M. Philippe-Cyrille Breton, directeur de l'agence française de développement, fait un tour d'horizon de la coopération avec la Tunisie qui s'est traduite par le lancement de plusieurs grands projets en 2015. La coopération entre la Tunisie et l'agence française de développement ne cesse de se consolider dans le cadre de la réalisation de plusieurs projets d'envergure. M. Philippe-Cyrille Breton, directeur de l'AFD, fait le point sur quelques projets engagés Quels sont les engagements de l'AFD avec la Tunisie pour l'année 2015 ? Ce sont des engagements exceptionnels. L'AFD a pu proposer, en effet, aux autorités tunisiennes et aux opérateurs privés un financement de 260 millions d'euros, soit l'équivalent d'environ 600 millions de dinars tunisiens dont une part est supportée par l'AFD et une autre par Proparco qui finance le secteur privé. 2015 est une année satisfaisante en matière d'engagements avec la Tunisie qui a bénéficié d'un financement avec des conditions bonifiées. De grands projets ont été financés, dont 45 millions d'euros pour le financement d'un projet au Groupe chimique tunisien. C'est un cofinancement avec la banque européenne d'investissement pour réduire les émissions atmosphériques et le rejet des déchets. Un autre projet relatif à l'efficacité énergétique est cofinancé avec la BEI. La part de l'AFD est de 40 millions d'euros. Il s'agit de lignes de crédit destinées aux entreprises pour maîtriser l'énergie (Anme). L'Agence nationale de maîtrise de l'énergie et l'Agence nationale de protection de l'environnement sont impliquées dans ce projet. Avant d'obtenir le financement, le projet de l'entreprise doit être validé par l'Anme. Nous voulons cibler notamment les PME pour introduire l'efficacité énergétique après la réunion du Cop21 qui a eu lieu en France pour éviter l'émission de carbone. L'entreprise doit donc opter pour les énergies renouvelables... Elle peut opter pour les énergies renouvelables, mais aussi pour d'autres alternatives comme le cycle combiné, la turbine à gaz ou tout autre moyen pouvant réaliser l'efficacité énergétique. Les entreprises concernées doivent déterminer leur choix pour la maîtrise de l'énergie avant de présenter leur dossier à l'Anme pour le valider et bénéficier du financement de la part d'une banque partenaire dans ce projet. Un autre projet, qui entre dans le cadre de l'environnement, concerne l'Office national de l'assainissement (Onas) dans le cadre du projet DépolMed (Dépollution de la Méditerranée). Il s'agit d'un montant de 60 millions d'euros cofinancé avec la BEI sous forme de crédit. L'AFD intervient dans les pays émergents comme la Tunisie par l'octroi de prêts. On souhaite que l'investissement soit rentable dans des projets qui ont un rendement. Les prêts ne doivent pas servir, par exemple, pour le paiement des salaires. L'Onas a des revenus générés à travers la taxe sur l'assainissement. Le projet va permettre notamment d'accompagner l'Onas pour l'assainissement des zones côtières, la réhabilitation et l'extension de quatre stations d'épuration et d'environ 420 km de réseaux, 50 stations de pompage et 27.000 boîtes de branchement. Un projet concerne, par ailleurs, l'agriculture et vise à une meilleure gestion des ressources naturelles grâce à un prêt de 50 millions d'euros assorti d'une subvention de 1.5 million d'euros. Ce projet, qui est piloté par le ministère de l'Agriculture, des ressources hydrauliques et de la pêche, concerne, dans un premier temps, cinq gouvernorats, à savoir Bizerte, Kairouan, Le Kef, Sidi Bouzid et Siliana. Le but est d'assurer une gestion rationnelle et durable des ressources naturelles vulnérables. On privilégie l'approche participative pour définir les besoins des petits agriculteurs. Des subventions seront octroyées pour accompagner, former et acquérir des équipements au profit des bénéficiaires. Avec Enda, un montant de 10 millions d'euros sera accordé en tant que don pour le refinancement du portefeuille de la petite agriculture familiale dans le Nord-Ouest et le Centre-Ouest. L'accompagnement et la formation des bénéficiaires seront disponibles. Avec le ministère de l'Industrie, un financement de 3,2 millions d'euros sera destiné au renforcement des pôles de compétitivité (des clusters) par un accompagnement de la politique nationale relative à la diffusion des clusters. Malgré la situation économique difficile que vit la Tunisie au cours des dernières années, vous continuez à octroyer des crédits. Comment expliquer cela ? La Tunisie n'a jamais fait défaut de remboursement de ses crédits contrairement à d'autres pays. Le ministère tunisien des Finances et la Banque centrale de Tunisie sont sensibles à la question de l'endettement. Cependant, les crédits octroyés doivent être rentables. Ils se distinguent par leurs conditions avantageuses puisque la période de remboursement s'étale sur 15 ans avec un taux d'intérêt inférieur à 1%. La coopération avec la Tunisie relève d'une relation responsable. Quelle est la participation de l'AFD dans la réalisation du réseau ferroviaire rapide ? La participation à ce projet est de 50 millions d'euros avec une part de l'AFD dans le financement en plus de la banque allemande pour le développement et la reconstruction, KFW. Une partie du financement est supportée par le budget de l'Etat. La première phase du projet (D et E) concerne 18 km et sera suivie par la deuxième et la troisième phases. L'AFD est le chef de file de ces bailleurs de fonds. Ce projet va-t-il, selon vous, résoudre vraiment le problème des déplacements des Tunisiens appelés à laisser leur voiture de côté pour recourir au transport en commun ? Certainement. De plus, le gouvernement tunisien s'est engagé lors de la Cop21 de contribuer à la diminution des émissions de gaz carbonique de 7%. La capacité du RFR sera dans une première étape de 35.000 usagers avant de passer à la phase suivante à 100.000. Les rames seront climatisées et disposeront de leur site dédié. L'utilité du RFR ne se présente plus. Il permettra de substituer la voiture par le rail. Le retard de réalisation aura un surcoût surtout pour la collectivité. En plus des événements qui ont eu lieu suite à la révolution, le projet fait face à des problèmes fonciers. Des constructions anarchiques sont implantées dans le tracé. Propos recueillis par