Deux films qui mettent en scène des facettes différentes de la réalité du monde arabe. Le duo de films arabes qui fait le plus parler de lui en ce moment est à l'affiche au Rio et au CinéMadart. Le long métrage jordanien «Theeb», de Naji Abu Nowar, et le court métrage palestinien «Ave Maria» de Basil Khalil ont fait couler beaucoup d'encre, d'abord pour leur nomination et obtention de nombreux prix dans des festivals comme Cannes et la Mostra de Venise, et ensuite pour avoir été les seuls films à représenter le monde arabe cette année aux Oscars. Aucun d'eux n'a décroché de prix et le public de la région a rejoint le public mondial dans l'engouement pour l'Oscar du meilleur acteur accordé à l'Américain Leonardo DiCaprio, qui s'est vu nominer six fois pour la récompense avant de l'obtenir en 2016. Soit. Derrière la vitrine de la représentation du monde arabe, que nous disent ces films de l'intérieur, d'Arabe à Arabe et en ces moments critiques de l'histoire de la région. «Ave Maria» préfère en rire. Le scénario de ce court métrage de 14 minutes est basé sur l'anecdote et l'action atteint son point culminant avec la chute. Une famille de juifs israéliens est victime d'un accident de voiture tout près d'un monastère palestinien. Obligée de demander de l'aide auprès des «sœurs de la miséricorde», la famille va devoir mettre de côté son orgueil. Mais comment arriver à s'entendre quand les sœurs font serment de silence et que l'heure du shabbat a sonné ? Basil Khalil propose une intrigue ficelée, bien filmée, légère — le rythme rappelle au passage celui des films de Elia Souleiman — et réflexive, avec un point de vue bien clair. On ne peut pas dire de même de «Theeb», tout en lui reconnaissant ses qualités picturales indéniables. Déjà, le film attire l'attention sur ce qui se fait en matière de cinéma du côté de la Jordanie, qui se développe à grande vitesse. L'action se passe aux débuts du siècle dernier, durant la Première Guerre mondiale. Une famille de nomades envoie son fils cadet pour accompagner un soldat britannique et son guide dans le désert. Son jeune frère, Theeb (loup), très attaché à lui, le suit dans ce périple qui va être déterminant dans son passage à l'âge adulte. Epatant à l'écran, Jacir Eid Al-Hwietat, qui joue le rôle du petit garçon, est filmé de près par la caméra, qui relate aussi son regard sur ce qui l'entoure. L'étendue du désert aux magnifiques paysages, les codes de ses aînés et ceux de l'étranger sont l'objet de sa grande curiosité. Il les absorbe comme il s'abreuve à l'eau du puits. Sa soif pour apprendre et son intelligence font de lui un enfant précoce. Mais le désert, la seule terre qu'il n'ait jamais connue, devient hostile quand il s'y enfonce avec ses compagnons. Les temps sont durs et les conflits fusent, entre enfants de la même patrie — nomades, brigands, combattants ou traîtres — et Ottomans et Britanniques qui occupent cette étendue de sable. C'est là que pèche le réalisateur. Dans un tel contexte où il installe son histoire, son point de vue semble ambigu, et le fait de placer sa caméra loin du front, pour suivre l'évolution de Theeb, ne le sauve pas. Car la rencontre avec les parties du conflit est inévitable et elle se produit effectivement dans le film, mais pour dire quoi ? Et à quel prix ? Ce n'est pas pour l'Oscar en tout cas, qui est revenu au film hongrois «Le fils de Saul», dont l'action se passe durant la Seconde Guerre mondiale, à Auschwitz. «Theeb» reste par ailleurs un beau film et une belle histoire. Sa force réside dans son écriture où le réalisateur puise dans les paysages naturels, dans les traditions de vie de ses ancêtres, avec peu de dialogues, des plans superbes et un bon rythme. A vous de voir et de juger !