La violence est-elle devenue l'outil le plus efficace pour attirer l'attention de l'opinion publique et faire pression sur les décideurs afin qu'ils trouvent des solutions aux problèmes sociaux et économiques récurrents ? Est-elle devenue une logique dans un pays qui fait ses premiers pas dans la démocratie ? Le recensement et l'analyse sociologique des cas de violence enregistrés mensuellement permettent de rendre à l'évidence de la prépondérance de ces actes et de la corrélation souvent étroite entre les conditions de vie socio-économiques, le mal-être psychologique et cette incapacité à maîtriser des pulsions négatives nourries par moult facteurs intrinsèques et autres extrinsèques. L'Observatoire social tunisien (OST), relevant du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), a publié récemment les deux rapports mensuels relatifs aux mouvements de protestations sociales ; deux rapports qui dévoilent un changement dynamique car qualitatif des actes de violence. De la violence criminelle à celle sexuelle, les causes varient et les impacts restent tout aussi tragiques. Du vol au meurtre En effet, en septembre 2016, l'OST estime une sensible régression des actes de violence. En revanche, cette accalmie se trouve altérée par l'ampleur que prend la violence criminelle. La criminalité apparait via des braquages, des enlèvements, des vols et des agressions physiques et verbales perpétrés dans l'espace public. Certains crimes trouvent leur fondement dans la précarité de la classe défavorisée, dans la délinquance d'une jeunesse désenchantée car lésée par la marginalisation, la stigmatisation, la pauvreté et l'absence de toute perspective à même de la tirer du gouffre. Comme c'est le cas à Kairouan, où des fonds de contribution volontaire ont été dérobés dans une mosquée. A Aïn Jelana, un garde-forestier a été agressé à l'arme blanche pour avoir tenté de faire avorter une tentative de vol d'un bétail. A Sbikha, une femme a eu le même sort. A Nabeul, un agriculteur a péri dans une opération semblable. D'autres crimes traduisent, par ailleurs, l'augmentation graduelle des pulsions négatives, voire des pathologies psychologiques et psychiatriques qui vont de la violence verbale aux délits sur fond sexuel, familial, social relationnel et sécuritaire. En septembre, une recrudescence de la violence sexuelle a été constatée contre des femmes et des mineures. A Borj Louzir, par exemple, un groupe de jeunes a défoncé la porte de l'appartement de quatre étudiantes dont l'une a été enlevée. L'innocence outragée Ce qui est encore plus intriguant, c'est que cette forme de violence fondée sur le genre, mais aussi sur l'abus des droits de l'enfant à l'intégrité physique et morale, a évolué d'un cran au bout de quatre semaines. Le rapport de l'OST relatif au mois d'octobre signale une montée phénoménale de la violence sexuelle. A Nabeul, deux fillettes âgées, toutes les deux, de huit printemps, ont été victimes de viols. La première a été abusée par son propre père. La deuxième, par un sénior âgé de 66 ans. L'abus sexuel sur des enfants touche aussi les garçons. Au Kef, comme à Sousse, des garçons en situation de handicap ont été victimes, eux aussi, de viols. L'un d'entre eux a été même violé à cinq reprises par le même abuseur. Vulnérables par leur immaturité psychique et physique, les enfants âgés de moins de 18 ans continuent à être une cible prisée des agresseurs sexuels. Toujours au mois d'octobre, une jeune fille a été violée et filmée par son ami. Une autre a été séquestrée et violée quatre jours durant par deux jeunes. Halte aux pathologies à risque ! Les violences sexuelles, de par les séquelles physiques et autres, psychologiques traumatisantes, voire marquantes à jamais, nécessiteraient de faire l'objet d'un travail de recherche, d'analyse et de prévention afin de réduire ces crimes et de minimiser les facteurs qui leur sont propices. Un travail qui devrait inclure et l'éducation sexuelle auprès des jeunes et le dépistage des pathologies de nature psychiques et psychiatriques susceptibles de conduire à de pareils drames. D'où le rôle de la société civile, des institutions sanitaires et autres, éducatives ainsi que des parents dans la lutte contre ce phénomène social. Notons que 90% des actes de violence sont perpétrés dans le milieu familial. Les deux rapports de l'OST, relatifs à septembre et à octobre 2016, montrent la diversité des natures de violence commises. L'on parle de violences familiales, relationnelles et conjugales qui offensent l'harmonie familiale et sociale et transforment les relations censées être de complicité et d'entente en des motifs de querelles, de violences, de crimes. Suite à un différend avec son cousin âgé de seulement 14 ans, un jeune de 18 ans a été poignardé. En octobre, l'on a recensé un acte de violence verbale sur fond de racisme sur une jeune fille de couleur. Par ailleurs, et durant le mois de septembre, des actes de violence sociale ont été accomplis par des citoyens en guise de protestation contre l'injustice sociale. On cite, à titre indicatif, l'effraction d'une station de pompage d'eau à Fernana comme signe de protestation contre la pénurie d'eau.