Par Amel ZAIBI La nouvelle est tombée comme un couperet. L'affaire des stents périmés implantés à des patients dans plus d'une clinique privée de la capitale a débouché sur une aberration : le ministère de la Santé a décidé de prendre en charge les victimes avec la collaboration du ministère des Affaires sociales et la Caisse nationale d'assurance maladie. Dans un communiqué publié mardi dernier, le ministère de la Santé annonce qu'il va convoquer les patients sur lesquels ont été implantés les stents périmés afin de leur fournir l'assistance médicale nécessaire. Ainsi, au lieu de demander des comptes aux cliniques privées qui ont utilisé les stents périmés, les autorités sanitaires choisissent de faire payer aux contribuables — à travers la Cnam — la lourde facture, financière et morale. L'aberrant dans cette affaire n'est pas, bien sûr, le fait que les patients, qui ont été dupés et qui ont payé au prix fort une intervention chirurgicale délicate, soient pris en charge médicalement, voire psychologiquement, mais le fait de faire payer le contribuable une erreur médicale, au plus bas mot — la justice en décidera —, les dizaines de milliers de dinars que les cliniques ont empochés et mis dans leurs caisses. Car c'est ce qui va se passer quand la Cnam (service public), déficitaire et endettée jusqu'au cou, est mise à contribution pour réparer financièrement des dégâts, de surcroît, commis par des entreprises privées. Les autorités sanitaires ont ouvert une enquête pour délimiter les responsabilités et comprendre les tenants et les aboutissants de cette affaire, il aurait donc fallu attendre les résultats des investigations et le verdict judiciaire, puis prendre les mesures qui s'imposent contre les responsables, avant de décider de pénaliser le service public et partant le contribuable, harassé par d'interminables restrictions de son pouvoir d'achat et embarqué dans une opération d'indemnisation dont il n'est ni responsable ni coupable. Il a suffi aux patrons des cliniques incriminées, aux médecins qui ont placé les stents et les pharmaciens qui les ont vendus de protester et de crier leur innocence et leur non-responsabilité respective pour que le viseur de l'accusation se détourne d'eux et se focalise sur le citoyen lambda, le salarié précisément. Celui-là même qui, de tout temps, a des difficultés pour être remboursé par la Cnam, la Caisse nationale d'assurance-maladie, sur la paille depuis des années. On n'ose pas croire que les autorités sanitaires font preuve de fébrilité dans cette affaire, en évitant de demander des comptes, comme il se doit, aux barons de la médecine privée, qui joue, certes, un rôle économique important. Mais à trop céder du terrain, il y a risque de perdre toute autorité. Car cette décision n'est ni de l'indulgence, ni de la générosité ni de la responsabilité. C'est de la faiblesse et de la peur d'affronter des professions réunies en corporations compactes et solidaires. Du gâchis en perspective.