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Une enfance tunisienne
Note de lecture
Publié dans La Presse de Tunisie le 14 - 09 - 2010


De Nicole Jean, L'Harmattan 2004
Par le Pr Afifa Marzouki
Il s'agit d'un récit autobiographique où la narratrice retrace sa vie en Tunisie au temps du Protectorat, entre 1936 et 1956. Le récit est chronologique, il s'étend sur 8 chapitres précédés d'une introduction et suivis d'un épilogue. Dans l'avant-propos, la narratrice est en France, dans les Alpes du sud, 18 ans après son retour de Tunisie en France : elle n'a rien oublié du passé et s'interroge sur les raisons qui, en 1871, ont bien pu pousser ses arrière grands-parents à quitter leur pays pour aller s'installer en Afrique du Nord.
Le premier chapitre commence avec la naissance de l'écrivain à Tunis et le début d'une enfance dans une ferme à une centaine de kilomètres de Tunis, dans la région de Bouarada, au sud-ouest de la capitale; le dernier évoque la dernière année de l'élève au lycée de jeunes filles Armand Fallières de Tunis et le suicide de Ouarda, la camarade de classe et amie. L'épilogue évoque le retour à Paris, après le baccalauréat, pour des études de droit et la longue rupture avant les nouveaux retours 40 ans plus tard à Tunis, dérisoires, brefs et ponctuels, notamment à partir de 1996.
Dans les huit chapitres successifs, l'auteur revient dans les détails sur son quotidien solitaire et heureux dans la ferme de Bouarada et la chaleur du cocon parental, puis sur l'école et le collège à Radès, avec les couacs et les éveils au contact de la grande famille, avec la découverte du monde citadin et de la complexité de la société, avec la guerre et ses terreurs. Enfin, le livre se ferme sur l'évocation des années du lycée à Tunis et la prise de conscience progressive des tabous, des préjugés, des rancoeurs et des haines sociales, des clivages et des luttes politiques jusque-là insoupçonnés par l'enfant de Bouarada.
De tout cela, l'écrivain essaie de rendre compte comme dans un reportage mais avec un regard qui évolue au fil des jours, des contacts et des événements : du regard de l'innocence et la naïveté enfantine, on passe à celui que perturbent et inquiètent les interrogations, les premiers doutes et les dernières intuitions. Le tout est inspiré par la sensibilité feutrée d'une femme particulièrement marquée par son enfance à la ferme de Bouarada, par cette vie quasi insulaire à l'écart de tout et de tous, couvée par le couple parental et bercée par le cycle des saisons et le faste de la nature. On est frappé dans cette partie du texte par la précision des détails, la netteté des souvenirs et la force des émotions : il est clair qu'au plaisir de l'écriture s'ajoute aussi la jubilation de la mémoire.
La deuxième partie du texte correspond, avec le passage forcé à l'école et la vie urbaine, à un moment de sevrage et de rupture avec les lieux matriciels et mythiques. La lecture de ses chapitres est plus aisée car l'écriture y est moins descriptive et plus focalisée sur l'événement et l'action.
L'expression y est, par ailleurs, plus laconique, l'évocation des événements plus rapide, plus évasive et sans délectation particulière : tout se passe comme si la dysphorie du contexte et l'émergence d'une conscience de la complexité et de la difficulté de la réalité, enveloppaient cette période de la vie, de plus de flou, la voilaient de la brume de l'incompréhension et de l'incommunicabilité (avec les siens propres aussi bien qu'avec les autres, des plus proches au plus éloignés).
Autant l'écriture de la première enfance est euphorique et tremble des émotions de la beauté, toujours renouvelée, de la nature et de l'univers de la campagne et prend plaisir à s'arrêter sur les détails, les tableaux et les scènes, autant celle de la deuxième partie semble se refuser aux fréquents arrêts sur image et aux développements, comme pour exorciser les embruns et les prémices des orages.
Dans son ensemble, toutefois, et, sans tomber dans l'idyllisme satisfait ou l'exotisme de pacotille, ce livre frappe par la douceur de sa vision et par sa sérénité. L'auteur semble laisser couler l'écriture selon sa propre pente, volonté de refuser de débattre des problèmes sérieux ou graves, comme pour ne pas altérer la nostalgie et le velouté du récit, comme pour ne pas entacher la mémoire.
Car l'ouvrage ne se veut pas une réflexion politique ou un jugement partisan ou idéologique mais un retour sur soi et comme une mise en ordre et un dégagement, une libération, un rempart contre la dispersion, l'effritement de la personne, la schise, comme diraient les psychanalystes. Le confort de l'unité de l'être passe par cette reconstruction, ce rassemblement nécessaire des morceaux de soi-même dans un désir d'équité et d'équilibre. Ce texte vaut pour nous lecteurs comme un précieux témoignage et un renfort pour la mémoire collective, il vaut pour son auteur comme une bénéfique régulation de la mémoire individuelle et une prime de plaisir généré par le sentiment de réconciliation avec son passé et partant avec soi-même.
Ce livre s'inscrit aussi dans une tradition qui revient de plus en plus de nos jours, celle du témoignage personnel, vécu dans la douleur ou le plaisir mais qui vient révéler, avec une voix autre, les pans parfois cachés de l'Histoire, qui tente même de relativiser l'Histoire officielle, la nuancer, la dynamiser, l'interroger et la dégager parfois de ses moules définitifs. Cet ouvrage, comme tant d'autres de son genre, est donc, pour le lecteur, une occasion de repenser les frontières, l'histoire et la géographie, les identités, les cultures et les valeurs, dans un souci d'équité, d'ouverture et de relativisation de tous les absolus qui nous aveuglent et nous figent.
––––––
NB : Une présentation de ce livre a déjà été faite par le Pr Rafik Darraji, dans La Presse de Tunisie, en septembre 2004, à sa parution. Rappelons aussi que Nicole Jean vient de publier un second roman en deux tomes chez le même éditeur : Entre les deux rives : Maghreb, l'impossible rupture (2010).


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