A l'occasion de la célébration du 50e anniversaire des JCC, le Cnci (Centre national du cinéma et de l'image) a produit huit courts métrages sous l'intitulé «Raconte-moi tes JCC». Huit cinéastes, pour la plupart des jeunes ont, chacun, apporté sa propre vision des JCC, entre des fables imaginées et des faits réels, aventures, cogitation et réflexion. Le public, qui s'est rué vers la salle le Colisée, a apprécié dans l'ensemble, visiblement satisfait du résultat. Mais focalisons-nous sur ces «petits» films qui racontent carrément ou en filigrane l'une des plus importantes manifestations cinématographiques du continent africain et du monde arabe. «35 mn» de Mehdi Barsaoui met en scène un couple en route pour l'ouverture des JCC, la femme hystérique, en diable (Sondoss Belhassen) tance son époux (Noômane Hamda) qui traîne et ne trouve aucun inconvénient à déposer sur leur route, une voisine, une vieille femme (Mouna Noureddine) à laquelle il ne fallait pas se fier tant elle cache son jeu. L'idée, intéressante, est traitée dans une sorte de huis clos qui se passe dans une voiture. Le réalisateur a choisi le parti pris de filmer les personnages de dos, regardant droit devant eux, comme s'ils étaient dans une salle de cinéma. Et Mehdi Barsaoui insiste, car à chaque fois que la femme pressée, et au bord de la crise de nerfs, tente de se retourner, la vieille femme la somme de regarder devant elle. Autrement dit de fixer l'écran et de se focaliser sur le cinéma. Voilà un film qui rend de manière, à la fois drôle et «surréaliste», la fièvre qui s'empare des gens lors des JCC et où certains peuvent recourir à la menace, voire à la violence, pour s'approprier un carton d'invitation pour être de la fête. «La Peluche» de Shiraz Bouzidi La fable se focalise sur un acteur, Lotfi (Lotfi Abdelli), qui se prépare à se rendre à une soirée où les JCC lui rendent hommage. Sa femme accompagnée de son bébé doit se rendre à un mariage. Mais Lotfi vivra une nuit d'enfer suite à l'attentat qui a eu lieu, à l'avenue Mohamed V que sa femme devait emprunter pour aller au mariage. Peur, inquiétude, affolement, tout ce que les Tunisiens ont vécu cette nuit-là y est. Un film bien mené et qui nous replonge dans la triste réalité du terrorisme mais vécu de manière personnelle par un acteur qui, confronté à ce drame qui a frappé tout le pays, prend conscience de son égoïsme. La scène finale où Lotfi pelote la peluche de son enfant exprime, malgré tout, que l'espoir existe encore et que la vie continue. «Inversé» de Wissem Tlili se déroule dans une salle de cinéma où Bassem, un cinéphile, assiste à la projection du film «Bamako» lors des JCC 2006. La projection entamée, Bassem découvre que les bobines sont inversées et que le film commence au milieu. Mais personne, dans la salle, n'en a cure, les quelques spectateurs sont occupés à autre chose qu'à regarder le film. L'idée n'est pas nouvelle car plusieurs opus ont traité de la salle de cinéma dont notamment «Cinéma paradiso» de Giuseppe Tornatore et le film collectif «Chacun son cinéma» réalisé en 2007 pour fêter le 60e anniversaire du festival de Cannes, par 35 cinéastes du monde entier. Mais ici, Wissem Tlili traite du détournement de la fonction et du rôle de la salle de cinéma où l'on n'entre plus pour voir des films et apprécier le cinéma, mais pour tout à fait autre chose. La salle de cinéma est devenue un refuge pour les amateurs d'ébats sexuels. Le réalisateur multiplie, par trop, de manière répétitive les scènes d'ébats pour mieux démontrer l'hypocrisie et les contradictions de la société, quoique de manière populiste. Cela à travers le personnage qui, après avoir assouvi ses fantasmes, déclare en direct à une chaîne de télé que «les films tunisiens comportent trop de scènes de nu et de sexe». Entretemps, le critique palestinien venu voir le film est encore assoupi dans la salle. Le clin d'œil à la réalité palestinienne est clair. «Inversé» n'est pas non plus le premier film tunisien qui évoque la salle de cinéma, le court métrage «Cinésiesta» de Alia Nakhli projeté, au cours des JCC 2008, dans le cadre des films collectifs «10 courts, 10 regards», produit par Ibrahim Letaief, montre, également, à travers plusieurs situations drôles le déclin des salles de cinéma, voire du cinéma tout court. «Conférence de presse» de Nacer Khemir, qui se limite à projeter des séquences de son film «Le collier perdu de la colombe», se veut une critique des journalistes qui ne sont pas venus à sa conférence de presse. L'opus se décline en français et dans une sorte d'explication de texte de son opus en répétant à satiété qu'il existe «60 termes pour désigner l'amour dans la langue arabe». O.K. reçu 5 sur 5 et après ? Le résultat est laborieux et pesant et n'a pas un grand rapport avec le thème des JCC. Le cinéma existe-t-il encore? «Harmonica» de Moktar Ladjimi remonte le temps en pleine effervescence du cinéma; Dhaou (lumière) de son prénom bien choisi et prémonitoire est un projectionniste, il est accompagné de «Ftaila», un ado qui joue de l'harmonica pour rompre sa solitude. Tous deux sillonnent les routes du nord au sud du pays pour projeter des films. Mais le ciné-bus tombe en panne... Au début, des images en noir et blanc nous replongent dans l'âge d'or du cinéma où les enfants accueillaient les bus par des cris de joie «cinéma jet» (le cinéma est venu) puis l'image reprend ses couleurs, mais le cinéma se meurt... Puisque le ciné-bus est devenu un camion de promotion publicitaire qui n'est plus accueilli avec les anciens cris de joie des enfants alors que les adultes sont occupés à jouer aux cartes et que les nouvelles technologies dominent le monde. Le film s'interroge : le cinéma existe-t-il encore? Mais en même temps il distille l'espoir à travers la réplique d'une jeune actrice noire africaine «Lève-toi, prends ton chemin et reprends ton cinéma» en s'adressant à Dhaou qui semble avoir perdu ses illusions. Les effets techniques signés Nizar Souissi, la musique, les paysages et l'amour du cinéma qui se dégagent du film nous font apprécier cet opus de Moktar Ladjimi. «Avant-première» de Farès Naânaâ nous fait revivre l'attentat terroriste qui a visé l'année dernière le bus de la garde présidentielle à l'Avenue Mohamed V lors de l'avant-première de son film «Chbabek El Jenna» (les frontières du ciel» lors des JCC. Un couple (Jouda Najeh et Mourad Karrout) est sur sa route pour rejoindre la salle où doit se jouer le film, il apprend par la radio qu'un attentat terroriste a eu lieu. Cet opus mêlant réalité et fiction montre que l'art, et le cinéma en particulier, est plus puissant que la violence et le terrorisme car l'un prêche la vie et l'autre prêche la mort. Si l'on excepte le jeu appuyé des deux acteurs, les scènes filmés dans la salle après l'attentat grâce à la caméra d'un magazine électronique montre l'émotion de toute une salle qui exprime son amour pour la vie et son rejet de la culture de la mort. «Sous-titres» de Kamel Laâridhi se focalise sur un jeune cinéaste, Hichem, qui a eu un problème avec la copie de son film juste avant la projection. Tout en essayant de résoudre ce problème, il est confronté à une mère envahissante (Amel Hedhili), une actrice fâchée et un critique philosophe oppressant. Sans grand rapport avec les JCC, le film se perd dans la cogitation embrouillée et pesante sans sécréter de sens. Même le retour de la grande Amel Hedhili n'apporte rien au film. «Agora» de Abdallah Yahia met en scène un réalisateur sommé par son producteur de terminer le scénario de son prochain film. Film qui traite des enfants dans les zones rurales. Sa rencontre avec Moôtez va changer le cours des choses... Cet opus traite d'un thème important, l'enfance mais sans grand rapport avec les JCC. Un film qui se veut engagé mais qui pèche par un filmage et un jeu d'acteur (principal) approximatifs.