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Journée internationale des droits des femmes | Les femmes rurales du Maghreb au centre d'une série de conférences à Lyon : Le parcours des combattantes
Par notre envoyée spéciale à Lyon Olfa Belahassine L'initiative organisée les 1, 2 et 3 mars en marge de la journée internationale des droits des femmes «Lyon célèbre le potentiel infini des femmes» est venue de trois associations basées à Lyon, unies par leur intérêt pour les pays du Maghreb. Les conférencières invitées à cette manifestation — trois journalistes — ont évoqué la détresse, mais aussi la richesse des savoir-faire des femmes rurales du Maghreb La plus connue des trois associations à l'origine de l'événement: «Lyon célèbre le potentiel infini des femmes» est probablement l'association Coup de Soleil en Auvergne Rhône-Alpes, créée dans cette ville du Rhône et de la Saône en 1996, deux ans après son aînée parisienne, fameuse pour son organisation du salon Maghreb des Livres. Coup de Soleil, présidée par Esma Gaudin Azzouz, lutte contre le racisme et la xénophobie qui touchent les Maghrébins. Elle s'est alliée avec l'association Femmes contre les intégrismes (FCI) et l'association féministe Medfeminiswiya, qui gère un site d'information éponyme pour inviter trois journalistes venues du Maroc, d'Algérie et de Tunisie afin d'évoquer les dures conditions de travail des ouvrières agricoles et les discriminations auxquelles elles font face. Mais également leurs rêves, leurs petites joies et l'infini potentiel manuel, artisanal et de transformation des produits agricoles qu'elles détiennent. Inégalités et discrimination Les trois journalistes invitées — Mahacine Mokdad du Maroc, Ghania Khelifi d'Algérie et Olfa Belhassine de Tunisie, l'auteure de ces lignes — ont décrit des situations d'une grande proximité. Si l'Algérie, avec sa manne pétrolière, n'est revenue qu'assez récemment à l'agriculture, comme l'a démontré la journaliste politique et rédactrice en chef du site Babel Med, Ghania Khelifi, les mêmes inégalités émaillent le quotidien des femmes rurales du Maroc et de Tunisie, notamment lorsqu'il s'agit de la pénibilité des tâches confiées aux femmes, des heures de travail passées dans les champs, des conditions de transport et de la discrimination salariale. Journaliste et vidéaste, Mahacine Mokdad a fait ses armes de grand reporter au sein du magazine d'information de TV2M «Grand Angle», avant de poursuivre sa carrière comme productrice indépendante pour les médias internationaux. Mahacine Mokdad a projeté un portrait-vidéo de la fondatrice de la caravane Ytto, Najat Ikhich, qui œuvre contre le mariage des mineures et pour leur scolarisation en milieu rural. Avec un focus sur les actions de la caravane permettant d'aborder l'ampleur du phénomène ainsi que la déperdition scolaire touchant en particulier les filles dans le sud du pays. «Dès qu'une fillette, dans les campagnes, commence à prendre des formes, à 8, 9 ou 10 ans, on la retire de l'école. Le combat de Najat Ikhich se confond avec son histoire personnelle. Elle qui a dû fuir un mariage précoce à l'âge de 15 ans, décidant de poursuivre ses études contre la volonté de membres de sa famille», souligne la reporter et vidéaste marocaine, qui suit la militante associative depuis 2017 sur les chemins de la ruralité. C'est sur ce terrain-là qu'elle découvre le harcèlement sexuel des femmes sur les champs, leur application dans leurs tâches et leur détermination à arracher des moyens aussi minimes soient-ils pour faire vivre leurs enfants. Elles assurent la sécurité alimentaire des Tunisiens Tout comme en Tunisie, les femmes dominent de par leur présence, le paysage des campagnes laborieuses. Si l'agriculture recrute près de 60% de femmes dans le royaume chérifien, en Tunisie ce secteur recrute plus de 70 % de sa main-d'œuvre parmi la gente féminine, en particulier dans les régions de Jendouba, de Sidi Bouzid et de Kasserine. Dans ce plus petit pays du Maghreb, où 30 % de la population vit dans le monde rural, bien que les femmes soient majoritaires sur les champs, leur travail reste confiné dans le domaine de l'informel et de l'invisible. C'est ce que démontre le travail de terrain de l'auteure de ces lignes à travers un reportage sur les ouvrières agricoles de Regueb. Leurs activités, qui garantissent la sécurité alimentaire des Tunisiens, à un moment où les hommes désertent ce secteur pour des emplois moins précaires, sont sous-payées, non assurées, saisonnières et confrontées à tous les dangers, dont ceux d'un transport privé, cahoteux à haut risque. Ces cinq dernières années, et selon les chiffres de le Ftdes, 47 décès ont été enregistrés sur les pistes de la morts et 667 blessés ont été victimes d'un transport de fortune, qu'une nouvelle loi adoptée en 2019, à la suite de l'accident de Sabbalat dans le gouvernorat de Sidi Bouzid n'a pas réussi à sécuriser. Interdites de propriété selon une tradition qui veut que seuls les hommes possèdent la terre, elles se trouvent souvent dans des situations d'extrême pauvreté. Ce qui les oblige à assumer une lourde charge de travail dépassant largement celle des hommes : nourrissage et entretien du bétail, binage et sarclage des mauvaises herbes, corvée de l'eau, collecte du bois de chauffe, transformation et stockage des aliments en vue d'une consommation domestique, tissage...Jamais de repos pour les femmes rurales de Tunisie ! Un parcours semé d'embûches «Posséder la terre est un bonheur, la garder est un combat», dit la journaliste GhaniaKhelifi. Elle démontre : «Elles représentent près d'un quart des sept millions d'Algériens vivant sur une exploitation. Les statistiques officielles, qui ne prennent pas en compte l'activité informelle des femmes travaillant sur les petites parcelles familiales sans rémunération, évaluent leur présence à 18% sur un million et demi de la population active agricole nationale», écrit dans un de ses articles Ghania Khelifi. A travers le portrait d'Atika Terriel Saadi, 44 ans, agricultrice, c'est le parcours du combattant des femmes voulant percer dans ce secteur qui est esquissé par la journaliste. Bureaucratie, convoitise des hommes et autres blocages en tous genres sont le lot quotidien de cette nouvelle race d'entrepreures ivres «de reconquête dans le sang de cette terre spoliée par la colonisation française». Si partout des associations féministes tentent de valoriser le potentiel infini des femmes rurales, une militante mauritanienne est reconnue dans son pays pour son dynamisme dans ce domaine. Elle s'appelle Aida Bilal et a été jointe par zoom les 2 et 3 mars pour qu'elle puisse raconter au public lyonnais sa «Caravane du bien» visant à insérer les femmes des régions reculées dans la vie active. Elle dirige aujourd'hui entre autres un atelier de couture et un projet agricole financé par l'ambassade de France via le Sommet des Deux rives.