Nécessité d'une restructuration institutionnelle et financière du secteur Des indicateurs positifs sont enregistrés pour l'actuelle saison touristique, en dépit d'une nette baisse des réservations précoces (early booking), a affirmé hier la ministre du Tourisme, Selma Elloumi. Toutefois, l'espoir est de mise pour ce qui est des réservations de dernière minute (late booking), a-t-elle dit, en marge d'une visite de travail effectués à Nabeul dans le cadre du suivi des préparatifs pour la nouvelle saison touristique. Elle a ajouté que des groupes de touristes sont attendus en provenance non seulement de Russie mais également de plusieurs autres pays, dont l'Algérie. «La Tunisie demeure une destination appréciée et les grands tour-opérateurs ont beaucoup perdu quand ils ne l'ont pas intégrée dans leur booking et ont annulé les réservations sur cette destination». La garantie de la sécurité Ces tour-opérateurs souhaitent revenir mais l'intégration de la destination tunisienne demeure tributaire de la garantie de la sécurité, a-t-elle dit, précisant qu'aucun changement n'a été enregistré dans les positions des pays qui interdisent la destination tunisienne. La ministre a souligné que les grands tour-opérateurs, à l'instar de Thomas Cook, sont incapables d'assurer leurs voyageurs, indiquant que des négociations sont en cours avec l'Union européenne pour qu'elle finance en partie les opérations d'assurance des touristes visitant la Tunisie. D'après elle, la réussite de la saison touristique nécessite la conjugaison des efforts de tous les intervenants, notamment les autorités locales et régionales, et la garantie de la sécurité et de la propreté. D'autre part, le tourisme tunisien, dont la crise perdure depuis plusieurs années, a besoin d'une restructuration institutionnelle et financière de ses opérateurs, la libéralisation, la modernisation du transport et le développement du e-tourisme. C'est ce qui ressort d'un débat tenu hier sur le thème « e-tourisme: une solution à la relance du secteur » D'après les données statistiques présentées lors de ce débat organisé par le Centre des jeunes dirigeants d'entreprise (Utica), le nombre de nuitées a baissé de 35%, le taux d'occupation des unités hôtelières a chuté de 45% et près de 234 hôtels ont été fermés en raison des actes terroristes perpétrés en Tunisie en 2015. En termes d'emplois, le tourisme tunisien a perdu 47 mille postes sur 100 mille emplois directs. Par rapport à la même période de l'année 2010, le premier trimestre de 2016 a été marqué par la décélération du rythme de croissance à 50%. Solutions urgentes La contribution du secteur au PIB a baissé de 6 à 4%, alors que dans certaines régions, la participation du tourisme aux activités économiques dépasse les 55%. La crise du secteur demande des solutions urgentes et pratiques, a fait valoir Slim Tlatli, ancien ministre du Tourisme sous Ben Ali, affirmant que l'offre du marché touristique a été multipliée par 3 alors que la demande a seulement doublé en raison du changement du modèle de consommation (week-ends raccourcis au lieu de week-ends prolongés, réservations à la dernière minute, développement du tourisme de proximité au détriment du tourisme lointain et changement des modes de distribution avec 78% des achats qui se font via Internet ). Le tourisme tunisien souffre, selon Tlatli, d'un faible niveau de financement et d'une structuration institutionnelle figée (l'Ontt par exemple). A ce titre, il encourt « un risque mortel de sortir du marché » à l'instar du secteur du phosphate, a-t-il dit, recommandant le rattachement du transport aérien au ministère du Tourisme, l'assainissement des dettes des hôtels et l'engagement d'une restructuration de la profession. Une crise qui ne date pas d'aujourd'hui Pour Ahmed Smaoui, également ancien secrétaire d'Etat chargé du Tourisme sous Ben Ali, la crise touristique ne date pas d'aujourd'hui. Elle remonte à l'année 2000, quand des études ont été menées pour relancer le secteur, mais sans résultats. Il a imputé la persistance de cette crise au manque de courage politique, estimant que la solution nécessite l'adoption «d'une vision claire et partagée », axée sur la relance de l'investissement pour la mise à niveau du produit balnéaire qui constitue presque 80% de l'activité touristique en Tunisie, la restructuration financières des unités hôtelières, la création de centres de congrès et la modernisation du réseau des ports de plaisance. Développer le site web e-tourisme Il est également primordial de trouver d'autres formules d'hébergement de touristes car, selon lui, « l'hôtellerie ne serait plus compatible avec la destination Tunisie ». Smaoui a ajouté qu'il faut redonner au tourisme tunisien sa dimension méditerranéenne réelle, libérer les tarifs du transport aérien et faire de l'aéroport Tunis-Carthage un hub international. S'agissant des solutions technologiques proposées, les participants au débat ont appelé les professionnels à développer le site web e-tourisme avec une gestion autonome des contenus, des modules de paiement sécurisé (Visa, Master Card, CIB), des explications détaillées des offres, des tarifs, des suppléments et de tous les composants du package, service de vente disponible en temps réel et en plusieurs langues... Ils ont insisté sur l'importance d'une mise à jour des produits d'une manière dynamique, le suivi des statistiques des navigateurs (nombre de visiteurs, nationalités, nombre de clics, des moteurs de recherche utilisés...) et le suivi instantané et permanent des réservations selon un tableau de bord et notification e- mail. En matière de e-tourisme, la Tunisie est appelée à porter le volume des affaires généré par le digital à au moins 5%. Le e-tourisme génère aux Etats-Unis près de 168 milliards de dollars et plus de 18,7 milliards d'euros en France.