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A propos d'une « première » chirurgicale
Publié dans La Presse de Tunisie le 11 - 10 - 2016

Suite à la parution de l'article en date du 29.09.2016 sur l' « opération de remplacement œsophagien chez un enfant de 3 ans », nous avons reçu du docteur Ali Jebira, spécialiste en chirurgie digestive, la mise au point suivante
Suite a la lecture de votre article anonyme paru sur le journal La Presse du jeudi 29.09.2016 «Opération de remplacement œsophagien chez un enfant de 3 ans», présentée comme une première du genre en Tunisie, je me sens le devoir, en tant que spécialiste dans le domaine, de rétablir la vérité sur l'histoire de l'œsophagoplastie (remplacement œsophagien) dans notre pays.
La 1ère œsophagoplastie chez l'enfant a été pratiquée avec succès sur un enfant âgé de 3 ans présentant une sténose caustique de l'œsophage le 21 janvier 1985 (il y a 31 ans de cela) dans le service de feu le Pr Mohamed Fourati, à l'hôpital Habib Thameur, par une équipe chirurgicale tunisienne que j'ai eu l'insigne honneur de diriger. Le patient a eu des suites opératoires favorables, a quitté le service un mois après son opération, s'alimentant normalement par la bouche avec une prise de poids de 6 kg.
Nous avons pu réaliser cette prouesse technique dans des conditions hospitalières difficiles grâce à une longue formation dans plusieurs centres spécialisés étrangers, l'abnégation d'une équipe chirurgicale tunisienne dévouée, la très précieuse collaboration de Feu le Pr Béchir Ben Naceur, alors chef de service de pédiatrie à l'hôpital d'enfants Bab Saâdoun, et surtout le soutien indéfectible de notre maître feu le Pr Mohamed Fourati.
Au cours de la même année 1985, nous avons réalisé 8 œsophagoplasties rapportées dans la thèse soutenue en 1986 par le Dr Adel Daoues « œsophagites caustiques-considérations thérapeutiques ». Un véritable pôle de chirurgie œsophagienne est alors créé à l'HH Thameur, suivi de la création de deux autres pôles l'un à l'hôpital Charles Nicolle par Feu le Pr Abdeljelil Zaouche, le second par le Pr Ridha Belhadj Hamida, à Sousse. L'émulation entre ces 3 pôles se manifesta dans la rédaction en 1989 d'un rapport de la Société tunisienne de chirurgie sous la direction de feu le Pr Ezzeddine Ennabli. Ce rapport sert jusqu'à ce jour de référence dans la prise en charge des œsophagites caustiques en Tunisie.
Une intense activité scientifique dans ce domaine a été mise en place depuis, comptant des dizaines de conférences, communications dans les congrès nationaux et internationaux, de nombreuses publications touchant à tous les aspects de cette pathologie. Cette activité scientifique s'est accompagnée de l'introduction de techniques chirurgicales telle que l'œsophagectomie sans thoracotomie en 1986, des techniques d'endoscopie interventionnelle (dilatations œsophagiennes, endoprothèses œsophagiennes, etc.) grâce à la collaboration des confrères gastro-entérologues.
Ce travail collégial, multidisciplinaire a permis de mettre en place, depuis la fin des années 80, une véritable école tunisienne de chirurgie œsophagienne qui rayonne, aujourd'hui, à l'échelle continentale avec une expérience regroupant 162 cas d'œsophagoplasties dont 94 chez l'enfant avec une mortalité nulle sur les 100 derniers cas et une reprise d'une alimentation orale normale dans près de 90% des cas, résultats parfaitement superposables à ceux des meilleures équipes mondiales.
Aussi, et avec tout le respect que nous devons à nos confrères étrangers, j'affirme que nous n'avons besoin d'aucune assistance étrangère pour assurer la formation médicale continue dans le domaine de la chirurgie œsophagienne et que l'on gagnerait à faire profiter les étudiants en médecine et les chirurgiens en formation de l'énorme expérience des compétences tunisiennes qui ne manqueront pas de répondre à l'appel du devoir pour contribuer à cette mission et permettre à des dizaines d'enfants de retrouver le bonheur de se réalimenter par la bouche.
Espérons que les responsables de ce regrettable épisode de notre médecine sauront, à l' avenir, bien se documenter avant d'annoncer des premières qui n'en sont pas, rendre hommage à leurs maîtres pionniers dans ce domaine et, surtout, dispenser aux futures compétences du pays dont ils ont la charge un enseignement fait de rigueur scientifique et humilité.
Docteur Ali JEBIRA
Spécialiste en chirurgie digestive


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