Par M'hamed JAIBI Toutes les puissances militaires du monde ont fini par déclarer la guerre à Daech, le fameux «Etat islamique» autoproclamé en Irak et en Syrie, mais aucune n'a pris la peine d'en expliquer vraiment la genèse ou de définir les conditions de son éclosion et de sa si rapide croissance militaire, territoriale et économique, dans une zone géographique spécialement surveillée et objet de convoitises. Un panislamisme sanguinaire Cette machine de haine sauvage, qui fait mine de servir le fanatisme le plus sombre et exècre la liberté humaine, prétend instaurer une dictature sanguinaire moyenâgeuse dans l'ensemble du monde musulman, sur la base d'une lecture abominablement extrémiste et intolérante du message coranique. Le phénomène a d'abord été pris à la légère, attribué à des sunnites irakiens en révolte contre l'hégémonie chiîte ayant suivi la chute de Saddam Husseïn après la seconde guerre du Golfe. L'anarchie laissée par les Américains L'hypothèse de troupes pro-baâthistes mêlées à des prisonniers de droit commun libérés par une succursale irakienne d'Al Qaïda a même été avancée. Mais dans l'apocalyptique anarchie laissée — et entretenue — par les Américains en Irak, en guise de punition collective expiant l'humiliation de la première guerre du même nom, qui donc songerait à y prêter attention. Mais aujourd'hui, alors que le «califat» a pu impunément étendre ses tentacules en tirant profit de la manne pétrolière, peut-on vraiment se convaincre que personne ne savait que les grands de ce monde ont été pris de court. Ces satellites qui voient tout en direct Et, plus près de nous, pourra-t-on nous faire croire que le matériel lourd sophistiqué dont les satellites suivent forcément le laborieux déplacement d'une contrée à l'autre, et désormais jusqu'en Libye, n'a inquiété ni les premières puissances ni Israël, jusque-là sentinelle infaillible guettant Arabes et musulmans. Puis, comment donc les puissances pétrolières, d'habitude si sensibles à ce qui pouvait «déréglementer» le marché de l'or noir, ont-elles laissé proliférer un trafic aussi vaste et lucratif que maléfique ? Les responsabilités des puissants Tout cela pour dire que des responsabilités aussi graves que diverses sont impliquées dans la situation explosive à laquelle nous avons abouti. Mais le fait est là et l'humanité donne enfin l'impression de vouloir réagir. C'est déjà le cas en Irak et en Syrie, où le multilatéralisme a dû entrer en lice, et cela semble se préparer pour les autres régions du monde où la gangrène pseudo-jihadiste frappe. S'agissant de la Libye, la problématique est complexe. Un Etat unifié et un gouvernement consensuel L'inexistence d'un Etat unifié et d'institutions reconnues de tous, ou ne serait-ce que d'un gouvernement d'union nationale pouvant souder les rangs, fait qu'une intervention militaire étrangère pourrait donner lieu à un chaos catastrophique. D'où l'attitude courageuse commune de l'Algérie et de la Tunisie, et les contacts pressants visant à l'élargir au Maroc. Cela dit, il n'y a pas de doute, Daech s'installe vraiment en Libye et il faudra bien que quelqu'un l'en déloge. Et par la force ! Mais il s'agit d'abord — et tout de suite ! — que tous les Libyens partent en guerre contre leur ego. Qu'ils prennent vraiment conscience que c'est l'existence même de leur pays que Daech menace. Et que seul un scénario consensuel permettra de sauver la situation.