. Des budgets donnés parfois (voire souvent) à la tête de l'athlète et selon des critères subjectifs d'un sport à l'autre, des budgets insuffisants, dépréciation du dinar oblige, pour un athlète qui a des charges énormes (logistique, staff technique...) et un «lobbying» de certains présidents de fédération auprès du ministère, voilà ce qu'on endure depuis des années sur fond de manipulation et d'ambiguïté. Quelque chose ne tourne pas rond et ce sont les résultats à l'échelle internationale, tous sports confondus, qui en souffrent. On peut même dire que ce qui a été capitalisé comme résultats, compte tenu des moyens financiers limités, peut être considéré fantastique. Pour gagner au haut niveau, et pour financer la carrière d'un athlète qui réside à l'étranger, il faut un argent fou. Faute de quoi, ce sont toujours des solutions insuffisantes et un modèle défaillant. Que faut-il changer ? C'est le modèle lui-même et le mode d'affectation des budgets et des fonds publics pour les athlètes de haut niveau. Qui affecte et selon quels critères ? Quels montants ? Quel mode de suivi? Comment suivre en collaboration avec la fédération concernée? Quel calendrier de préparation? Tout ça est à revoir Coupables aussi ! En admettant qu'il y ait des défaillances du côté du ministère des Sports au niveau du financement des athlètes de haut niveau, peut-on tout lui imputer ? Non, bien sûr. Il y a deux points à relever. D'abord, il faudra redéfinir ce qu'est un athlète d'élite qui mérite le financement public, car, franchement, il y a ceux qui manipulent les gens par des performances qui datent de plusieurs années pour justifier un traitement de faveur, et il y a bien sûr des athlètes bons mais nullement extraordinaires et qui réclament le droit à un budget. Certains athlètes gagnent même beaucoup d'argent ailleurs et font des guerres pour obtenir un argent qui aurait pu aller à d'autres athlètes plus méritants. Deuxième fait saillant, que font ces présidents de fédérations et leurs bureaux fédéraux pour aider à financer leurs champions ? Eux qui sont élus pour développer les performances de haut niveau et pour ne pas compter que sur le ministère des Sports. Quelle est l'utilité d'un président de fédération s'il ne parvient pas à commercialiser l'image de ses champions auprès des sponsors, et ainsi gagner en liquidités l'athlète et lui ? Il faudra bien que ces bureaux fédéraux, qui ne veulent pas que le ministère intervienne dans leurs choix (ce qui est une aberration puisque c'est l'Etat qui gère le sport !), comptent sur leurs propres moyens en financement. Quand ils ont un ou deux champions, il faut qu'ils apprennent à bien les «rentabiliser» en termes d'image et de sponsoring. Pour un pays comme le nôtre qui passe par une crise économique, les fonds alloués au ministère sont en baisse, et c'est une réalité qu'il faudra savoir gérer. L'athlète lui-même doit aussi compter sur des spécialistes pour attirer des bailleurs de fonds et des sponsors, et ne pas compter à tous les coups sur l'argent de plus en plus rare du ministère. Si ça ne change pas, on restera toujours dans le sensationnel et les polémiques.