Malgré un potentiel fort intéressant, notamment dans les sports individuels, ce sport régresse de plus en plus par rapport au passé. Les résultats sont grandioses au vu de l'entretien marginal, le peu de moyens, l'effondrement des clubs spécialisés, la rupture précoce et le mauvais encadrement Le statut de la femme tunisienne et l'émancipation dont elle jouit depuis longtemps, la réussite flagrante des femmes tunisiennes dans tous les domaines de la société où elle évolue, son apport de plus en plus concret dans le domaine politique, scientifique et social sont tous des faits qui ne vont pas de pair avec le sport. On ne parle pas uniquement de la performance et des réussites sportives, qui demeurent respectables par rapport au vécu morose, mais aussi de l'apport, de la réalité de ce domaine comparé aux autres domaines où la femme s'est imposée. C'est une constatation qui pousse à se poser énormément de questions. Pourquoi ce sport féminin souffre-t-il en silence et ne parvient-il pas à faire autant que le sport masculin? Comment peut-on expliquer cette souffrance qui dure malgré quelques éclairs dans la grisaille? Quid de la base des licenciées et pourquoi dans certains sports, la transition vers les seniors est-elle des plus pénibles? La femme tunisienne n'est-elle plus intéressée (concernée) par le sport? Une chose est sûre, le sport féminin souffre et fait face à une dure réalité où les moyens, l'encadrement et l'infrastructure sont de plus en plus médiocres et ne permettent pas le développement et l'éclat attendus. C'est une question aussi qui n'a pas de lien direct avec le sport, cela concerne également l'angle sociologique. Arrivée à un certain âge, la femme a d'autres centres d'intérêt qui l'obligent à arrêter le sport (mariage, travail, études universitaires...). Eclairs dans la grisaille... Les performances de Habiba Ghribi, des sœurs Besbès, de Nihel Chikhrouhou, de la sélection de handball, de Ons Jabeur, entre autres, sont-elles le fruit d'un travail minutieux ou d'une stratégie claire et nette destinée au sport féminin? Non, tout simplement, c'est le fruit d'un talent fou, du travail de quelques fédérations, de quelques entraîneurs et de la prise en charge des athlètes elles-mêmes de leurs carrières. Ce n'est pas parce que Habiba Ghribi et d'autres sportives ont gagné des titres sur le plan mondial que le sport féminin va bien et qu'il est valorisé. Ce qu'endurent les féminines dans les sports collectifs et individuels est incroyable: des clubs spécialisés qui disparaissent de plus en plus ou qui ne sont plus aussi performants qu'auparavant (la Zitouna, Al Hilal, l'ASF...), qui n'arrivent pas pour les sports collectifs à trouver les finances pour motiver les joueuses et les entraîneurs, et pour offrir des temps d'entraînement souples et des salles dignes où on peut pratiquer un sport donné. Du côté des sports individuels, le constat est encore plus morose. Malgré le nombre considérable de filles qui choisissent les sports de combat et autres disciplines individuelles, l'infrastructure disponible et surtout la qualité de l'encadrement technique et administratif n'aident pas du tout. Ce qui se produit comme performances ne veut pas dire que le sport féminin va bien et qu'il jouit d'un intérêt national et gouvernemental. Au contraire, le sport féminin souffre et se trouve au cœur d'un processus de marginalisation. C'est une question aussi de type de dirigeants. Avant, on avait une race douée de dirigeants hommes et surtout femmes. Bénévoles, ils consacraient leur vie pour encadrer ces jeunes filles et jouaient un rôle d'éducateurs. Aujourd'hui, et malheureusement, dans plusieurs clubs féminins, toutes disciplines confondues, des pseudo-dirigeants font la loi et se comportent dans des attitudes indignes d'un dirigeant-éducateur avec des écarts disciplinaires et une image de plus en plus spoliée. Au niveau gouvernemental, la politique du ministère des Sports reste floue à l'égard du sport féminin. Des projets de réforme, de relance sont conçus depuis des années, sans qu'il y ait un suivi et une concrétisation de ces projets qui n'ont rien donné. La façon dont ces projets sont préparés et l'exclusion de plusieurs parties qui en savent tant sur les problèmes et les solutions envisageables expliquent pourquoi ces plans n'arrivent pas à faire bouger les choses. Et demain ? La rupture précoce, l'arrêt de la pratique à l'approche des seniors sont les dangers qui frappent sérieusement le sport féminin en Tunisie. Faute de motivations (financière et sportive), d'encadrement et de plan de carrière, les sportives se trouvent contraintes d'arrêter tôt pour se consacrer à leurs études, ou plus tard pour poursuivre des études universitaires au moment où elles abordent les seniors, ou tout simplement se tournent vers d'autres centres d'intérêt ou destinations, tels que la vie professionnelle, le mariage (un facteur important qui explique la rupture), la reconversion prématurée en entraîneurs, etc. On a des clubs bastions qui sont en train de disparaître doucement, des traditions qui se perdent, des régions mêmes qui perdent ce filon. Pour un parent qui a une fille et un garçon, il sait bien que la réalité et l'avenir seraient beaucoup plus faciles et prometteurs pour son garçon que pour sa fille. Si on rentre dans la sphère sociale et la manière dont les Tunisiens raisonnent à propos de ce sujet, on trouvera d'autres problématiques. A ce jour, des parents ont peur pour leurs filles quand elles adhèrent à un club. Et ils ont raison. Parfois, la mauvaise qualité d'encadrement et les agissements de quelques dirigeants dissuadent des parents d'envoyer leurs filles aux clubs. A ce jour, certains Tunisiens voient dans le sport féminin une dégradation sociale. C'est le cumul et le prolongement d'une ancienne mentalité qui a encore des racines, qui trouve que la femme sportive est une femme à laquelle on manque de respect. Cela existe toujours, et on ne fait rien, en pratique, pour effacer cette mauvaise et ridicule idée.