On a rarement vu la sélection suffisamment inspirée et avec un véritable fond de jeu. Jusqu'à nouvel ordre, elle est toujours privée de l'équilibre et de la justesse du jeu souhaités, de la solidité nécessaire, de la force mentale indispensable dans ce genre de match... Il est souvent difficile d'imaginer ce qui peut se passer dans une rencontre de football, de surcroît disputée pour le compte des éliminatoires de la Coupe du monde. Mais il y en a de ces matches où le résultat devient plus important que la manière. Qu'on le veuille ou non, marquer des buts et gagner compense les insuffisances qu'une équipe de football peut laisser entrevoir. La sélection tunisienne devait entamer les éliminatoires de la Coupe du monde sur une bonne note. Evoluer à domicile et réussir son entrée dans le vif du sujet n'ont qu'une seule signification: la victoire et les trois points précieux qui en découlent. L'équipe de Tunisie n'avait pas suffisamment assuré la manière contre la Guinée, mais elle s'est acquittée du résultat. Et ce n'est pas peu. Elle avait besoin de gagner à Monastir et si elle tient à rester sur la même lancée et en haut de l'affiche, elle aura davantage besoin de gagner à domicile. Mais aussi de se débarrasser des défaillances qui ne cessent de lui coller aux basques et de conditionner même sa manière de jouer. Le progrès réside dans le résultat et la manière. On ne juge pas une équipe sur un seul critère. Encore moins sous un angle bien déterminé. Les réformes techniques, la révolution des esprits n'ont pas de raison d'être si elles ne sont pas accompagnées et confortées par les résultats. Il y a bien des entraîneurs qui ne se soucient pas de la manière de jouer de leur équipe, mais qui réussissent à laisser leur marque uniquement grâce aux résultats. Le football de la sélection ne devrait pas pour ainsi dire s'arrêter au match contre la Guinée et à la victoire qui a fait oublier en quelque sorte les insuffisances. Mais en dépit de toutes les considérations, les satisfactions comme les déceptions, la dernière sortie de l'équipe nationale peut la mener plus loin qu'on ne l'aurait peut être jamais imaginé... Même s'il y a encore beaucoup à faire, des défaillances à soigner, des rectifications à apporter, il y a inéluctablement des certitudes qui subsistent, des certitudes de toujours, qui impriment un style, et même une personnalité. C'est pourquoi nous pensons qu'au-delà de la victoire et de son impact pour la suite de la compétition, l'urgence de la sélection réside encore et toujours dans la nécessité de miser sur les joueurs capables de trouver la bonne alchimie, notamment face aux exigences de haut niveau. Kasperczak tarde encore à faire le bon choix des joueurs, essentiellement ceux qui sont susceptibles de répondre aux aspirations, d'apporter le plus escompté et de forcer la décision. Les choix tactiques, mais aussi les appréhensions déplacées, ont quelque part déstabilisé le dispositif auquel l'équipe était habituée. Forcément, on ne joue pas de cette manière en sélection, et encore moins dans une épreuve de la Coupe du monde. Il est désolant que la sélection retombe encore dans ses travers au niveau de la créativité et de l'imagination. Au-delà du système de jeu, des schémas tactiques préconisés par le sélectionneur, de ses choix, de sa tendance à chambarder, sans transition et d'un seul coup, l'ossature de l'équipe, de l'effectif mis en place, des associations improvisées à l'occasion, les joueurs de l'équipe nationale respirent difficilement le même jeu, la même ligne de conduite. Leurs principes collectifs sont difficilement identifiables. Entre attrait et répulsion Qu'on se le dise: l'équipe nationale ne saurait entreprendre sa reconstruction tant que les plaies du passé sont encore ouvertes. Tant que le profil de certains joueurs ne répond pas toujours aux besoins de la sélection, ou encore à sa vocation. D'un sélectionneur à l'autre, d'une épreuve à l'autre, d'une histoire à l'autre, l'équipe de Tunisie était souvent appelée à se construire un rôle, des fois un destin que personne ne lui avait pourtant promis. Mais des fois, aussi, et pire que les défaites, la déroute et la perte des valeurs signifiaient l'échec des adaptations, et d'une certaine idée de la compétition et de la vérité du terrain. Avant-hier, le résultat était pour le sélectionneur, et certainement aussi pour les joueurs, plus important que la manière. La manière, on ne s'en souciait pas trop. Il fallait gagner et débloquer le tableau d'affichage. Mais il fallait aussi mettre l'adversaire sous pression et se créer des occasions de buts. Ce qui n'était pas tellement évident. On a des fois vu des joueurs se battre pour chaque centimètre de terrain. Mais on a rarement vu une équipe suffisamment inspirée et avec un véritable fond de jeu. Jusqu'à nouvel ordre, la sélection est toujours privée de l'équilibre et de la justesse du jeu souhaités, de la solidité nécessaire, de la force mentale indispensable dans ce genre de match, de l'impact physique désiré dans certains, et surtout de la continuité dans le registre de jeu le mieux approprié. En revanche, on a pu réaliser qu'une victoire se construit aussi en défense. On insiste souvent, parfois trop, sur les formules d'attaque et les options offensives, mais l'art de défendre fait également partie du métier de footballeur. Il y a une chose qui importe plus que les options tactiques, plus que les choix des joueurs et leur utilisation, plus que ce qu'on peut imaginer sur le terrain: ce sont les spectateurs, le public et les supporters de la sélection. Ceux-là mêmes qui sont capables de sortir tout le monde de l'ornière...