"Deux joueurs d'une même équipe peuvent se retrouver au même endroit à quelques mètres l'un de l'autre sans se parler " * " Il m'est arrivé de disputer une finale de 100 mètres le matin et de jouer quelques heures plus tard un match de championnat contre l'Etoile " * " On a fait preuve d'ingratitude envers Lemerre " L'invité de cette semaine est un homme comblé puisqu'il a pu au cours d'une longue carrière remporter plus d'un titre avec son club et réussir sa reconversion sur le plan professionnel. Actuellement, il s'intéresse de très près au quotidien de son club en étant derrière certaines transactions pour le recrutement des joueurs. Il est père de famille et quand il en parle, il l fait avec fierté. Entretien : * Le Temps : Pour commencer cet entretien, je vous poserai une question toute simple : qu'est-ce qui vous a poussé à faire carrière au Club Africain et non pas une autre équipe ? * Mohamed Ali Klibi : C'est un concours de circonstances qui a fait que j'atterrisse au parc A. Je suis né au Bardo et j'ai commencé ma carrière sportive en endossant le maillot du Stade Tunisien, un club qui m'a fait vibrer quand j'étais tout jeune. Il faut savoir que les joueurs de ma génération étaient tous ou presque stadistes. Nous étions à l'époque sous le charme d'une équipe qui dominait le football tunisien. J'ai porté le maillot " Rouge et blanc " alors que j'étais encore minime et pour commencer, j'ai choisi le handball et plus précisément le poste de gardien de but. J'ai par la suite opté pour le football au sein de l'Association Sportive Militaire de Tunis (ASMT) avant de passer au Club Africain alors que j'entamais ma deuxième année minime.
* Justement, pourquoi le club Africain et non pas un autre club. Le Stade Tunisien par exemple puisque vous étiez un habitant de la région ? * La réponse est toute simple. A l'époque je venais de remporter successivement le concours de plus jeune footballeur et celui de jeune footballeur devant des monstres sacrés du football tunisien tels que Hédi Bayari et Tarek Dhiab. A l'issue de ces concours, les dirigeants clubistes se sont manifestés les premiers et ma mère s'est engagée auprès d'eux à me laisser poursuivre ma carrière au Club Africain. Il faut savoir que les responsables " Sang et Or " se sont manifestés à leur tour mais c'était déjà trop tard car ma mère ne pouvait faire marche arrière ayant au préalable donné son accord de principe aux dirigeants clubistes. Feu Maître Hila et feu Moncef Mkadem auraient pu en témoigner...En fait Azouz Lasram et Moncef Khammar furent les plus rapides et ils ont eu gain de cause.
* Le Club Africain de votre époque, cela vous rappelle quoi ? * Au-delà de la qualité individuelle des joueurs, c'était le plaisir de jouer ensemble et l'esprit de camaraderie qui nous unissait. Mieux encore, nos meilleurs copains étaient les joueurs de l'Espérance. Il n'y avait aucune arrière pensé et même s'il nous arrivait de nous faire mal le jour du derby, après le match, nous nous retrouvions presque tous au même endroit sans animosité aucune. Aujourd'hui, les choses ont considérablement changé puisque deux joueurs d'une même équipe peuvent se retrouver au même endroit, chacun de son côté à fumer sa " chicha " sans se parler alors que quelques mètres seulement les séparent. Je ne vous raconte pas du n'importe quoi puisque c'est du vécu et cet épisode s'est produit dans le local que je gère à la Marsa.
* Que pouvez-vous nous dire à propos du club Africain qui fut sacré champion de Tunisie lors de l'exercice écoulé ? * Plusieurs facteurs sont derrière le sacre de la saison dernière. D'abord, la rage de vaincre des joueurs, l'apport de Ben Chikha qu'il faut saluer au passage et le public qui a rendu cet exploit possible car personne ne s'attendait à voir l'Etoile trébucher plus d'une fois. Côté joueur, je tiens à mettre en évidence l'apport de Mouihbi qui a atterri au Club Africain grâce à Hamadi Bousbîi en premier lieu mais également à Bassam Mehri et moi-même. Ces trois personnes sont derrière son passage au Parc A sans oublier l'apport de Montassar Meherzi qui nous a facilité la tâche étant président d'honneur de l'A.S.Marsa.
* Un mot sur le Club Africain de cette année ? * Les premiers résultats n'incitent guère à l'optimisme. Je pense qu'il aurait fallu restructurer l'équipe d'autant plus qu'au sein de l'effectif actuel, certains joueurs me paraissent blasés. Je pense surtout à Ouertani et Sellami qui ont beaucoup donné au club et ils avaient besoin d'être libérés pour services rendus au club. Le Club Africain en aurait tiré profit sur le plan financier et cela aurait permis à d'autres joueurs assoiffés de football de s'illustrer. Et puis, ces mêmes joueurs seront bientôt libres de tout engagement puisque leurs contrats ne tarderont pas à arriver à terme... Enfin je ne peux passer sous silence le comportement du bureau directeur qui n'a fait aucun effort pour récompenser le public et le remercier des efforts consentis lors de l'exercice écoulé.
* A vous entendre parler, on aurait dit que vous avez beaucoup de choses à reprocher aux dirigeants clubistes. Qu'en est-il vraiment ? * Franchement, hormis Kamel Iddir que je respecte et qui fait un travail énorme, les autres membres du bureau font preuve d'un amateurisme béat. Ce qui me préoccupe et m'amène à me poser bien des questions, c'est le fait de savoir que la commission technique qui est appelée à s'occuper des recrutements, n'a aucun droit de regard chaque fois qu'il s'agit d'un joueur étranger. C'est bizarre mais c'est comme -cela. Pratiquement, à chaque recrutement d'un joueur étranger, ils se sont trouvés devant le fait accompli. En fait, ils ne sont concernés que par les recrutements des locaux. Cela prête à équivoque...
* Après deux journées, le Club Africain qui est le champion sortant est loin d'avoir convaincu. Quelles sont les chances de consécration des " Rouge et Blanc " pour la saison 2008-2009 ? * D'abord, elles sont intactes puisque nous ne sommes qu'au début du championnat. Pour la suite du parcours, il faut une autre mentalité et des joueurs qui se comportent autrement et j'entends par là des joueurs qui se comportent professionnellement. Les blessures à répétition des joueurs prouvent que leur hygiène de vie laisse à désirer...
* Un mot sur le public clubiste * Cela se passe de commentaires. Les supporters clubistes ont laissé beaucoup plus de trois milliards dans les caisses du club. Qu'est-ce que je pourrais ajouter de plus. D'ailleurs, c'est pour cela que je dis que les " Tifosis " du Club Africain ont le droit d'exiger un avant-centre de qualité qui est capable de faire la différence. Et puis cela m'amène à poser une question toute simple : que ferait le bureau directeur actuel si les mauvais résultats persistaient. Le Club Africain se retrouverait devant des gradins vides et un budget revu considérablement à la baisse.
* Changeons de sujet pour parler un peu du " onze " national. Qu'avez-vous à dire à ce sujet ? * Essentiellement deux choses : la première, c'est que Roger Lemerre méritait une toute autre sortie. Il a quitté l'équipe de Tunisie par l a petite porte. Il a beaucoup donné et il méritait un autre sort. Je suis sûr que nous ne sommes pas prêts de revivre de sitôt une autre CAN semblable à celle de 2004. En ce qui concerne Umberto Coelho, il vient d'entamer ses fonctions et il est prématuré de porter un jugement quelconque sur le travail accompli jusqu'à aujourd'hui. Ce qui est sûr, c'est que l'effectif est de qualité. Le seul hic concerne le poste de gardien et ce n'est pas peu...
* Avant d'arriver aux questions personnelles, peut-on connaître votre avis sur la violence que nous vivons chaque dimanche sur les travées de nos stades ? * Avant toute chose, je dirais qu'il est inadmissible d'en arriver là. Nos arbitres ne sont en aucune manière, responsables car les étrangers auxquels on a fait appel, n'ont pas fait mieux. C'est un malaise social avec lequel, il faut composer et chercher la solution idoine pour y remédier. Une chose est sûre, le huis clos ne résoudra rien...
* On revient à vous. Quel est votre plus mauvais souvenir ? * C'est ma première convocation en équipe nationale en 1978, ponctuée par une blessure aux ligaments croisés lors d'un match amical devant l'équipe nationale junior. C'était avant la fameuse coupe du monde " 78 "
* Et votre plus beau souvenir ? * Sans conteste, celui d'avoir endossé la casaque clubiste pendant un peu plus d'une décennie et côtoyé des gens comme Azouz Lasram, Ferid Mokhtar, Hamadi Bousbîi, feu Hamadi Khouini, Feu Hassen Belkhoja, Hédi Ennaïfer et tant d'autres.
* Sur le plan sportif, si vous n'aviez pas joué au football, vous auriez pratiqué quel sport ? * J'aurais pu faire une grande carrière en athlétisme et surtout dans ma distance préférée qu'est le 100 mètres.
* Après une aussi longue carrière avec le Club Africain, vous faîtes quoi actuellement ? * D'abord, j'ai travaillé à la SNDP de 1975 à 1995. Actuellement, je suis le propriétaire d'un café à la Marsa, un lieu fréquenté par un public varié. Je suis marié depuis vingt ans, père de deux enfants : Cyrine et Skander. La première compte dix-huit printemps et passera son bac l'année prochaine, le deuxième, c'est un garçon. Il a douze ans et sera en deuxième année secondaire dès la prochaine rentrée. Pour ce qui est de mon épouse, c'est la plus belle femme au monde. Elle s'appelle Sonia Lachhab. Elle est secrétaire de direction dans une compagnie aérienne et elle a toujours été à mes côtés dans les bons comme dans les mauvais moments. Propos recueillis par Mourad AYARI