Par Salem TRABELSI Tous les automnes du monde sont agréables à vivre sauf l'automne de la vie. Oui ! On peut accepter tous les automnes possibles et imaginables qu'ils soient climatiques ou métaphoriques, poétiques ou métaphysiques sauf l'automne de l'âge. C'est le plus irréparable des automnes ! C'est la vie qui commence à se retirer doucement, discrètement, et avec toute la politesse du monde, d'un corps qui, hier encore, était tout palpitant. Il semblerait que ceux qui éprouvent ce sentiment dans leur for intérieur ressentent une peur terrible. C'est pour cela que les sages siciliens vous disent lorsque vous leur demandez leur âge «J'ai 60 ans et je voudrais bien mourir le jour où je n'arriverai plus à boutonner et à déboutonner une chemise tout seul‑!» On sait que tous les sexagénaires éprouvent ce sentiment de «descente», mais à chacun sa réaction‑! Il y a ceux qui se tournent vers la religion, d'autres vers la lecture de livres qu'ils n'ont pas eu le temps de lire bien assis à côté d'un pot de basilic les pieds enfin dans des babouches blanches relaxantes. Mais il y a ceux qui réagissent à cet automne de manière différente en essayant de faire entendre la voix de leur libido. C'est ce qu'on appelle le démon de midi considéré comme une réaction psychologique contre l'automne de la vie chez les individus de sexe masculin. Pour ceux qui ne connaissent pas cette réaction, nous disons qu'il s'agit d'un «comportement» par lequel l'homme, à l'automne de sa vie, se met soudainement dans la peau d'un jeune amoureux transi au risque de briser l'édifice conjugal patiemment construit au fil des ans. Voilà ce que disent les psys‑: «Entre 50 et 60 ans, il y a un tournant psychologique qui s'explique par une baisse des capacités sexuelles. Beaucoup d'hommes consultent à cet âge et s'inquiètent du ralentissement de leur libido. Leur assurance en prend un coup ! Aussi cherchent-ils à prouver aux autres et à eux-mêmes qu'ils sont encore capables de séduire. Plus ils plaisent à des jeunes femmes, plus ils sont valorisés à leurs propres yeux. Cette étape de la vie est quelque part semblable à l'adolescence quand l'homme se trouve en état de réceptivité». Autrement dit, notre bonhomme dirait «Automne, je ferai de toi mon printemps». Ce démon, baptisé comme tel ailleurs, est sans équivalent linguistique chez nous, mais il existe bel et bien et cause d'énormes dégâts. Par réaction à cet automne et comme pour conjurer l'angoisse de la mort, notre vieil adolescent préférera les charmes d'une jeune adolescente aux agréments d'une femme parfaitement faite aux usages amoureux. L'adolescente plus malléable se laissera guider par la fantaisie. Elle admirera son expérience et boira ses paroles comme du nectar. Voici un regard neuf porté sur lui. Un bain de jouvance… le seul capable de lutter contre l'obsession de l'automne de la vie, c'est la seule arme qui demeure entre les mains des sexagénaires. C'est pour cela qu'ils l'usent sans scrupules… C'est pour cela que le bon sens sicilien dit qu'il est toujours dangereux de laisser un vieil homme de soixante ans avec une jeune fille… Certes, il peut manipuler son esprit, mais il faut que le corps suive‑!