Même les épices n'ont pas échappé à la spéculation
Les épices, ingrédients de la bonne nourriture, ont, elles aussi, suscité l'appât des contrebandiers, avides d'argent. L'heure d'une grande mise en garde est survenue. Un coup de filet de la Douane tunisienne a permis, tout récemment, de mettre la main sur d'importantes quantités d'épices non propres à la consommation et encore moins conformes aux standards de production. La saisie relative aux épices de contrebande a fait les choux gras de la presse qui a relayé l'information à l'opinion publique: «Les unités de la garde nationale de Nabeul ont réussi à saisir 600 tonnes d'épices préparées avec des substances chimiques interdites et impropres à la consommation. Cette opération a été déclenchée suite à l'interception d'un camion transportant 5 tonnes de piments périmés par les unités de sécurité de Korba et les services de renseignement de Nabeul (Cap Bon)». Un réseau mafieux peu scrupuleux, cupide et plus porté à s'enrichir de façon illicite, sur le dos des pauvres, n'a pas hésité à écouler des épices frelatées. Faut-il revenir aux méthodes traditionnelles de consommation, en se ravitaillant directement auprès d'artisans et fabricants d'épices, respectueux de la santé et de l'hygiène de vie des Tunisiens comme à Boussalem (Jendouba) ou d'autres villes phares à l'instar de Sousse? Boussalem est une ville du nord-ouest connue pour sa grande variété d'épices et ses méthodes rigoureuses qui ne mettent pas en danger la vie d'autrui, dans leurs préparations culinaires. Du "home made" à l'état pur et brut. Epices faites maison Après le mélange des huiles dont celui plus récent de l'huile d'olive dont des compositions appelées "trio" avec 10% ou duo à 50% d'huile d'olive, voici que des épices se sont mêlées à des produits chimiques et d'autres colorants, ayant fortement dopé le marché local. Malgré tout, certaines femmes au foyer et mères de famille continuent de préparer elles-mêmes la plupart des épices en toute fiabilité, gardant les secrets de leurs recettes. Poivre, cumin, thym, curcumine sont majoritairement préparés à partir de graines entières qu'elles achètent directement au marché, avant de préparer, de leur propre gré, leurs épices préférées. Mais en attendant, on apprend que la corète appelée en dialecte tunisien mloukhiya est parfois mélangée avec du henné, alors que ce dernier n'est pas destiné à l'alimentation, mais plus pour la beauté physique et corporelle. On marche sur la tête, décidément. Il y a de quoi rebuter plus d'un à acheter de la corète sans se soucier de sa forme, son aspect et sa composition. Ainsi le carvi, la curcumine nécessitent une précaution à l'achat auprès de bons fournisseurs. On a notamment approché Lotfi Riahi, président de l'Organisation tunisienne pour informer le consommateur, pour que les consommateurs tirent les marrons du feu à ce sujet et distinguent le bon grain de l'ivraie. Parce qu'une odeur de roussi s'abat sur les épices tunisiennes par la faute de contrebandiers et de marchands fraudeurs. L. Riahi prévient les consommateurs et les met en garde, afin de ne pas s'approvisionner auprès des marchés, des souks et des vendeurs ambulants qui exposent pêle-mêle des épices de toutes sortes et couleurs, sans qu'on sache d'où elles proviennent et ce qu'elles contiennent. On apprend aussi que les épices d'origine de Kelibia (Cap Bon) sont les mieux travaillées, avec un respect strict de tout un processus de fabrication requis, du séchage, du tri et du dénoyautage ou plus encore. Il s'insurge contre la manière d'exporter d'autres aliments comme l'huile d'olive. Autrement dit, il estime, à juste titre, que l'huile d'olive ne doit pas être exportée en vrac, mais plutôt embouteillée ou empaquetée pour tirer davantage de profits et bénéfices. Au sujet des épices, il fait confiance au bon sens du Tunisien qui sait se procurer les épices, chez des personnes vertueuses qui habitent son proche voisinage ou son quartier et d'être vigilant et averti du moindre hic. Les astuces de cuisine Héla, la quarantaine, raconte ses astuces de cuisine au quotidien pour parfumer et donner du goût à ses plats. « Pour les lasagnes dont raffolent mes enfants, j'achète des feuilles de laurier sur les routes qui mènent aux campagnes et de la noix de muscade, sans jamais rencontrer de mauvaises surprises ». Les pistes et les bonnes adresses sont parfaitement connues des amateurs de cuisine ou des restaurateurs. Donc, c'est la consommation de masse qui est source de tracas. Le Tunisien doit-il continuer à se nourrir à l'extérieur de chez lui avec toutes les saisies d'épices impropres à la consommation et d'autres aliments ? D'autres femmes racontent comment elles distinguent la mauvaise qualité des épices. « Lors de la cuisson, lorsque j'ajoute du paprika (piment) dans la marmite, après un moment, des boules et grains colorés de rouge et jaune montent en ébullition me donnant l'envie de jeter illico presto tout le contenu », affirme une jeune femme, à Tunis. Le fort dosage en colorants pourtant prohibés n'est pas étranger à cet état de fait. Emna, habitant Menzah VI, raconte sa recette: «J'achète régulièrement la plupart de mes épices à la bonne adresse, auprès d'une épicerie fine au quartier limitrophe d'El Menzah V. J'ai rarement été déçue par l'origine et la qualité de leurs épices. Je recommande à tout le monde de faire de même». Pourquoi ne pas réfléchir à mettre en place un label sur les épices tunisiennes qui leur donneraient plus d'attrait, de fiabilité et plus de traçabilité pour le consommateur ? M. Riahi avoue tout l'intérêt d'une telle opération séduction sur les épices locales.