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Entre libération des mœurs et conduites inhibitrices
Amour et sexualité chez les jeunes
Publié dans Le Temps le 05 - 11 - 2008


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Entretien avec Moez Ouhaibi (chercheur) : « Les jeunes doivent comprendre que vivre en harmonie avec soi exige qu'on satisfasse les pulsions libidinales et les idéaux spirituels d'une manière équilibrée »
Le comportement amoureux et sexuel de nos jeunes a connu pendant les trente dernières années une évolution très nette à divers niveaux.
Les mutations constatées ne sont pas toujours du genre qui rassure ou auquel on s'attend. Du côté des parents et des adultes d'une manière générale, leurs attitudes et réactions relatives à la vie sexuelle des nouvelles générations ne semblent pas évoluer au même rythme ; on hésite encore quant à l'attitude à prendre en matière d'éducation sexuelle et sur les sujets qui touchent à la vie intime du jeune garçon ou de la jeune fille.
En tout cas, nous avons recensé auprès de plusieurs jeunes les mutations les plus marquantes par rapport à leurs aînés du début des années 80. Les résultats de cette modeste enquête ne peuvent sans doute pas tenir lieu de référence scientifique fiable ; ils révèlent néanmoins que dans notre société, les choses de l'amour et du sexe posent encore le problème du hiatus entre la tendance à la libéralisation des mœurs et les conduites excessivement pudiques voire inhibitrices.
La première constatation qui s'est imposée à nous concerne la nouvelle forme qu'a prise la correspondance amoureuse ; les échanges épistolaires entre les jeunes amants se mettent à l'heure de l'Internet : on déclare sa flamme par mail, on « chatte » aussi des heures durant avec l'être aimé ; cajoleries très polies, flatteries audacieuses, jérémiades larmoyantes et reproches véhéments, tout se dit sur ordinateur ! Le portable n'est pas en reste ; il rend les mêmes services aux tourtereaux et bouffe tout leur argent de poche. Les lettres d'amour débordant de lyrisme et de romantisme que l'on recevait par voie postale ont fait leur temps et cédé la place à la correspondance électronique plus directe et plus rapide.
Autre fait nouveau : les jeunes tunisiennes sont plus entreprenantes en amour et parfois aussi plus effrontées avec les garçons que ne l'étaient les filles en 1980. Elles ont l'air aussi d'être plus « glamour » que leurs aînées, se pouponnent dès l'âge du collège et vivent leur premier flirt avant d'atteindre 15 ans.
Dans le camp des garçons comme dans celui des filles, on apprend l'inconstance assez tôt, et la fidélité en amour appartient désormais aux contes de fées ; le chagrin d'amour ne « tue » plus, seules les grossesses prématurées amènent certaines filles à attenter à leurs jours.
Les couples enlacés dans une salle obscure c'est de nos jours un spectacle rarissime et les promenades bras dessus bras dessous dans les jardins publics suscitent la moquerie autour du couple plutôt que la convoitise.

Pas de véritable éducation sexuelle
On se rencontre désormais dans les cafés de l'Avenue ou dans d'autres plus branchés du côté des beaux quartiers résidentiels. Ici et là cependant, les lieux sont infestés par des filles de mœurs douteuses qui ne se gênent pas le moins du monde quand il s'agit de racoler les jeunes en quête de plaisirs interdits.
Les « booms » et les fêtes d'anniversaires dont la fréquence tend à diminuer depuis un certain temps réunissent encore un public mixte d'adolescents en mal d'espaces pour « s'éclater ».
Une autre nouveauté concerne les lycéennes ou les étudiantes voilées : on les voit assez fréquemment aux bras de leurs soupirants sans que leur relation n'ait un caractère officiel. Les sorties de ces couples ne sont pas toujours exemptes de chatteries ni de « bécots ».
Concernant les rapports « profonds », ils ont tendance à intervenir à un âge plus avancé pour nos filles qui, pour diverses raisons, se marient assez tard aujourd'hui. Les garçons fanfaronnent beaucoup à ce sujet, mais leur première expérience sexuelle a toujours lieu entre 18 et 22 ans.
La culture sexuelle des uns et des autres repose soit sur des préjugés soit sur des notions très élémentaires et très insuffisantes. Des livres soi-disant éducatifs (édités pour la plupart au Liban) sont vendus dans toutes les librairies mais les lecteurs ne se bousculent pas pour les acquérir. Ils sont pourtant écrits en arabe et leur prix varie entre 3 et 8 dinars.
Dans les lycées, la séance des sciences naturelles est la seule à aborder la sexualité, sans bien évidemment aller au-delà des seuils autorisés. L'éducation sexuelle des jeunes est encore dévolue aux maisons de tolérance de moins en moins nombreuses dans le pays et aux films érotiques ou pornographiques dont la commercialisation est apparemment plus facile que celle des films ordinaires. A ce propos, il y a lieu de signaler que les cassettes vidéo ont cédé maintenant la place aux CD qui ont « l'avantage » de permettre le visionnement de plusieurs films à la fois. Les produits arabes font leur apparition et d'après certains jeunes que nous avons interrogés ils s'échangent avec une facilité déconcertante entre étudiants et lycéens.
La crainte des maladies sexuellement transmissibles amène aujourd'hui plus qu'avant les jeunes à se protéger ; cinq pharmaciens de la capitale affirment que les demandeurs de préservatifs ont en majorité entre 20 et 30 ans. Quelques parents contactés disent acheter eux- mêmes les condoms et qu'ils s'ingénient pour les faire parvenir indirectement à leurs garçons.

Où sont les adultes ?
Le monde des adultes facilite-t-il les choses devant les jeunes en matière de vie sentimentale et sexuelle ? On ne peut pas affirmer avec certitude que c'est le cas ! Il n'existe pas comme en Europe des revues spécialisées destinées à éclairer adolescents et jeunes de plus de 18 ans sur les choses de l'amour. Les émissions radiophoniques ou télévisées qui abordent ces questions sont rarissimes et curieusement peu suivies. A la maison, les parents sont plutôt gênés par de tels sujets ainsi que par les films qui donnent lieu à des scènes osées. En parler ouvertement avec ses enfants demeure difficile même pour les parents les moins réactionnaires. Nous tenons toutefois à remarquer que les mères se montrent aujourd'hui plus permissives et plus compréhensives à l'égard de leurs enfants (et surtout de leurs filles) ; les pères eux ferment à demi un œil et gardent toujours ouvert le second, notamment quand il s'agit de leurs filles. Pour ce qui est des vêtements féminins à caractère provocant, beaucoup d'entre eux se sont résignés à des attitudes plus tolérantes.
Dans les milieux très pauvres, les adolescents sont très tôt livrés à eux-mêmes, ce qui est de nature à les exposer à toutes les formes d'agression, de déviance et de délinquance. La plupart de ce que l'on appelle « cas sociaux », est issue de tels milieux. C'est parmi cette population que les souteneurs de tous bords recrutent les futures prostituées.
Badreddine BEN HENDA

Entretien avec Moez Ouhaibi (chercheur) : « Les jeunes doivent comprendre que vivre en harmonie avec soi exige qu'on satisfasse les pulsions libidinales et les idéaux spirituels d'une manière équilibrée »
Et l'Amour dans tout cela ? Le sexe a-t-il pris le dessus sur les beaux sentiments ? Nous avons posé ces questions et d'autres aussi à M. Moez Ouhaîbi (chercheur qui travaille en ce moment sur des sujets ayant trait à l'érotisme et à la sexualité dans le domaine de l'art). Ses réponses enrichissent notre enquête d'un éclairage tout à fait original et fort intéressant.
En fait, l'entretien fut trop rapide pour permettre à notre interlocuteur de s'étendre sur le sujet en l'abordant dans toute sa complexité ; mais ce que nous en dit brièvement M.Ouhaîbi était suffisant pour relancer la polémique autour de la sexualité des jeunes. Une polémique que nous souhaitons la plus large et la plus fructueuse possible.

CD, cassettes vidéo, sites interdits...
« Vous savez, le commerce du sexe suit toujours son temps ; aujourd'hui, la culture de l'image semble favoriser une plus large distribution du produit érotique ou pornographique. En apparence, cela ouvre une brèche pour les jeunes en mal de défoulement. Or, les films et les revues qui visent ce public codifient et uniformisent excessivement le désir et l'acte amoureux à tel point que le spectateur se trouve prisonnier de cette position de celui qui comble ses désirs par héros interposé. Il se trouve par ailleurs réduit à une forme de paresse étrange qui l'amène à se contenter de cette satisfaction imaginaire de sa libido. »

Les familles tunisiennes et l'éducation sexuelle
Pour être objectif, il faut préciser que l'attitude des familles à ce sujet diffère d'un milieu social à l'autre d'une région à une autre, etc. Ce que j'ai personnellement relevé c'est cette « hypocrisie » qui prévaut parmi des parents prétendument ouverts. Sur certaines questions, ils le sont en effet ; sur d'autres ils donnent l'air de revenir sur leurs convictions. Par exemple à propos de l'éducation sexuelle et plus particulièrement lorsque cela concerne la jeune fille au lycée. Ils n'admettent pas qu'on aille jusqu'à lui parler en classe de l'érection du sexe masculin !
Les condamner au nom de la défense de la dignité féminine cela peut se concevoir, mais il faut savoir que d'un autre côté décider de les fermer risque d'aggraver les conséquences parfois tragiques du refoulement sexuel ! Je suis pour le maintien des maisons closes en recommandant un suivi plus rigoureux sur le plan hygiénique.
Il y a une tendance à la platitude et à la vulgarité dans la représentation de l'amour véhiculée par certains produits musicaux ou cinématographiques largement diffusés sur les chaînes de télévision. Nous devons au contraire éduquer les générations futures sur la base de valeurs nobles qui préservent l'humanité de l'homme. Les jeunes doivent comprendre que vivre en harmonie avec soi exige qu'on satisfasse les pulsions libidinales et les idéaux spirituels d'une manière équilibrée.
Concernant certains adultes qui condamnent toute forme de libéralisation des mœurs, j'estime que leur attitude s'apparente à celle des pires obscurantistes et nous fait revenir des siècles en arrière ! Et en plus, assez souvent, c'est hypocrite de leur part.


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